Cyclisme – Le chrono, le mal aimé du cyclisme moderne ?

Avec seulement 26 kilomètres de chrono, le Giro poursuit la tendance actuelle de diminuer l’impact du contre-la-montre en Grand Tour.
Giro contre la montre

Avec seulement 26 kilomètres de chrono, le Giro poursuit la tendance actuelle de diminuer l’impact du contre-la-montre en Grand Tour.

Crédit : DR

Tom Dumoulin vainqueur surprise du Giro 2017 – Un succès inattendu pour le Néerlandais, qui n’avait terminé sur aucun podium de Grand Tour. Mais un succès largement construit grâce à l’épreuve chronométrée. Cette année-là, le Tour d’Italie propose un menu copieux en terme d’effort en solitaire. La 10e étape entre Foligno et Montefalco offre un chrono escarpé de 39,2 kilomètres. Tom Dumoulin remporte l’étape et creuse les écarts. Vincenzo Nibali concède 2’07 (6e), Ilnur Zakarin 2’19 (12e), Thibaut Pinot 2’42 (19e). Et le maillot rose Nairo Quintana n’est que 23e à 2’53 et cède sa tunique au coureur de la Sunweb.

4e au classement général à l’amorce du chrono de 28 kilomètres entre Monza et Milan, Tom Dumoulin va renverser la table ! Si, pour le gain de l’étape, il est dominé par son compatriote Jos Van Emden, il revêt le maillot rose. Devançant de 54 secondes Vincenzo Nibali, 1’27 Thibaut Pinot et 1’39 Nairo Quintana. Les 67 kilomètres de chrono auront fait la différence.

Un tournant sur le Giro 2021

Pour autant, lors des éditions qui suivent, les organisateurs ne vont pas procéder à une cure de minceur, avec une part belle aux chronos. Avec au minimum 44,2 kilomètres proposés. Justement lors de l’édition 2018. Echaudé par la victoire de Tom Dumoulin, les organisateurs avaient réduit l’impact du chrono. Avec un prologue et une autre étape de 34,5 kilomètres. Si le Néerlandais Tom Dumoulin échouera à défendre son titre (2e), c’est un autre très bon rouleur qui remporte la course, en la personne du Britannique Chris Froome. A l’inverse, en 2019, malgré les 58,5 kilomètres proposés sous forme de trois contre-la-montre, c’est bien un pur grimpeur, Richard Carapaz qui s’impose. Malgré la domination écrasante de Primoz Roglic sur les deux premiers chronos proposés.

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Malgré tout, à la lecture du graphique, on voit bien en changement de tendance sur le Giro. Malgré des éditions 2019-2020 faisant une belle part au chrono, on voit que l’effort individuel voit sa place de plus en plus érodée. Entre 2013 et 2017 inclus, ce sont près de 68 kilomètres de chrono individuels proposés aux coureurs. Depuis 2018 inclus, le chrono ne représente plus que 46,5 kilomètres. Une grosse baisse de 20 kilomètres. Avec un vrai virage sur l’édition 2021 avec moins de 40 kilomètres proposés ! Et que dire de cette édition qui est une première dans l’histoire du Giro version 2021 ! Clairement, les grimpeurs seront favorisés sur ce parcours. Et il est vrai que hormis Tom Dumoulin – mais peut-on considérer le Néerlandais comme un favori – ce sont plutôt les grimpeurs qui ont la côte pour succéder à Egan Bernal, lui même grimpeur.

Plus de chrono en montagne depuis 2016

Depuis 2016, on observe également la disparition des chronos en montée, qui était l’une des marques de fabrique. Le surprenant Alexander Foliforov reste donc le dernier vainqueur. Pourtant, entre 2010 et 2016, la part avait été belle, avec des chronos en côte sur l’édition 2010, 2011, 2013, 2014 et 2016. Un effort solitaire certes, mais qui était à l’avantage des purs grimpeurs, avec les victoires de Stefano Garzelli, Alberto Contador (qui sera déclassé), Vincenzo Nibali, Nairo Quintana et donc Alexander Foliforov. Si, cette année, le chrono de Vérone est considéré comme difficile, comme l’était celui de San Marin en 2019, ils restent tout de même favorables aux rouleurs.

Un retour qui semble s’opérer sur le Tour de France

Le Tour de France a opéré cette transition bien plus tôt. Course réputée dans les années 1990 et 2000 pour avoir une part très belle pour les contre-la-montre, ASO a commencé à diminuer la part des chronos de manière spectaculaire. Le tournant : L’année 2012. Cette année là, trois chronos (en comptant le prologue) au programme, pour plus de 100 kilomètres au programme. Cela parait presque anachronique aujourd’hui, mais on parle d’une épreuve disputée il y a 10 ans, pas 50 ! Mais ce Tour a été marqué par l’ultra domination de l’équipe Sky, avec un leader Bradley Wiggins qui a écrasé la course dès le premier chrono. Avec des étapes de montagnes cadenassées et sans grande saveur. Hormis sans doute les moments où le coéquipier du maillot jaune, un certain Christopher Froome, a fait trembler son leader.

