Ophélie Sextius – “On noie les athlètes dans de fausses croyances”

Ancienne athlète de haut-niveau (2’08”70 sur 800 m) Ophélie Sextius s’est reconvertie dans la gestion de patrimoine.
Ancienne athlète de haut-niveau (2'08''70 sur 800 m) Ophélie Sextius s'est reconvertie dans la gestion de patrimoine.
Ancienne athlète de haut-niveau (2’08”70 sur 800 m) Ophélie Sextius s’est reconvertie dans la gestion de patrimoine.

Ancienne athlète de haut-niveau (2’08”70 sur 800 m) Ophélie Sextius s’est reconvertie dans la gestion de patrimoine. Elle s’occupe aujourd’hui de nombreux sportifs de haut-niveau. Pour donner des conseils financiers, pour éviter les histoires d’Eloyse Lesueur ou de Ladji Doucouré, ruinés suite à de mauvais conseils ou pour avoir fait confiance aux mauvaises personnes. Elle indique les pièges à éviter et insiste sur l’importance du double projet chez un sportif !

Crédit : Ophélie Sextius

Le compte LinkedIn d’Ophelie Sextius : ICI

OPHÉLIE SEXTIUS – UN LANGAGE À MAÎTRISER AVEC LE SPORTIF DE HAUT-NIVEAU

J’ai commencé la gestion de patrimoine en mars 2020, en plein confinement. L’affaire Eloyse Lesueur a été médiatisée dans le courant du mois de mai. A ce moment-là, j’étais encore en interrogation sur ce que je pouvais apporter. Quand on regarde le réseau LinkedIn, on voit beaucoup de conseillers en gestion de patrimoine et je voulais savoir comment je pouvais faire la différence. Aujourd’hui, j’essaye de sensibiliser les sportifs sur trois axes : l’avant, le pendant et l’après-carrière du sportif de haut niveau. J’insiste sur l’importance des enjeux liés à devenir un sportif de haut-niveau. Ce n’est pas parce qu’on a un temps consacré très important dans sa passion sportive, qu’on doit mettre de côté les études et d’autres projets qui tiennent à coeur.

La troisième étape est la reconversion professionnelle. Beaucoup s’investissent à fond dans leur sport et font table rase du passé pour recommencer de zéro après. C’est là que les difficultés peuvent intervenir. Il faut également sensibiliser son entourage. Quand on parle au sportif, on parle également aux parents, qui est l’acteur le plus proche du sportif et qui aura toujours son mot à dire: et c’est normal ! Quand on parle d’argent, tout le monde à un regard dessus, ce qui peut provoquer conflits et interrogations. C’est un processus long de pédagogie et de vulgarisation dans l’accompagnement du sportif. Avant de rentrer dans le concret de l’accompagnement. Il y a un langage à maîtriser avec les sportifs. On ne peut pas arriver avec de gros sabots et dire : “Moi je sais, je connais tout et je vais tout vous apprendre”.

LE SPORTIF EST PLONGÉ DANS UNE BULLE TOUT AU LONG DE SA CARRIÈRE

Avec mon parcours, je peux comprendre ce qui peut susciter des inquiétudes et poser des problèmes. Je reprends le cas d’Eloyse Lesueur. Le sportif quand il commence, il est particulièrement assisté ! Je l’ai vu à mon niveau. Ce n’est pas une assistance qui rime avec handicap loin de là mais cette assistance nécessaire pour la performance de l’athlète. Il est assisté dans des actions « basiques », comme lors des stages, sélections et compétitions. Lorsque l’on est convoqué, on ne s’occupe pas de là ou l’on va dormir ou manger, ni même comment réserver un créneau avec un spécialiste de la médecine sportive.

En compétition, on apportait mon eau, mon père me rhabillait, accrochait mon dossard. C’est bienveillant et tout autant nécessaire. L’une des formules que l’on entend souvent : « occupe toi de courir et on s’occupe du reste ». Le sportif à ce moment, est dans une bulle fermée. On estime que si le sportif s’ouvre à d’autres affaires, comme un double projet, ou devient plus entreprenant dans sa vie personnelle ou sportive: ce n’est pas bon, c’est une perte de temps. Alors que cela peut l’équilibrer et contribuer à son épanouissement !

