Thierry Gouvenou (2/2) : “Le top pour moi reste Saint-Etienne”
Dans la seconde partie de l’interview exceptionnelle en compagnie de Thierry Gouvenou, directeur technique des courses d’ASO, parlons technique justement. Son avis sur les derniers parcours du Tour de France, les étapes qu’il a adoré dessiner, qu’il a un peu moins apprécié après le passage des coureurs, mais aussi ses sources d’inspiration.
Thierry Gouvenou : “Quand on trace les étapes comme moi je le fais, il faut avoir des convictions”
Quelle est l’étape que vous avez pris le plus de plaisir à dessiner concernant l’édition 2021 ?
Thierry Gouvenou : “J’ai découvert pas mal de choses sur l’étape Carcassonne-Quillan (14e étape, samedi 10 juillet), sur des routes que je connaissais à peine. Donc j’ai trouvé des cols très sympathiques pour une vraie étape intermédiaire. Aussi, j’ai découvert de belles choses dans le Morvan, sur l’étape arrivant au Creusot (7e étape, vendredi 2 juillet), et notamment le Signal d’Uchon. Une côte qui peut provoquer des surprises. Elle est un peu plus dur que le Suc au May, un vrai tremplin pour le final. D’autant plus qu’on n’a pas hésité à mettre une très longue distance. C’est sur ce genre d’étapes que je place quelques espoirs. Elles me plaisent bien sur le papier. Et après il y a bien sûr les classiques dans les Alpes et les Pyrénées.
Depuis que vous occupez ce poste de « dessinateur » du Tour de France, avez-vous déjà ressenti une grosse déception après une étape que vous aviez pris du plaisir à tracer et sur laquelle vous placiez de nombreux espoirs ?
Oui clairement, je pensais une année avoir trouvé la solution sur une étape que j’avais énormément travaillée. Celle qui arrivait à Quimper (Lorient-Quimper, 5e étape du Tour 2018 : 204km, cinq côtes répertoriées). A cinq kilomètres de l’arrivée, il restait encore une centaine de coureurs dans le peloton… Alors j’ai analysé, et je pense que notre erreur avait été de mettre une grosse étape de pavés au bout de la première semaine. Et les coureurs ne s’étaient pas engagés à 100% tant que les pavés n’étaient pas passés. Quand on trace les étapes comme moi je le fais, il faut avoir des convictions. Ne pas hésiter à re-proposer des choses pour voir si ça fonctionne. On sait maintenant que dans le Cantal, on peut faire des étapes qui font autant de dégâts que dans les Alpes. Ou que l’on peut arriver à Saint-Etienne avec un vrai mal de jambes.
(A propos de l’étape de Saint-Etienne en 2019) : “C’est vraiment une étape qui a marqué. Quelque part, ça s’est passé comme je l’imaginais”
Au contraire, y a-t-il une étape que vous retenez en particulier dans le sens où elle avait complètement répondu à vos attentes et vos espérances ?
Le top pour moi reste pour l’instant Saint-Etienne (Mâcon-Saint-Etienne, 8e étape du Tour 2019). Déjà, lorsque j’ai commencé mes reconnaissances, je ne m’attendais pas à trouver un parcours aussi dur. Pourtant, je pensais bien connaître l’endroit (rires). Mais je ne m’étais pas aventuré profondément dans cette zone-là et j’ai découvert énormément de choses qui s’enchaînaient bien. Quand j’ai fini la reco, j’étais comme un fou dans la voiture.
Et le jour de la course, ça n’a pas baissé de niveau, c’est vraiment une étape qui a marqué. Quelque part, ça s’est passé comme je l’imaginais. La dernière côte (la côte de la Jaillère), qu’on avait dénichée par exemple. Même des gens connaisseurs de la région ne connaissaient pas, a déclenché la grosse offensive. En plus, c’est l’année où on a mis de grosses bonifications dans les points bonus pour faire attaquer, il y avait un changement de maillot jaune, Alaphilippe et Pinot devant. C’était vraiment la réussite.
Thierry Gouvenou : “Il n’y a que la pente pour créer des écarts”
Sur la Vuelta, sur le Giro, la tendance est à la recherche du toujours plus pentu, plus raide. Qu’en pensez-vous ?
Déjà, j’en pense que l’on n’a pas cela en France ! Donc on fait avec ce que l’on a. Clairement, des cols qui font 6-7%, ça ne fait plus trop la différence. Maintenant, ce qui gêne le plus les équipes et le contrôle de la course, c’est le pourcentage. Lorsqu’on arrive à la Planche des Belles Filles, il y a cette dernière rampe qui ne fait peut-être que 200, 300m, mais dans laquelle on a moyen de perdre 15 secondes ou plus si on est à la rupture. Il n’y a que la pente pour créer des écarts.
