Célia Perron est une athlète de 23 ans, spécialisée dans les épreuves combinées. Elle a frappé un grand coup cet hiver en portant son record au pentathlon à 4367 points, le 24 janvier dernier à Aubière. Première performance “internationale” de sa jeune carrière. Elle vous fait plonger dans son univers où pour briller, il ne faut pas être bon dans une seule discipline, mais jusqu’à sept épreuves différentes. Célia Perrron fait également partie du collectif des Sportives Comment elle gère deux journées intenses, ce qu’elle préfère et qu’elle aime le moins, c’est elle qui vous le raconte. A la première personne et sans filtre!
La fiche FFA de Célia Perron
Crédit : Dorian Daurat
CELIA PERRON : “J’AI FRANCHI UN GROS CAP”
Je ne m’attendais pas du tout à réaliser cette performance à Aubière et ce record personnel pulvérisé. J’y allais sans trop de repères, car je fais partie de ces athlètes qui s’entraînent dehors. Au début du mois de janvier, il a fait très froid sur Toulouse et je suis obligée de m’entraîner le soir. Avec ma partenaire d’entraînement, on ne savait pas trop dans quel état d’esprit on y allait. Je voulais faire mon record, mais l’exploser comme ça a été une grosse surprise. En plus je termine première Française et c’est quelque chose auquel je ne m’attendais pas, car les autres s’entraînent dans des conditions bien meilleures que les miennes.
A 3800 points, sur le barème de la FFA, on réalise une performance niveau Nationale 1 et il y a un gros gap pour être IB, car il faut faire 4300 points (NDLR : le barème ICI). C’est un gros cap que j’ai franchi et j’ai encore du mal à réaliser une semaine après. Je suis très contente, déjà d’avoir pu concourir malgré la situation sanitaire. Je m’entraîne dans un groupe multi-niveau et j’ai conscience de la chance que j’ai. Dans le groupe, on s’était dit que ceux qui avaient la chance de faire des compétitions, devaient honorer les autres, je suis contente d’avoir rempli cette mission.
JE VEUX ME CONCENTRER À 100% SUR LE PENTATHLON CET HIVER
La préparation hivernale a été compliquée. Je ne suis pas restée sur Toulouse durant le deuxième confinement. Je suis partie m’entraîner sans mon coach à Albi, avec deux partenaires d’entraînement. On ne pouvait faire que trois séances sur piste par semaine. Après coup, je me rends compte qu’on a vraiment tout optimisé, ce qui m’a permis d’arriver dans un état d’esprit où je me suis dis : “Je donne le meilleur et on verra bien”. Tout en rentrant sur la piste pour aller chercher mon record. C’est ce qui a fait ma force et c’est ce qui fait ma force l’hiver. On se fait mal à l’entraînement et dans le froid qui s’ajoute à l’effort physique. Quand j’arrive en compétition, je me dis : “Les autres étaient dans le confort mais toi tu t’es pas tapé les -2° pour rien”. Ça ajoute de la motivation !
Le prochain pentathlon sera aux France Élites (NDLR : du 19 au 21 février à Miramas). Il n’y a que quatre semaines entre ma compétition et les France et dans la mesure où je suis sûre d’être qualifiée, on a décidé de prendre du repos. Mais aussi de remettre une bonne couche d’entraînement pour refaire monter la forme. On avait pas prévu de pic de forme pour Aubière, j’étais pour moi en forme mais pas au bout de mes capacités. Il fallait repartir sur une période d’entraînement, ce qui n’est pas possible si on avait programmé des compétitions avant les championnats. Je veux me concentrer à 100% sur le pentathlon cet hiver.