On place le sportif dans cette bulle qui perdure dans le temps. Le sportif est éloigné de tout. Quand je parle à des sportifs: lire un contrat, mettre de l’épargne de côté, anticiper les enjeux d’une blessure, la maternité, voir ce qu’ils veulent faire dans quelques années, je vois des gros yeux et ils me disent qu’ils n’y ont pas pensé. C’est aussi la faute des coachs, des cadres sportifs ou parfois de la pression familiale qui vont affirmer : “Tu sais les JO, ce n’est qu’une fois, alors que l’école c’est chaque année”. L’athlète est noyé dans une fausse croyance où son sport est incompatible avec tout. Quand j’ai raccroché les pointes, j’ai vu un monde s’ouvrir à moi. Peu, jouent un rôle de sensibilisation ou de prévention sur ces questions là.

OPHÉLIE SEXTIUS – L’ATHLÈTE EST CONSIDÉRÉ COMME UN OUTIL MARKETING

L’interview d’Eloyse Lesueur m’a beaucoup touché. D’après son interview, elle aurait donné sa signature et ses comptes bancaires à une responsable de la fédération censée accompagner les athlètes sur ses questions là. Pour elle c’était normal. On lui a dit : “Saute, le reste on s’en occupe”. Elle ne pouvait pas se douter des choses qui allaient arriver. Elle ne soupçonnait pas les choses frauduleuses dont elle se dit victime.

Le pire ce sont les commentaires. Ils étaient durs. Si on ne comprend pas toute l’assistance qu’il y a autour de l’athlète pour optimiser sa performance ou l’univers sportif avec ses codes et ses réalités: pour moi on est incapable de comprendre le cas d’Eloyse. Il y a des athlètes que j’accompagne aujourd’hui, quand ils ne sont pas sûrs du contrat, je leur demande de me l’envoyer pour le valider et voir s’il n’y a pas des clauses en leur défaveur.

L’athlète est considéré comme un outil marketing et de performance. Et quand on a utilisé toutes ses ressources, on le jette ! On ne se soucie plus de son après-carrière. Certains sportifs gagnent énormément et n’ont encore rien mis en place pour leur après carrière ! Ça leur fait peur et ils ne s’interrogent pas, car ils se sentent seuls. À force d’être éloignés, cela creuse un fossé de peur et d’ignorance ! Pour moi, n’importe quel sportif est en situation de précarité avant-coureur. C’est le statut qui le veut (si et seulement si), il n’a rien préparé sur son après-carrière, il sera confronté à une dure réalité. Ajouté à cela le poids moral et le regard des proches qui changent. On passe de « star » à « monsieur tout le monde ». C’est un choc.

DES CAS DE SPORTIFS QUI SE FONT FLOUER

La question financière intervient, surtout quand le sportif aide des proches. J’ai eu des cas comme ça. J’ai l’exemple d’un sportif, qui avait confié de l’argent à sa mère, car très tôt il gagnait de bons salaires. Il a pris rendez-vous avec moi. Au moment du second rendez-vous pour poser les premières bases de notre stratégies, il m’avoue que sa mère qui avait gardé son argent l’a dilapidé dans son pays d’origine. Il était en larmes… S’il ne s’était pas intéressé à la question, il ne l’aurait même pas su ! Il m’a dit qu’il allait devoir s’asseoir sur cet argent, qu’il était jeune et qu’il allait recommencer de zéro.

Un autre a été conseillé par son père. Il a investi dans un bien immobilier qu’il ne peut pas revendre, ni louer, aujourd’hui car son bien n’est pas aux normes. Et est coincé avec un crédit sur les bras ! Il est en reconversion sans moyen pour financer ce bien. On ne peut rien faire pour lui ! C’était le conseil d’un des amis de son père. Il a fait confiance…

Quand on évoque la gestion de patrimoine (dans ma démarche individuelle en tout cas) je suis très polyvalente. On fait doublon avec l’agent, le banquier, la responsable pédagogique parfois. C’est un conseil sur mesure qui fait appelle à plusieurs acteurs. Les sportifs demandent de l’énergie, en termes de pédagogie, conseil et accompagnement.

