MÉLINA ROBERT- MICHON – APRÈS UNE SECONDE GROSSESSE, LA ROUTE VERS LES JO 2020

La vice-championne olympique du lance du disque, Mélina Robert-Michon, revient sur ses grossesses et la possibilité d’évoluer au plus haut-niveau tout en étant mère.
Mélina Robert-Michon

Mélina Robert-Michon – Athlète

#Lancer du disque #Équipe de France #Record de France à 66,73m #Médaille d’argent JO de Rio 2016 #Vice-championne du Monde 2013 #Médaille de Bronze Championnat du Monde 2017 #Vice-Championne d’Europe 2014 #18 fois championne de France

Crédit Photo Une : DR

À un moment de ma carrière où j’étais en plein boum, où j’avais enchaîné pas mal de saisons intenses, à haut niveau, j’ai senti que le moment pour moi d’avoir un deuxième enfant était arrivé. Je me suis posée pas mal de questions, est-ce que je dois arrêter, ou bien continuer après l’accouchement, tenter de faire encore quelques mois avant d’essayer d’avoir cet enfant…

Pendant les Championnats du Monde à Londres en 2017, j’étais fatiguée nerveusement. L’année avait été bien chargée en sollicitations en tout genre, je me suis dit que soit je faisais une coupure maintenant pour avoir un bébé, ou soit je faisais les Championnats d’Europe pour arrêter ensuite afin de faire un enfant.

PRENDRE DU RECUL POUR CHOISIR LA MEILLEURE OPTION

Je pense qu’on est obligé de se poser les bonnes questions : pour moi, j’ai senti que c’était le bon moment. D’ailleurs, nous avions déjà commencé à y réfléchir avec mon compagnon dès Rio, mais il fallait laisser mûrir l’idée.

Cette nouvelle, je l’ai bien entendu partagée avec ma communauté, c’est quand même un merveilleux événement, et puis je veux dire… qui ne serait pas ravi d’apprendre ça !

Il y a eu la première phase, où j’étais vraiment contente de pouvoir couper avec l’entraînement habituel et ses contraintes. Parce que psychologiquement j’avais une fatigue nerveuse qui était vraiment importante après la saison 2017. Avoir cette coupure, ça m’a vraiment fait du bien… Après, petit à petit l’envie est revenue. Avoir pu faire autre chose, m’être ressourcée, cela m’a donné de la force. Cette envie de reprendre a fait que je continue toujours aujourd’hui.

Je pense que si l’envie n’était plus là, j’aurais arrêté. Je n’aurais pas continué à contrecœur, surtout à 39 ans.

TOKYO 2020 EN OBJECTIF

C’est quand même un sacré challenge. Il faut accepter de voir ses performances baisser, surtout après une grossesse. Reprendre l’entraînement petit à petit demande de la patience, ce qui n’est pas forcément ma qualité première. Mais à force, avec de l’envie, on reprend nos habitudes, et puis tout va mieux.

D’autant plus que j’ai eu la chance d’avoir mes 2 coachs qui m’ont accompagnée durant ma grossesse, et pour ma reprise. Ils ont toujours été là pour moi, et se sont adaptés et ont été bienveillants envers mes décisions.

Le soutien des proches, des amis, de ma grande et de mon compagnon m’ont permis de reprendre mes habitudes. C’était un désir commun de faire cet enfant et c’est un vrai bonheur de partager tout cela avec lui et de se savoir soutenue au quotidien.

Quand on doit s’arrêter un petit moment, mettre notre carrière de côté, on se pose beaucoup de questions en tant que sportive. Pour ma part, avec mes 2 sponsors, j’ai joué cartes sur table, et ils ont su m’accompagner dès ma 1ere grossesse, mais c’était un risque à prendre.

SPORTIVE DE HAUT NIVEAU ET MÈRE DE 2 ENFANTS, UN QUOTIDIEN PAS TOUJOURS ÉVIDENT

Aujourd’hui, mon quotidien, c’est beaucoup de sport et des journées bien remplies. Une organisation millimétrée et en même temps, ça demande beaucoup de flexibilité, car c’est très rare que tout se passe comme on l’a imaginé. Je commence à prendre le rythme donc c’est un peu plus facile. Mais il y a toujours des imprévus, et cela sert en compétition où finalement, tout peut arriver. À voir le rythme de mes journées aujourd’hui, je me dis qu’en fait j’avais vraiment beaucoup de temps avant d’avoir des enfants. Je me demande même parfois ce que je faisais de tout ce temps.

Ma grande commence à se rendre compte que j’ai une vie d’athlète ; en même temps elle a toujours baigné là-dedans. Mon travail, c’est de m’entraîner, de gagner des médailles, donc pour elle c’est presque normal parce que ça a toujours été là comme ça. Après, elle commence à se rendre un peu plus compte notamment du regard des autres, elle se demande parfois pourquoi j’ai des demandes d’autographes par exemple, donc elle prend conscience du côté « popularité » plus au travers du regard des autres que dans son propre regard. Finalement je suis sa maman, le reste ce n’est pas très important pour elle.

