Rugby – Olivier Magne : “La clé du match, ne pas surjouer”

A 24 heures de France-Ecosse, Olivier Magne revient pour Sans Filtre sur la rencontre contre Galles et les clés du match face au Chardon.
Olivier Magne s'attend à une belle bataille demain
Olivier Magne s’attend à une belle bataille demain

Passée à deux doigts de décrocher le Tournoi des VI Nations l’an passé – cela s’était joué à la différence de points avec l’Angleterre – le XV de France récidive lors de l’exercice 2021. Après la victoire sensationnelle dans les tous derniers instants samedi dernier contre le Pays de Galles (32-30), les Bleus s’attaquent à l’Ecosse demain soir. Une rencontre qui avait été reportée en février suite à l’évolution d’un cluster à Marcoussis, et qui conclut, en retard, le Tournoi, avec encore une ultime chance de ramener pour la première fois le trophée à la maison depuis 2010 pour l’équipe de France. Elle doit l’emporter avec le bonus offensif, et maintenir le XV du Chardon à au moins 21 points. Sans Filtre revient sur l’incroyable dénouement contre Galles et les clés du match face à l’Ecosse avec un consultant de luxe, Olivier Magne.

L’ex-troisième ligne international aux 90 sélections, illustre figure de l’US Dax ou de l’ASM, a notamment relevé une excellente prestation des leaders samedi passé, et donne son avis sur les chances des tricolores, demain à Saint-Denis.

Olivier Magne : « C’était un match que l’équipe de France aurait certainement pu perdre il y a quelques années »  

« Quels mots vous viennent pour qualifier la fin de match du XV de France contre Galles, samedi dernier ?

Renversant, à plus d’un titre. Renversant parce que l’équipe de France était quand même vraiment mal engagée dans cette fin de match (20-30 à la 76e), face à de très bons Gallois. A la faveur d’un contexte de match plutôt décousu, avec beaucoup d’arrêts de jeu, de temps morts à cause de l’arbitrage vidéo, l’équipe de France est parvenue à refaire surface, à revenir dans le match. Et cet essai à la dernière minute vient concrétiser toutes les entreprises françaises sur la fin de la partie. C’était tout de même un peu inespéré, un match que l’équipe de France aurait certainement pu perdre il y a quelques années, dans une configuration différente. On s’aperçoit qu’il y a un état d’esprit, qu’il y a des garçons qui mentalement n’ont pas lâché, c’est important.

Comment jugez-vous la performance d’ensemble de l’équipe ce soir-là, qui paradoxalement a plutôt souffert en défense ?

Elle a très bien démarré, en marquant rapidement. Elle a encaissé un essai derrière mais toujours est-il qu’elle avait répondu au niveau d’intensité du match mis par les Gallois. C’est vrai que, par la suite, les Français ont souffert. Je dirai que c’est vraiment le premier match du Tournoi où ils se sont retrouvés en grande difficulté. La performance est mitigée. Evidemment il y a la victoire au bout, mais si on regarde l’ensemble, par rapport à la production de jeu, c’est une équipe de France en difficulté que l’on a vu face à une équipe de Galles qui a probablement joué le meilleur match de son Tournoi.

« Charles (Ollivon), on l’attend surtout sur les matches difficiles. Et il a répondu présent »

En tant que spécialiste du poste, comment avez-vous apprécié la prestation de Charles Ollivon dans le jeu mais également dans son rôle de capitaine ?

Rugbystiquement, Charles a certainement réalisé son meilleur match du Tournoi. Il était un peu en dedans, un peu usé en début d’année avec l’enchaînement des compétitions, des matches, avec un contexte de club où il y a beaucoup d’enjeux. Il n’était pas forcément très à son avantage sur les premiers matches, mais on l’attend surtout sur les matches difficiles. Et là, il  a répondu présent. Il a vraiment été bon : en conquête, il a pris énormément de ballons en touche, il a très bien défendu, il était présent sur le jeu offensif et dans toutes les tâches demandées.

Sur son rôle de capitaine, il a été le catalyseur de toutes les envies et les motivations de ses partenaires, qui l’ont aidé à aller chercher la victoire en fin de match. Il a bien été soutenu par ses lieutenants (Alldritt, Fickou, Serin dans les dernières minutes). Charles a très bien assumé son rôle de joueur et son poste de capitaine.

Olivier Magne : « Savoir être beaucoup plus habile dans le choix des ballons à jouer »

Quelles seront les clés du duel contre l’Ecosse ?

La clé, c’est de ne pas surjouer. Ne pas partir dans un rugby trop décousu, vraiment essayer de conserver de l’organisation. Il faudra bien sûr savoir se saisir de la moindre occasion pour marquer, mais toujours en jouant le plus juste et cohérent possible, dans les prises d’initiatives, ne pas faire n’importe quoi. Ne pas jouer pour jouer, finalement, face à une équipe qui ne demanderait que ça. Il faut jouer de manière judicieuse, être le plus pragmatique possible, et surtout être aussi solides sur le plan défensif qu’on pourra l’être sur le plan offensif.  