OPHÉLIE SEXTIUS – L’ATHLÈTE NE DOIT PAS REFUSER D’EXPLORER D’AUTRES UNIVERS

Comme je l’ai dit, si je devais donner un conseil principal à un sportif, c’est de construire son double projet. On a une fausse croyance en France, de penser que, si t’es bon en sport, c’est que tu es mauvais à l’école. Comme si le sport était une carrière par défaut. Regardez quelqu’un comme Franck Ribéry, il est polyglotte et pourtant, dès qu’il fait une faute, c’est la fin du monde. Cette croyance est toujours tenace aujourd’hui. On peut faire du sport et des études en même temps. Je n’ai pas eu une énorme carrière en athlétisme, mais je me suis servie de cette carte de sportive de haut-niveau tellement de fois, que je sais que, sur le marché du travail, les sportifs ne se rendent pas compte du potentiel qu’ils ont.

Peu importe le temps que cela prend il faut se construire sous deux angles. C’est pour cela que le sportif de haut niveau est un salarié ou futur entrepreneur à très fort potentiel. Avec la carrière sportive, à diplôme égal, on a plus de compétences qu’une autre personne avec seulement que les études comme bagage.

Le sportif de haut-niveau est en passe d’être une pépite que tout le monde peut s’arracher: s’il a bien préparé son double projet. Je dirais aussi à un sportif, de ne pas se laisser bercer par son entourage qui peut avoir tendance à satisfaire leurs propres intérêts au détriment des siens. L’athlète doit s’écouter et ne pas refuser de découvrir d’autres univers. S’aider soi-même avant d’aider les autres.

L’ATHLÈTE DEVRAIT ÊTRE LE SALARIÉ DU CLUB

L’athlétisme est un sport particulier, avec des inégalités dans les disciplines. Un coureur de 100 m ne vivra pas la même chose qu’un coureur de 800 m. Les enjeux ne sont pas les mêmes. Après, les titres peuvent aussi jouer. Quand on voit un athlète comme Renaud Lavillenie, son sport n’est pas connu. Mais il a acquis une notoriété qui lui permet d’être dans l’élite de son sport. L’athlétisme n’est pas le sport le plus assisté. L’athlète est même plutôt libre à ce niveau-là. La renommée et les partenariats se font très jeunes. Pour moi et peu importe le sport, les structures sportives ont une responsabilité sur ces questions là. J’ai eu des débats avec des cadres sportifs en rugby et handball qui me disaient que ce n’étaient pas leur responsabilité. Ils ne reconnaissent pas forcément l’importance de ce que je peux apporter sur l’aspect collectif notamment.

De façon objective, ils ont raison car ces questions sont individuelles. Mais j’essaye de sensibiliser les structures en disant que les cadres ont un rôle à jouer dans la performance de leur athlète. Ils influent sur leur nutrition, sur leur vie sexuelle, leurs soins santé, parfois c’est écrit dans les lignes des contrats des joueurs. Si on part de ce postulat, pourquoi ils n’auraient pas un rôle à jouer sûr ces questions de finance ? Si vous êtes dans la vie intime du sportif, je pense que vous avez aussi la responsabilité de lui ouvrir les services dédiés pour protéger son «  intimité financière ».

Les athlètes grandissent dans un club et passent plus de temps au stade qu’à l’école et même au sein de leur famille. Ma vision est de dire que l’athlète est le salarié d’un club. Il a un lien de subordination avec ses responsables, il est payé pour sa pratique et il pratique son sport dans ce cadre. Trois critères qui définissent une relation de salariat.

OPHÉLIE SEXTIUS – L’ENCADRANT DEVRAIT AVOIR DES RESPONSABILITÉS POUR DONNER ACCÈS À DES FORMATIONS PROTÉGEANT LA CARRIÈRE DE L’ATHLÈTE

Ce sont les performances des sportifs qui vont apporter des subventions voir aussi plus d’adhérents. Dans une entreprise, un salarié qui monte en compétences, on lui donne accès à des formations pour se professionnaliser. Et bien par analogie, si la situation de l’athlète présente des enjeux de notoriété, de perspectives de médailles olympiques, mondiales plus fortes avec un investissement total de la part de l’athlète, il faut lui donner accès aux services attachés.

La gestion de patrimoine peut être une formation interne qu’on pourrait intégrer dans les structures. On forme l’athlète sur comment bien se nourrir, gérer son sommeil, son stress, son mental. Il devient logique d’apprendre à bien gérer ses sous. Les structures encadrantes sont bien satisfaites quand l’athlète fait des performances. Elles ont donc une responsabilité dans cet aspect là. Peut-être pas de façon individualisée, mais dans l’idée de rendre cette expertise accessible pour tous. Il faut donner les clés aux athlètes pour qu’ils ressortent grandis de leur expérience. Être athlète est un métier.