JE ME SENS CAPABLE DE CONFIRMER CETTE PERFORMANCE VOIRE FAIRE MIEUX
Les Europes de Torun, pour être honnête j’y pensais il y a un an et demi. Quand j’en ai fini avec la catégorie Espoirs, aux championnats d’Europe 2019 (NDLR à Gävle en Suède), je me suis dit : “Qu’est ce que je vais faire maintenant ?”. J’étais consciente que le niveau demandé en sénior n’était pas le même qu’en Espoirs. On en a pas mal parlé avec mon coach (NDLR : Rémi Magro) et on s’est dit que 2020 serait une année pour s’entraîner et aligner les performances et axer là où j’étais moins bonne. J’ai travaillé le saut en longueur et le lancer du poids, dans l’optique de viser ces Europe en salle.
Sauf que je me suis blessée à l’hiver 2020, je ne fais pas de saison en salle. Ensuite, il y a eu la crise sanitaire. Du coup on n’avait pas reparlé de cet objectif en se disant qu’on verrait bien ce qu’il allait se passer. Mais après Aubière, je suis allé le voir en lui disant : “On ressort le vieux calendrier ! “. Je ne peux pas dire que je ne vais pas aux Élites pour aller chercher la qualification. Ce ne sera pas facile non plus, car il faudra faire une grosse performance. C’est vrai que quand je fais un immense record, j’ai tendance à se demander comment on va faire pour faire encore mieux. Mais au retour d’Aubière, je n’étais pas du tout dans cet état d’esprit là. Je me suis dis : “J’ai de la marge en hauteur, j’en ai sur le 800m aussi”. Je me sens de confirmer cette performance et même faire mieux.
CELIA PERRON : “GARDER LE MÊME ÉTAT D’ESPRIT QU’À AUBIÈRE”
Je n’aime pas rester sur mes acquis, en athlétisme cela ne pardonne pas. J’y pense à cette qualif aux Europe et je n’ai rien à perdre. Ma performance a été faite et je sais que chaque année des filles sont envoyées en grande compétition avec ce niveau-là. Mais je ne suis pas à l’abri que des filles fassent mieux et c’est à moi de montrer que je peux être là le jour J. Je serai détendue et avec l’envie de montrer un beau visage aux Élites. Si ça ne passe pas c’est que ce n’était pas le bon moment, mais honnêtement je me sens bien physiquement et j’ai hâte d’être aux Élites.
Par le passé, je me suis souvent battu pour des sélections pour des grands championnats chez les jeunes. Je me mettais au maximum lors des France et j’arrivais souvent un peu cramée après. Au-delà de la participation aux Europe séniors, si j’y vais ce sera pour y être performante et faire encore mieux que deux semaines plus tôt aux France. Il y a moyen que je me fasse plaisir lors de l’échéance nationale. Il faut que je garde le même état d’esprit qu’à Aubière car c’est ce qui a marché.
JE VEUX M’EXPRIMER PLEINEMENT SUR LA PISTE ET NE RIEN REGRETTER
L’état d’esprit avant d’aborder une compétition est différent selon les périodes de l’année et de comment je me sens physiquement. Si on prend l’exemple d’Aubière, je ne me sentais pas au top, même si mon entraîneur n’avait aucun doute sur ma capacité à faire une grande performance ce jour-là. Du coup, je n’avais aucune attente particulière si ce n’est de me faire plaisir. En 2020, j’ai vraiment grandi sur ce point là, en réalisant que j’avais peut-être plus d’années d’athlétisme en compétition derrière moi que devant et que je devais profiter de ces moments privilégiés. L’athlétisme n’est pas un sport qu’on pratique au top jusqu’à nos 50 ans. Je veux m’exprimer pleinement sur la piste et ne rien regretter quand ça s’arrêtera.
Le matin de cette compétition je me suis dit : “Allez tu vas avoir 24 ans cette année, s’il faut perfer c’est maintenant”. C’est vraiment ce que j’ai dit à mon copain dans la chambre d’hôtel (rires). Mais je ne pensais pas me surprendre de nouveau à exploser des records comme ça comme quand j’étais en cadette. On dit souvent que, quand on devient adulte, la progression est plutôt linéaire. La preuve que non et j’ai envie de continuer sur cette lancée et surfer sur la vague.