L’équipe de France a l’habitude de laisser le ballon à ses adversaires. Sera-t-elle obligée de se renier demain si elle veut remporter le Tournoi ?

Elle devra faire un tri intelligent, beaucoup plus que par les précédentes sorties. La configuration de cette partie fait que l’équipe de France a des objectifs très clairs en termes d’essais à inscrire et d’écart de points. Il faut corréler ces objectifs avec une très grande justesse dans l’exécution, être capable de ne pas tout le temps se séparer du ballon. L’idée sera peut-être de trier un peu plus ces ballons pour saisir les bonnes opportunités, parce qu’il n’y en aura pas infiniment.

Olivier Magne : ” Ce serait un exploit de dominer l’Ecosse de plus de vingt points”

Il faudra que l’équipe de France puisse marquer des essais depuis son propre camp, et ne pas vouloir toujours occuper, rendre le ballon à un adversaire qui est très fort en contre-attaque. Rester organisée et cohérente. Renier son jeu, ce n’est pas le terme que j’emploierai, mais c’est finalement savoir être beaucoup plus habile dans le choix des ballons qu’elle pourra jouer.   

Cela change-t-il quelque chose d’avoir eu six jours pour préparer cette « finale » qui peut faire gagner le Tournoi ? Habituellement, tous les matches du Tournoi se jouent en même temps…

Je ne sais pas. Honnêtement, je pense que les Français sont dans leur Tournoi, à Marcoussis en train de se préparer. Ils ont vraiment cet objectif en tête, d’aller au bout du Tournoi alors que c’était un peu inespéré, avec la crise sanitaire qui les a touché. Je pense que le fait de pouvoir enchaîner trois matches est une bonne chose. C’est aussi un peu usant pour l’équipe de France. La préparation contre l’Angleterre, la configuration du match contre le pays de Galles, avec toute cette intensité, psychologiquement et physiquement, cela peut être usant. Donc à voir dans quelle exposition physique et mentale, dans quel état de fraîcheur se retrouvera la France demain soir, pour qu’elle puisse réaliser un petit exploit. Parce que ce serait un exploit de dominer l’Ecosse de plus de vingt points.

« Il faut trouver la balance entre l’attaque et la défense »   

En cas d’échec, cela ferait deux années consécutives que le XV de France passe tout près de remporter le Tournoi. Cela pourrait-il avoir des conséquences ?

Des conséquences de manière directe, non, il n’y a rien qui va changer, du moins je ne vois pas pourquoi ce serait le cas. De manière indirecte, oui, sur le jeu. Peut-être remettre en question l’approche stratégique. Comprenons bien qu’aujourd’hui, dans ce rugby d’hémisphère nord, on fait de plus en plus appel à des défenses très fortes, très bien organisées. Il y a beaucoup d’inspirations du XIII, on pense à Shaun Edwards (l’entraîneur de la défense du XV de France) ou d’anciens joueurs et entraineurs du XIII qui viennent organiser les défenses du XV. Il y a une volonté affirmée, c’est le cas pour l’équipe de France, de faire de la défense une priorité, ce qui peut se comprendre.

Mais toujours est-il qu’il faut trouver la balance entre l’attaque et la défense. Je pense que le grand chantier à venir de l’équipe de France, c’est de se tourner vers ce jeu d’attaque, le choix des ballons à jouer. Ce qui permettrait de rivaliser avec les nations du Sud qui elles, à contrario, sont beaucoup plus tournées vers l’attaque. Cela pourrait être un indicateur, une question à se poser, si la France ne parvenait pas à gagner le Tournoi. Est-ce qu’il ne faudrait pas se tourner davantage sur du jeu d’attaque plutôt que de rester absolument sur cette idée que la défense peut tout résoudre et qu’on ne peut fonctionner que sur des ballons de contre-attaque ?

Olivier Magne : « La France en est capable »   

Pensez-vous la France capable de décrocher le Tournoi ?

Oui, bien sûr, je pense qu’elle en est capable. Après, cela devra se faire à travers tout ce que l’on a évoqué. Je trouve que, pour finir le Tournoi, ce serait un bon indicateur de la progression de l’équipe de France que de distancer son adversaire au score. Cela voudrait dire que le jeu d’attaque aura été présent. Et ne pas permettre à l’équipe d’Ecosse de marquer trop de points. Cela signifierait qu’il y a une balance trouvée, une progression dans la volonté d’attaquer quel que soit l’endroit d’où vous attaquez. Je pense que la France en est capable, maintenant cela devra se faire à certaines conditions. J’espère que ça va le faire ».

Mathéo RONDEAU

Retrouvez ici le portrait Sans Filtre d’Olivier Magne (septembre 2019)

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