Arsène Wenger : « À la FIFA, on songe à faire une VAR simplifiée »

Arsène Wenger est le parrain des Journées de l’arbitrage La Poste 2021. Pour l’occasion, il s’est exprimé sur l’arbitrage et la VAR, mais également sur ses projets de réforme du calendrier. (Partie 1)
Arsène Wenger
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Arsène Wenger est le parrain des Journées de l’arbitrage La Poste 2021. L’événement célèbre son 20ème anniversaire… Et pour l’occasion, le directeur du développement du football mondial à la FIFA s’est exprimé longuement sur l’arbitrage et la VAR, mais également sur ses projets de réforme du calendrier. (Partie 1)

« L’arbitre est souvent ressenti comme une interruption à la fluidité du jeu »

Dans les règles du football, seul le capitaine peut aller demander des explications à l’arbitre, mais ce n’est pas respecter [rires]. On a des progrès à faire au niveau des comportements sur un terrain. Peut-être que, psychologiquement, l’arbitre est vu comme quelqu’un qui empêche un joueur de faire ce qu’il veut faire sur un terrain…

Contrairement au rugby, il n’y a pas beaucoup d’interruptions permettant à un arbitre de donner des explications aux joueurs. Au foot, l’arbitre est souvent ressenti comme une interruption à la fluidité du jeu… Et les joueurs n’aiment pas beaucoup ça. Mais c’est peut-être tout jeune qu’il faut travailler ces comportements.

Honnêtement, je suis admiratif des arbitres. Quand tu vois certaines choses se passer au niveau amateur… Non seulement c’est inexcusable, mais tu te demandes où les arbitres trouvent la force pour revenir le dimanche d’après pour arbitrer. Il faut vraiment être impitoyable face à ces comportements. Mais je dois avouer que je suis depuis tellement longtemps écarté du niveau amateur, que je ne me sens pas vraiment compétent pour exprimer mon point de vue là-dessus.

Arsène Wenger : « Donner du temps d’arbitrage aux jeunes »

Je pense que dans l’éducation sportive, il faut donner du temps d’arbitrage aux jeunes pour qu’ils se rendent compte de la difficulté. Il y a aussi un travail au niveau des parents, autour des terrains. Il y a un travail d’éducation qui doit être fait à l’intérieur des clubs et autour des stades. Parce que si les enfants voient des parents qui ne respectent pas l’arbitre, ça ne va pas aller très loin !

Je pense qu’il faut valoriser l’arbitrage, en encourageant les jeunes très tôt à prendre le sifflet dans les séances d’entraînement. Peut-être qu’il faudra penser à créer des centres de formation d’arbitre. Ça existe dans certains pays, aujourd’hui. Récemment, quand j’étais à Doha, il y avait un centre de formation d’arbitre, qui était très intéressant. Peut-être qu’il faudra passer par cela.

« Je suis favorable à l’ouverture des micros »

On est dans la société de la transparence, donc la sonorisation des arbitres viendra par étape. Dans un premier temps, ce qu’il serait intéressant, c’est d’avoir les conversations entre l’arbitre et la VAR. Je pense que ça rajouterait de l’intérêt pour les gens qui regardent à la télé, qui comprendraient mieux pourquoi telles décisions sont prises. On pourrait également les relayer sur un tableau d’affichage à l’intérieur du stade.

Je crois qu’il y a un problème d’explication des décisions avec la VAR. Il y a d’abord un problème de formation des arbitres « aptes » à arbitrer au VAR. Et c’est pour cela que je suis favorable à l’ouverture des micros. On en parle, bien sûr, à la FIFA… Je pense que la toute prochaine étape sera l’explication technique de la décision prise entre l’arbitre et la VAR.

Puis dans un second temps, peut-être qu’il y aura une transparence totale, où l’on entendrait les mots d’amour que les joueurs donnent aux arbitres… Et même les entraîneurs : j’en faisais partie aussi [rires]. Je pense que c’est peut-être le moyen le plus efficace de favoriser le respect et d’améliorer le comportement de tous les acteurs du jeu.