LE MOMENT DE LA DIGESTION EST DÉLICAT À GÉRER DURANT LES ÉPREUVES COMBINÉES
Sur pentathlon, la fatigue n’est pas tant liée au nombre d’épreuves, mais plutôt au moment de la journée. Souvent on fait les haies et la hauteur, avec un concours qui peut être long parfois et où il faut se mobiliser nerveusement à chaque saut. Après, je mange. Je ne sais pas si ça fait ça à toutes les combinardes, mais au moment de la digestion et quand j’arrive sur l’aire de lancer de poids, j’ai un petit coup de mou. Qui est parfois aussi présent avant la longueur. Mais c’est quelque chose que j’ai bien identifié et j’arrive à me remobiliser, à me remettre un coup de boost. A Aubière, avant la longueur, je dis à mon coach : “J’ai envie de dormir”. Je fais deux ou trois accélérations, je prends un peu de sucre et c’est reparti.
Sur un heptathlon, ça va souvent arriver avant le 200m. En plus il faut se réchauffer, car le concours de hauteur peut être fini depuis un bout de temps et avec le lancer de poids, ce sont deux épreuves qui ne sont pas du tout similaires que le sprint long. A chaque épreuve, on a une énergie et des intentions techniques différentes à donner. Le public va voir les épreuves, mais il y a toute la phase d’échauffement avant, pour se préparer de manière optimale. Après le 200 m, il y a de la fatigue, mais la journée est finie. Je n’ai jamais fini un concours prématurément pour garder du jus.
CELIA PERRON : “L’HEPTATHLON, C’EST SEPT ÉPREUVES ET UNE NUIT”
Ça peut arriver si je sens une alerte physique. Sinon tant que je passe une barre, je continue car cela peut servir pour la suite. C’est à moi de gérer le concours pour éviter de devoir trop sauter. Il faut appliquer la “politique du premier essai” et commencer assez haut, même si c’est un pari qu’on n’ose pas trop faire en épreuve combinées, car il y a la volonté d’assurer une barre. On ne voit pas d’ impasses comme chez les spécialistes. Certaines vont commencer 20 cm en dessous de leur record pour se rassurer.
L’heptathlon, c’est sept épreuves et une nuit ! Et la nuit est importante. Le lendemain il y a trois épreuves même si le plus gros est fait. Mais il y a le concours de la longueur et pour aborder cette épreuve, il est important d’avoir un sommeil réparateur. J’ai la chance d’avoir le sommeil facile entre ces deux journées. Quand je pars du stade après le 200 m, je suis dans un tel état de fatigue que je pourrais partir au lit directement. Mais il faut quand même manger et se redonner de l’énergie. Le lendemain, on doit se réveiller assez tôt pour effectuer un réveil musculaire.
J’AIME CALCULER LES POINTS QUE JE DOIS FAIRE EN DEUXIÈME JOURNÉE
J’ai une certaine routine entre ces deux journées. On est souvent à l’hôtel et directement une douche pour se détendre, j’ai du matériel de récupération, avec les rouleaux et le compex et plus récemment des bottes de pressothérapie. Ensuite, je vais appeler quelqu’un, pour penser à autre chose. Cela dit, je ne suis pas stressée entre les deux journées d’épreuves. Je prends juste soin de mon corps et récupère au mieux. Cela me permet d’arriver sans trop de courbatures. Quand j’étais petite, la deuxième journée, je ne pouvais plus marcher ce qui était problématique (rires).
Il ne faut pas trop penser à la compétition dans ces moments-là, mais j’avoue que j’ai tendance à prendre mon téléphone et regarder la table de l’heptathlon, pour calculer les points que je dois faire le lendemain, en fonction de ce que j’ai fait dans la journée. C’est une petite période de calcul avec le coach, mais sinon je préfère penser à autre chose. Il ne faut pas que l’enjeu m’empêche de dormir, sinon on oublie tout l’aspect réparateur. Si on peut éviter de s’infliger de la fatigue supplémentaire… La deuxième journée s’enchaîne assez rapidement, sans de réel coup de mou. Contrairement aux décathloniens, nous n’avons pas cinq épreuves dans la seconde journée. On finit assez tôt, ce qui fait que ce n’est pas si éprouvant.