Avec l’équipe de France, nous avons des compétitions partout dans le monde. J’essaie toujours de faire en sorte que mes absences ne soient pas trop longues, mais c’est comme toute maman qui est amenée à se déplacer et à voyager pour son travail. Je me dis que ça leur permet de passer parfois un peu plus de temps avec leur papa, de faire autre chose, mais c’est d’ailleurs presque plus difficile pour moi que pour elles. Elles le vivent a priori plutôt bien, on essaie toujours de s’organiser pour que ça ne soit pas trop long pour qu’elles aient d’autres choses à faire et que du coup le temps passe vite.

Parfois c’est un peu compliqué parce qu’on a plein de choses à gérer, mais je dirais que c’est comme une maman qui travaille. Il faut bien s’entourer. Faut accepter de se faire aider par ses amis et sa famille et surtout ne pas culpabiliser…

Forcément, quand vous êtes épanouis, vos enfants le ressentent, alors il vaut mieux être absente quelques fois, mais profiter pleinement des moments avec sa famille, plutôt que d’être tout le temps présente, et malheureuse. Les enfants ne doivent pas être un frein à votre vie, au contraire, c’est une source de motivation immense.

Je m’éclate dans ce que je fais, et ça, cela ne s’invente pas. Bien sûr parfois je n’ai pas envie d’aller aux entraînements et je préférerais rester avec eux à la maison, mais dans l’ensemble je suis très contente de vivre de ma passion. Le jour où je prendrais cela comme une contrainte, je pense qu’il sera temps d’arrêter.

LA GROSSESSE, UNE PÉRIODE IMPORTANTE

Il y a eu un vrai avant et après lors de ma première grossesse, ça a été un vrai virage dans ma vie et dans ma carrière. Je n’avais encore jamais parlé de coupure, mais après ma première grossesse, j’ai songé à y réfléchir.

Ça m’a permis de faire le point sur ma carrière, évaluer où j’en étais, et savoir ce que je voulais faire. Après m’être reposée, je me suis rendu compte que cela me manquait. Je n’aurais peut-être pas réalisé cela sans cette coupure justement. J’ai eu besoin de ressentir ce manque.

Je pense que ça a été un vrai déclic pour la suite de me dire, oui ce que je fais là ça me plaît. J’avais perdu le fil de ce que je faisais dans le sens où cela devenait machinal, mais sans passion, sans vraiment d’envie. Le fait d’avoir cette coupure m’a permis de me dire : « Oui ça me manque ! C’est ça que je veux faire et je sais que ça ne durera pas encore 20 ans donc je dois en profiter ».

La médaille d’argent pour Mélina Robert-Michon lors des JO 2016

Après ma première grossesse, j’ai appris à relativiser énormément. Beaucoup de choses m’encombrent, aujourd’hui j’ai appris à aller à l’essentiel.

Suite à ma reprise, quand j’étais à l’entraînement, je faisais parfois des séances qui étaient plus courtes, mais qui étaient plus rentables, car je voulais vite rentrer passer du temps avec ma famille… Donc ça avait changé pas mal de choses dans ma vision de la vie, j’ai appris à relativiser énormément.

Les médailles sont l’objectif principal bien sûr pour tout athlète. Mais il y a tout le chemin parcouru pour y arriver. Je trouve que c’est souvent ça le plus beau. Parfois on ne se concentre que sur le résultat, et moi je trouve ça dommage, car le chemin parcouru, c’est aussi important que la médaille.

Pour moi, les Jeux Olympiques ont été un tout, c’est ce qui m’a guidé tout au long de ma carrière. Tout le chemin parcouru a été fantastique pour y arriver. Représenter la France, représenter les valeurs olympiques, c’est quelque chose qui est au-dessus de tout. En fait, si je ne devais garder qu’une seule médaille, c’est sûr que je garderais celle des JO. La question ne se pose même pas.

LA GROSSESSE, UN SUJET ENCORE TABOU

Chez les sportifs, ce sujet est encore quelque chose d’assez tabou. Je parle toujours d’équilibre, et à un moment, je pense qu’il faut comprendre que la vie sportive, professionnelle et personnelle, ce sont des choses indissociables. Des gens peuvent vous dire que ce n’est pas important, que vous pouvez le faire après, mais il faut vous poser les bonnes questions, car c’est avant tout votre décision.

Ce n’est pas parce que vous êtes une femme que vous n’êtes pas capable de travailler comme les autres, et que la carrière s’arrête ou du moins devient secondaire lorsque nous avons des enfants.

À nous de saisir les opportunités, et c’est d’ailleurs toujours bien d’avoir des modèles qui montrent la voie pour faire changer, évoluer les mentalités.

C’est vraiment dommage, parfois, de voir des femmes devoir faire un choix entre avoir des enfants et avoir une carrière, car dans l’un ou l’autre, à un moment, elles se diront minces, maintenant c’est trop tard pour avoir une carrière, ou mince, je ne peux plus avoir d’enfants.

C’est le vrai problème aujourd’hui, et cela doit changer et commence à changer. On a vu plusieurs sportives prendre un break pour faire un enfant et revenir à leur top niveau : elles montrent que c’est possible, donc continuons !

MÉLINA

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