Arsène Wenger : « À la FIFA, on songe à faire une VAR simplifiée »

L’arbitre est critiqué, mais tout part du point de vue du spectateur : hors-jeu ou pas hors-jeu ? Certains l’ont vu et certains ne l’ont pas vu. Aujourd’hui, avec la VAR, vous pouvez trancher. Cependant, sur un terrain où il n’y a pas la VAR, vous ne pouvez pas mettre tout le monde d’accord.

Au niveau du football amateur, on songe à faire une VAR simplifiée, qui pourrait s’appliquer dans toutes les divisions inférieures. Aujourd’hui, pourquoi la VAR n’est pas très accessible ? C’est parce qu’elle coûte beaucoup trop chère. Elle coûte beaucoup beaucoup d’argent.

Pour une VAR simplifiée, il faudrait au maximum 3 caméras. On n’a pas encore terminé notre étude à la FIFA sur ce sujet, donc je ne peux pas en dire plus, mais on réfléchit beaucoup sur cette VAR simplifiée. La VAR a créé un « foot à deux vitesses » du point de vue technologique, et cette VAR simplifiée permettrait de réduire un peu ce fossé.

« Si on enlevait la VAR, personne ne serait content ! »

La VAR est devenue un élément indispensable du football de haut niveau… Et si demain on l’enlevait, plus personne ne serait content. Je pense qu’elle permet de prendre des décisions plus justes. Honnêtement, on est passé à un plus grand pourcentage de décisions justes par match. Ça n’a pas tué le nombre de buts marqués. Au contraire : il y a plus de buts marqués qu’avant.

Avant, les gens donnaient des hors-jeu sur des situations où le joueur partait seul au but, alors qu’il ne l’était pas. Aujourd’hui, on le laisse courir et on décide seulement à la fin. Donc ça n’a pas nui au côté spectaculaire du jeu et ça permet de prendre plus de décisions justes. Après, avec bien sûr, ce qu’on lui reproche à juste titre : d’être un « tueur émotionnel »… Puisqu’on explose de joie, pour apprendre 1 minute après que le but est refusé. Mais je pense que ce côté-là va un peu disparaître.

Arsène Wenger : « À un moment donné, la technologie, il faudra dire « On stop ! » »

La technologie ne remplacera jamais l’humain. La science doit nous permettre de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons, mais pas nous remplacer. Sinon, on arrivera à un arbitrage robotisé et des joueurs-robots qui jouent. Ce qui est beau, c’est que ce soit l’humain qui officie, avec les incertitudes qu’il y a autour, et avec son petit pourcentage d’erreurs.

Après, la technologie, à un moment donné, il faudra dire : « On stop ! ». Parce que nous, dans les expériences que nous faisons, actuellement, dans le cadre d’un épaule contre épaule, par exemple : je pourrais déjà vous dire quelle est la poussée que vous exercez sur mon épaule, et moi sur la vôtre. Donc est-ce qu’on considère ça comme valant un coup-franc ou pas, et à partir de quelle poussée il y aura coup-franc ou pas ? A un moment donné, il faudra arrêter… Car les progrès technologiques sont un peu « limités » à ce niveau-là.

Les hors-jeu automatisés existent, aujourd’hui. Et pour le moment, je ne me sens pas permis de vous divulguer comment ça marche exactement. Mais je peux vous assurer que ça marchera.

« Il faudra professionnaliser l’arbitrage féminin »

Je pense que l’explosion du 21ème siècle sera le football féminin. Ça passe par les joueuses… Et je suis convaincue qu’au niveau des arbitres, il faudra favoriser l’accès à l’arbitrage aux joueuses et anciennes joueuses. Là, on a Gaël Angoula, ancien joueur pro, qui arbitre aujourd’hui.

Il faudra favoriser l’accès à cette reconversion, et également professionnaliser l’arbitrage féminin. C’est une question de moyens financiers. Aujourd’hui, les filles n’ont pas les mêmes moyens financiers que les hommes, et il faudra attendre un peu…

ARSÈNE WENGER

Avec Nicolas PARANT

Retrouvez la 2ème partie de l’interview ici :

La suite du programme spécial “Journées de l’arbitrage La Poste” ici :

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