LES EPREUVES COMBINÉES SONT UN COMBAT CONTRE SOI-MÊME
Mon épreuve préférée reste le saut en hauteur. J’y prends beaucoup de plaisir et c’est par-là que j’ai commencé l’athlétisme. Même si je n’arrive pas à franchir la barrière psychologique du 1,80 m. A contrario, je redoute le plus le poids, même si j’adore lancer. Mais c’est là où je marque moins de points que les autres filles et j’ai tendance à me mettre une pression supérieure par rapport aux autres épreuves. J’ai une vraie montée de stress ! A Aubière j’avais mal au ventre avant le concours. J’essaie de me concentrer au maximum, mais sans doute pas de la bonne manière. Mais on arrive à débloquer ça petit à petit.
J’adore l’idée de dire que les épreuves combinées sont un combat contre soi-même ! Et à chaque épreuve. Comme dit mon coach, il y a sept occasions de se planter mais aussi sept occasions de briller. Je préfère voir les choses sous le second angle. Mais il y a forcément des épreuves qui se passent moins bien. Il y a le risque de se planter au javelot sur l’avant dernière épreuve. Finalement, les haies, la hauteur, la longueur et même le javelot. Il n’y a que le 200 m et le 800 m qui sont “safes”. C’est aussi ce qui rend excitant l’heptathlon. Je ne me laisse pas le choix d’échouer dans une épreuve. Mais je crois n’avoir jamais fait de 0 en épreuves combinées.
CELIA PERRON : “ON PEUT BATTRE SON RECORD MALGRÉ LA FATIGUE DES ÉPREUVES”
C’est arrivé quand j’étais plus jeune, mais j’ai l’expérience pour faire en sorte que ça ne se reproduise pas. Se rattraper sur un troisième essai, si les deux premiers sont mordus. Si je venais à me louper, c’est que j’aurais manqué de concentration à un moment. Mais c’est arrivé aux meilleurs et aux meilleurs que moi. Mais il faut savoir qu’en grand championnat, il y a cette bagarre pour la médaille. Ils doivent prendre des risques pour faire la meilleure performance possible. S’ils ne prennent pas de risque en faisant une performance assurée, cela peut les priver d’une place sur la boîte et c’est comme s’ils s’étaient plantés.
On peut battre son record malgré la fatigue des épreuves. Je pense au 800 m, où je suis performante, pourtant je suis convaincue qu’en le préparant spécifiquement, je n’irais pas plus vite, même en seule épreuve. Mentalement, on ne va pas aborder cette épreuve comme les spécialistes. On y va en donnant tout, surtout dans le deuxième tour. Je suis assez fière du niveau des heptathlètes en France sur le 800 m. Cela nous permet de nous aligner quasiment avec les meilleures françaises. Ca m’est arrivé de me rater sur une épreuve et de battre ensuite mon record sur 800 m. Ca peut donner une force supplémentaire qu’on n’aurait pas trouvé sans cet échec. Il faut terminer l’heptathlon complètement vidé ! A Aubière, je suis déçue de mon 800 m , je compte me servir de cette déception, pour en faire un énorme aux Élites.
A L’ENTRAÎNEMENT JE FAIS DES 200-300-400 M MAIS JAMAIS DES 1000 M
Quand quelque chose ne se passe pas comme prévu, il faut avoir l’état d’esprit de s’en servir pour revenir encore plus fort après. Que ce soit à l’entraînement ou en compétition. Le 800 m est une épreuve de demi-fond mais qui n’est pas aérobie pure mais de résistance lactique, contrairement au 1500 m ou l’endurance est davantage pris en compte. J’en ai discuté avec les décathloniens de cet aspect. On peut passer en 62 secondes au 400 m ce qui est très rapide. Le 800 m c’est le début du demi-fond. On ne peut pas me mettre sur plus long alors que je fais de supers chronos au 800 !