Après, on a pu voir cette année un nombre d’attaques incalculable dans le col de Peyresourde, montée beaucoup plus régulière où le pourcentage monte rarement au-dessus de 8%, peut-être du jamais vu…
Oui, il faut quand même que l’on dise que la nouvelle génération de coureurs est beaucoup plus portée vers l’attaque. Cela facilite beaucoup les choses pour avoir du spectacle. Pogacar n’hésite pas à attaquer, Hirschi attaque, Alaphilippe aussi, Van Aert, Van der Poel. Toute cette génération qui va de l’avant est plus sympathique à regarder et les courses sont moins figées.
“Le vrai problème des contre-la-montre, c’est que ça fait beaucoup plus d’écarts qu’en montagne maintenant”
L’expérience d’un départ directement dans le bain de la montagne cette année est-elle une réussite pour vous et comptez-vous la reproduire dans le futur ?
Tout cela dépend du Grand Départ bien sûr. A Nice, on est au pied de la montagne donc c’est facile. Mais quand on fait un départ dans le Grand Ouest ou dans le Nord, c’est plus difficile. Notre problème, c’est que la montagne est concentrée sur un tiers de la France. L’expérience de cette année était bonne. Après l’étape du dimanche, on était contents. Pour celle sous la pluie, …
Après l’incroyable chrono de la Planche des Belles Filles, qui restera dans l’histoire, le Tour de France est-il « réconcilié » avec le contre-la-montre de montagne ? Pourrait-on en voir plus régulièrement ?
Oh je n’ai pas l’impression que l’on était contre les chronos de montagne, on en avait fait un à Megève il n’y a pas bien longtemps (en 2016)…
C’est peut-être plus l’intervalle entre Megève 2016 et le précédent (il faut remonter à l’ascension de l’Alpe d’Huez en 2004) qui était long et qui me font vous poser la question
Le vrai problème des contre-la-montre, c’est que ça fait beaucoup plus d’écarts qu’en montagne maintenant, c’est ça notre souci. Le fait que le contre-la-montre soit en montagne ou sur le plat n’est pas vraiment un problème.
Thierry Gouvenou : “Le premier contre-la-montre va déjà bien établir les choses. Ce sera aux grimpeurs de se réinventer pour rattraper le temps perdu” (à propos du parcours 2021)
L’année prochaine, les écarts entre rouleurs-grimpeurs et purs grimpeurs devrait rapidement se faire sentir et il sera difficile pour ces derniers de combler leur retard en montagne. Rehausser la valeur des points bonus est-il une possibilité que vous comptez utiliser ?
Il faut avoir une dérogation à l’UCI, et on n’a pas l’intention de la demander pour 2021. On a déjà une bonne option avec cette bonification à huit secondes. Il ne faut pas oublier qu’une victoire d’étape c’est dix secondes, donc c’est quand même important dix-huit secondes. Le premier contre-la-montre va déjà bien établir les choses. Ce sera aux grimpeurs de se réinventer pour rattraper le temps perdu.
Pour 2021, sur certaines étapes de montagne, notamment les deux dernières des Pyrénées, les cols sont ramassés à la fin, laissant du plat pour les premières moitiés de course. Est-ce votre volonté ?
Cette année, on a eu un Tour régulièrement montagneux, avec de la montagne dès le deuxième jour notamment. Egalement une arrivée au sommet sur la quatrième, puis le Mont Aigoual avant les Pyrénées, etc. Puisqu’on avait beaucoup d’étapes de montagne, on ne voulait pas mettre trop de cols, et il fallait forcément mettre du plat. Au départ, on avait pensé aller à la Loze en montant par la Croix-de-Fer puis la Madeleine. Et puis quand on a vraiment découvert ce qu’était la Loze, on s’est dit que ça n’était pas possible de rajouter la Croix-de-Fer. On s’est retrouvés à faire 80km de plat. Notre volonté était de ne pas faire trop de dénivelé, de ne pas dépasser 4500m.
“On a énormément de courses, entre le Dauphiné, Paris-Nice, et toutes les autres, qui nous permettent de découvrir des routes”
Vous inspirez-vous parfois des forums de création de parcours pour trouver des idées ?
Je suis sollicité par des gens, qui m’envoient des messages ou du courrier. Je regarde un peu ce qui se dit à droite, à gauche. Clairement, pour l’étape de Saint-Etienne, ce sont des gens qui m’ont dit d’aller voir quelques monts du côté de Tarare qui m’ont inspiré. Des fois, ça part de ça. Je reçois parfois des messages qui me disent « tel col vient d’être goudronné, allez y jeter un œil », et ça commence comme ça.
Et puis on a énormément de courses, entre le Dauphiné, Paris-Nice, et toutes les autres, qui nous permettent de découvrir des routes. Après sur les forums, les gens n’ont pas non plus les mêmes contraintes que nous, avec le public, la caravane, la sécurité parce que souvent on me propose des cols qu’on peut monter mais pas descendre (rires). Et enfin, ce qu’à trouvé dur un cyclosportif, un coureur du Tour de France va passer là sans s’en rendre compte (rires).
Mathéo RONDEAU
Retrouvez la première partie de l’entretien de Thierry Gouvenou ICI
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