Je pense à Eunice Barber, qui a gagné plusieurs médailles mondiales, européennes et qui nous a fait rêver. Savoir que cette dame n’est ni connue ni insérée dans des structures sportives, je trouve cela terrible. Elle a monté une marque sportive. Dans la rue elle marche et personne ne la connaît. Un jeune lui a posé la question de savoir ce qu’elle ferait si la Fédé l’appelait. Elle a répondu : “J’attends leur appel”. C’est l’envers du décor sous-estimé par beaucoup de sportifs. Évidemment, quand on s’appelle Teddy Riner, Tony Parker des légendes vivantes, il n’y a pas besoin de s’inquiéter pour eux.

Mais qu’est ce que l’on fait des autres ? Combien de champion(ne)s sont laissé(e)s de côté ? On les compte sur les doigts d’une main. Qu’est-ce qu’on fait des autres ? Parfois, ce sont des personnes qui ont plus investi pour être sélectionné en équipe de France et réaliser leurs rêves.

DONNONS LES CLÉS AUX ATHLÈTES POUR ÊTRE ÉPANOUIS ET NON A L’AGONIE

Quand j’ai décroché de l’athlétisme: personne ne m’a appelé pour demander ou est-ce que j’étais. Si j’ai décroché, c’est à cause des études, car je n’arrivais pas à tout concilier. J’ai toujours vu le sport comme un loisir, mais on n’a pas tous ce luxe là. Pour certains, c’est le seul échappatoire qui leur permettent d’avoir une réussite professionnelle. Donnons aux athlètes les clés pour être épanouis et non à l’agonie. Quand on voit les résultats déplorables des derniers Jeux Olympiques de l’équipe de France d’athlétisme, avec une seule médaille, il y a quand même des interrogations. Les moyens ne sont pas là du tout. Je les ai vu les athlètes français. C’est chacun pour soi. Soit on a les moyens pour aller faire des stages avec ses propres deniers, soit tu es forcé d’arrêter.

On n’apprend pas aux athlètes à démarcher les partenaires, à miser sur le local. Dans un sport collectif c’est plus facile, car le club peut s’occuper de cela. Les sports individuels fonctionnement différemment. À l’athlétisme, soit on a le bon contact, soit non.

Quand une entreprise parraine un athlète, les entreprises veulent y voir leur interêt. Les entreprises ne sont pas dans l’associatif. Elles utilisent l’image du sportif pour vendre un produit, redorer une image, mettre en avant qu’on soutient le sport dans une ville. L’entreprise veut son retour sur investissement. Sauf que les sportifs français sont aussi mis en difficulté par la concurrence internationale. Quand on attend des résultats sportifs, ils ne sont pas forcément au rendez-vous. Certains ont autant de mérite qu’un Kévin Mayer, mais quand arrivent les séries ou demi-finales, c’est la croix et la bannière. Les profanes ne jurent que par la médaille, alors que avec ou sans médaille, il y a bien plus.

OPHÉLIE SEXTIUS – L’ATHLÉTISME FRANÇAIS MANQUE DE VISAGES

Une compétition comme les Frances n’intéresse pas les sponsors. Les meilleurs dans le circuit international font souvent des demies mais ne vont pas plus loin. Pour une entreprise, c’est compliqué de mettre des sous sur quelqu’un qui se fait battre en série à chaque fois que l’on est dans des championnats internationaux. Et comme j’ai dit, il y a le problème de la renommée de la discipline. « Vas dans la rue et demande à quelqu’un qui connaît le 800 m par exemple ». Quand je disais que je faisais de l’athlé, on me parlait d’Usain Bolt et Christophe Lemaître. Et c’est tout ! On me demande mon record au 100 m alors que je suis une demi fondeuse…

Après, quelqu’un comme Pierre-Ambroise Bosse, est arrivé à mettre du charisme dans sa course. Il a cette folie qui l’a fait aimer des médias. Mais ce n’est pas le cas de tout! Pour que l’athlétisme marche, qu’on puisse investir dessus, il nous faut des visages. Mayer est décathlonien, mais sur d’autres disciplines, on a aucun visage. Et tant que cela sera comme cela, on ne pourra pas avancer. Le manque d’investissement explique les mauvaises performances. Si on les prenait bien en charge et j’insiste là-dessus, cela irait mieux. La détection se fait dès la catégorie benjamine, avec les suivis FFA/LIFA et les stages : « Pourquoi ces gens-là, on ne les assoit pas sur un banc pour leur donner des perspectives d’avenir avec un accompagnement global» .