Dès lors, le virage a été spectaculaire ! Une réduction constante, pour arriver à 13,8 malheureux kilomètres sur le Tour 2015 ! Remporté par Chris Froome. Un kilométrage indigne d’un grand tour ! Et durant 6 éditions, hormis le Tour 2016 qui dépasse les 50 kilomètres de chrono (mais avec un chrono très vallonné et un autre montagneux) la tendance est la même. Un kilométrage très réduit. Comme en 2015, les éditions 2018, 2019 et 2020 sont largement sous les 40 kilomètres et avec un seul chrono individuel proposé ! En 2018, cela n’avait pas été fructueux, avec un podium Thomas/Dumoulin/Froome et un Roglic 4e. Mais depuis, ce sont des grimpeurs qui ont remporté la Grande Boucle (Bernal et Pogacar – même si ce dernier sait gagner sur des chronos).

Plus de 50 kilomètres de chrono sur deux Tour pour la première fois depuis 2013-2014

Si, on n’est pas encore revenu sur les proportions des années 1990-2000, depuis deux ans, le contre-la-montre semble retrouver une vraie place sur le Tour de France. Avec deux éditions où le kilométrage dépasse de nouveau les 50 kilomètres. Et avec deux étapes chronos. L’an passée Laval et Libourne proposaient deux contre-la-montre assez similaires, plats et assez rectilignes. Cette année, le premier chrono au Danemark sera assez court ! A l’inverse de celui sur les routes de Rocamadour, qui fait 40 kilomètres. Une distance inédite depuis le chrono entre Périgueux et Bergerac, sur le Tour de France 2014 ! Une distance qui peut permettre de creuser des vrais écarts et qui intervient après la montagne. Les grimpeurs devront donc faire la différence avant !

Quid des autres épreuves du calendrier

Par tradition, l’Etoile de Besseges et le Tour de l’Algarve ouvrent le bal des courses à étapes chronométrées. Avec également le prologue du Tour de la Provence. Le Tour de l’Algarve, comme souvent, a proposé un contre-la-montre long de 33,2 kilomètres (soit plus que l’ensemble du Giro cette année ! Soit l’un des trois plus long contre-la-montre du calendrier cycliste, avec l’étape de Rocamadour et le chrono des championnats du monde (34,2). Une épreuve des championnats du monde qui a d’ailleurs subit une vraie cure de minceur. On frôle ou on dépasse d’habitude les 50 kilomètres et l’heure d’effort !

Concernant les courses à étapes World Tour, c’est assez maigre pour les chronos et les spécialistes de l’effort en solitaire. Seulement 13 kilomètres de contre-la-montre sur Paris-Nice et un petit kilomètre de plus pour Tirreno-Adriatico en mars. Pas de contre-la-montre sur le Tour de Catalogne et un tout petit inaugural sur le Tour du Pays Basque, conformément à la tradition des deux épreuves espagnoles. Mais c’est aussi le cas habituellement du Tour Down Under, qui lance la saison en Australie, mais annulé ces deux dernières années. Le Tour de Romandie, qui s’est achevé la semaine dernière, est l’une des rares épreuves à proposer deux chronos. Un prologue et un chrono de 16 kilomètres. Avec une particularité pour ce dernier, puisque c’est un chrono en montagne, avec l’arrivée sur les hauteurs de Villars.

Et pour les épreuves préparatoires au Tour ?

Conformément à ce qu’on va voir sur le Tour de France, avec un long chrono, le Dauphiné offre aux coureurs de quoi se préparer. La 5e étape entre Thizy-les-Bourgs et Chaintré offre 31,9 kilomètres d’effort solitaire ! De quoi se jauger sur cet exercice à moins d’un mois du départ de la Grande Boucle ! Et pour le Tour de Suisse ? Et bien l’autre épreuve préparatoire au Tour de France offre deux chronos. Le premier de 6 kilomètres en ouverture de l’épreuve. Et un second escarpé de 28,6 kilomètres. Bref ! Les deux épreuves proposent cette année un kilométrage correct sur cette épreuve. On a parfois vu pire, notamment sur le Dauphiné ! Mais cela reste moins que dans les années 2000, où le kilométrage pouvait allègrement dépasser les 40 kilomètres.

Pour ce qui est des courses après le Tour de France, le mois d’aout voit le début du Tour de Pologne. Avec un chrono escarpé de 15,4 kilomètres de l’arrivée qui peut faire la différence la veille de l’arrivée. Un peu plus tard, les spécialistes ne devront pas louper leur départ sur les seulement 11 kilomètres de la 2e étape du Benelux Tour ! La Vuelta n’aura que 31 kilomètres de chrono, avec une seule épreuve proposée entre Elche et Alicante ! On peut ajouter des courses comme le Tour Poitou-Charentes, où à 95 % le vainqueur final construit son succès sur le chrono l’avant dernier jour !

Quelques courses d’un jour

Mais il y a également des épreuves d’un jour destinées au chrono. On a évoqué le championnat du monde, mais c’est également le cas des championnats nationaux et du championnat d’Europe. Où les spécialistes peuvent s’exprimer. Mais c’est aussi le cas du chrono des nations aux Herbiers. Une course qui est la résultante du Grand Prix des Nations. Qui symbolise la désaffection du contre-la-montre. Autrefois rendez-vous incontournable de tous les grands leader, avec tous les grands noms au palmarès, aujourd’hui cette course est devenue une course bien moins prestigieuse !

On voit clairement que le contre-la-montre n’a plus la côte aujourd’hui ! Les spécialistes sont forcément frustrés de cette situation actuelle. Comme certains amoureux du cyclisme. Alors, peut-on voir la tendance s’inverser dans les années futures ?

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