A l’entraînement, je vais faire des 200 – 300 ou 400 pour préparer le 800, jamais des 1000 m ! Les garçons doivent tenir des tempo, car s’ils partent comme nous, ils vont exploser. Ils font quasiment le double de nous. Quand ils font le 1000 m en salle, on s’aperçoit que beaucoup s’en sortent bien mieux que sur 1500 m. Il faut savoir que leur décathlon est très explosif, il faut être performant sur de courts efforts. S’ils voulaient progresser au 1500 m, ce serait au détriment du reste, en perdant de la masse musculaire. Autant nous heptathlètes, c’est un bon pari de perfer sur 800 m, autant pour les garçons ce n’est pas une bonne option de miser sur le 1500 m ! Regarde un Kévin Mayer, il s’est transformé physiquement. Avant il était excellent sur 1500 m, mais ce n’est plus du tout le même athlète aujourd’hui. Il suffit de voir les photos avant et aujourd’hui (rires).
CELIA PERRON : “IL N’Y A PAS D’ANIMOSITÉ ENTRE CONCURRENTS”
Cela dit, une heptathlète va préférer telle ou telle épreuve en fonction de ses dispositions physiques mais aussi mentales. Si elle est rapide et en cuisses, elle pourra plus facilement se transcender sur la longueur. Chacun voit midi à sa porte et c’est ce qui est intéressant dans les épreuves combinées. Avoir autant d’épreuves peut créer tout autant de profils d’athlètes. On est tous différents mais au final on fait les mêmes épreuves et cela donne un total à chacun(e).
Il n’y a pas d’animosité entre concurrents en épreuves combinées. On sait que sur certaines épreuves, l’autre sera plus fort(e). Notre objectif c’est de se battre d’abord contre nous-mêmes et notre record personnel. C’est ce qui explique en partie le côté fraternel qu’on retrouve dans notre discipline. Les concurrentes sont des personnes avec qui on va passer toute la journée et même deux jours. On va être dans les mêmes hôtels, on va partir en stage ensemble, on fait les sélections également où il y a des chambres de repos entre les épreuves. On peut être avec des concurrentes étrangères, qu’on ne revoit pas immédiatement après la compétition, pourtant des liens se créent. Je me souviens de mes premiers championnats de France à Cognac, quand j’étais cadette. Je fais 14e sur 15 ! Le podium, c’était les filles avec qui je concourt aujourd’hui.
L’ADVERSAIRE PEUT T’AIDER A ALLER CHERCHER UNE PERF
Depuis qu’on a 14-15 ans, on se connaît. Notre discipline n’est pas quelque chose où on peut voir débarquer du jour au lendemain une fille, car cela se construit sur le long terme et les années. Donc on finit par se connaître toutes et tous. C’est aussi une épreuve où on est vraiment ensemble et pas qu’au moment de s’affronter. On est assis sur les bancs à attendre notre tour. On se côtoie et cela crée des liens. Je veux dire par là, qu’on ne va pas rester toute la journée sans se parler. Mes concurrentes sont aussi mes amies. Certes, sur la piste je veux gagner, mais ça n’empêche pas de bien s’entendre avec les autres. Cet état d’esprit et cette convivialité, je l’adore et c’est pour ça que je suis tombée amoureuse de l’heptathlon, car j’aurais pu me spécialiser.
Célia Perron : Aider l’autre ne nous pénalise pas
J’ajouterais aussi que l’adversaire peut t’aider à aller chercher une performance. Cet esprit de convivialité va même plus loin que des discussions entre épreuves et la photo de famille à la fin. J’ai déjà vu des filles planter une épreuve et me proposer de faire le lièvre sur mon 800 m. Il y a une vraie entraide pour que tout le monde fasse une perf ! On ne se tire pas dans les pattes et cela nous booste à fond. Un bon état d’esprit débouche toujours sur quelque chose d’encore mieux. Je me sers de mes adversaires et elles se servent de moi. On connaît nos points forts.