JE REPENSE À ROMAIN MESNIL OBLIGÉ DE COURIR NU POUR TROUVER UN SPONSOR

L’idéal serait que dès notre détection, on signe et on est accompagné par les écoles, avec des plannings qui sont fait par et pour l’athlète avec les bourses qui vont avec. Je peux vous assurer qu’on va performer. C’est ce que font les USA et ils ont tout compris. Je crois qu’en Italie mais je ne suis pas sûre, les sportifs de haut-niveau sont payés 2000€/mois. Je sais qu’un pays a mis en place cette mesure pour ses sportifs . C’est parfait comme système.

Ils représentent la patrie en sélection, ils travaillent pour l’honneur de leur drapeau: ils sont en quelques sorte des fonctionnaires. Voilà une mesure utile. Quand je pense à ma jumelle (NDLR : Emma Sextius, également demi-fondeuse et qui a pris sa retraite cette année) qui était obligée de s’arranger avec son école d’ostéopathie, rattraper les examens quand elle le pouvait. Ce n’est pas possible ! C’est épuisant. Si elle a arrêté c’est qu’elle ne pouvait plus enchainer avec ses patients la semaine.

On pourrait créer une vraie chaîne d’accomplissement et d’épanouissement professionnelle comme personnelle. Mais on en est loin en France. Je repense à Romain Mesnil (NDLR : Perchiste double vice-champion du monde) obligé de courir nu dans un stade pour trouver des sponsors. Quelle honte quand j’y repense. C’est vraiment lamentable ! Ma sœur m’expliquait qu’elle ne pouvait plus, car elle courait avec des filles toutes jeunes et encore fraîches qui n’ont à se préoccuper de rien si ce n’est de courir. Alors qu’elle, elle a des patients à soigner. Le week-end, quand son coach lui demandait de faire du jus avant la compétition, elle ne pouvait pas, car elle enchaînait sa journée de travail. Un sportif comme Yann Schrub, qui va devenir chirurgien et qui va porter le maillot bleu, on le laisse encore seul dans son double projet. C’est là que je me dis que les Français ratent quelque chose.

OPHÉLIE SEXTIUS – JE SUIS UNE CONSEILLÈRE INVESTIE ET ENGAGÉE

Si on m’avait dit : “On te donne tous les moyens pour réussir ta carrière et ton double projet “, j’aurais signé sans problème. Mais il faut payer les factures, avoir un travail. Laure Manaudou qui disait que, malgré son palmarès, qu’il était hors de question de retourner sur les bancs de l’école. Mais le sportif, une fois qu’il a fini sa carrière, cela peut lui faire mal de reprendre une vie normale. Le sportif n’est souvent “que” bachelier. Et il est souvent mis aux oubliettes, ce qui peut être dangereux. Je remercie mes parents de m’avoir donné cette éducation où j’ai pu équilibrer sport et études. Le sport était complémentaire du reste et cela l’est encore aujourd’hui après ma carrière. Mais on n’a pas tous cette expérience dans le monde du sport.

Certains agents sont véreux, comme des conseillers en gestion de patrimoine d’ailleurs. Ils se gavent sur la tête des sportifs, parce que leur « protégé » ne comprennent rien. En tant qu’ancienne sportive, je suis investie et engagée. Je les alerte. Leur dis de faire attention. Je n’ai aucun intérêt à faire des contrats ou les conseiller de manière équivoque. Je sens que les sportifs s’ouvrent, ils ont confiance. Quand ils ne maîtrisent pas, ils viennent me le dire.

J’ai géré beaucoup de sportifs durant le confinement. Il y a eu une remise en question, ils se sont dit : « Je fais quoi ? Comment est ma vie sans le sport? ». C’est là, où il y a eu des sollicitations. Je continue avec ceux-là. Les structures sportives ont du mal à les accompagner. Je suis dans une logique de transparence de l’information : pour donner des clés aux sportifs. Et cette démarche d’éveil dérange parfois. Le sportif n’est pas estimé à sa juste valeur. Si c’était le cas, le regard changerait.

OPHÉLIE SEXTIUS

Avec Etienne GOURSAUD

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