C’est intéressant de s’entraîner avec un groupe d’épreuves combinées. J’ai eu la chance d’évoluer plus jeune avec une heptathlète Léa Fleury, plus forte que moi. On s’est bien entendues et cela nous a tirés vers le haut. Elle n’avait pas les mêmes points forts, donc on a pu s’apporter l’une l’autre. Cela a donné une bonne collaboration. En stage, l’entraide existe et on a tout intérêt à se serrer les coudes et avancer ensemble. Ce qui nous départage le jour J, c’est le mental, celle qui a toutes les planètes alignées. Aider l’autre ne nous pénalise pas. Sur le saut en hauteur à Aubière, je recevais des encouragements de mes concurrentes. C’est un cercle vertueux qu’on crée toutes ensembles.
JE SERAIS TRISTE SI L’HEPTATHLON VENAIT À DISPARAÎTRE
L’heptathlon est vraiment différent du décathlon. Aujourd’hui, on peut difficilement nous demander de se mettre au décathlon, alors qu’il y a le disque et la perche qu’on ne pratique pas. La différence hommes/femmes ne me dérange pas car j’adore l’heptathlon et je n’ai aucun problème à ce que ce ne soit pas les mêmes épreuves que les garçons. C’est une discipline historique, où les femmes ont su briller. On a chacun nos disciplines qui sont toutes les deux belles et je ne vois pas pourquoi on s’obstine à les changer. Si jamais il doit se faire, cela ne concerne pas notre génération. Surtout, il devra se faire progressivement.
Ce serait injuste de demander à des filles plus âgées et qui se sont entraînées sur sept épreuves, de s’entraîner d’un coup sur dix épreuves dont certaines sont différentes et elles vont bien ensemble. Les passionnés vont aimer les deux. Si la fusion des deux disciplines venait à être d’actualité, on n’aurait plus les mêmes profils chez les femmes. On aurait un profil axé sur la perche. Je serais triste si l’heptathlon venait à disparaître, même si je pourrais bien me débrouiller sur le 400. Mais je m’entraîne depuis 10 ans sur l’hepta et j’aime cette épreuve. Même aux J.O., je la trouve magnifique. Mais on pourrait mettre les deux en compétition officielle ! Mais on ne peut pas dire qu’il y ait une inégalité homme/femme. On a juste chacun notre épreuve et notre univers. Les femmes ne sont pas obligées de tout faire comme les garçons.
MOT DE LA FIN DE CELIA PERRON
Lors des derniers Elite à Albi cet été, il n’y a pas eu les épreuves combinées. En décembre, on nous a annoncé qu’elles sortaient définitivement des Elites, ça avait été voté à la FFA. Apparemment, c’était difficile à organiser sur des Élites et ça donnait des problèmes avec les droits TV. On ne passait plus du tout à la télé déjà. On l’a très mal pris car on nous demande un haut niveau de performance et au final, on nous enlève LA compétition où on peut le plus performer et où on a de la visibilité et une ambiance qui va nous permettre de davantage nous transcender ! Nos France à nous sont plus tranquilles, il n’y a souvent que nos familles en tribune.
On a fait un vote où on a exprimé notre désaccord. Finalement l’appui de Kévin Mayer nous a fait rentrer dans les Élites. Je n’ai pas fait de post sur les réseaux, mais il est possible que j’en fasse un. Trois ans avant Paris 2024, nous mettre à l’écart comme ça, ce n’est pas la meilleure solution. On est content d’apprendre qu’on reste dans cette compétition. C’est important pour nous de montrer qu’on est là et qu’on ne fait pas nos performances que dans notre coin. On ne veut pas arriver en sélection et que les autres se disent : “C’est qui eux ?”. Je veux partager des compétitions avec des spécialistes, car ça crée une ambiance de faire des choses différentes.
CÉLIA PERRON
Avec Etienne GOURSAUD
Retrouvez le portrait de Thomas Jordier ICI
Célia Perron sera alignée dans deux semaines à Miramas pour les France Elite