BENJAMIN KAYSER – LE CRUNCH, CETTE HISTOIRE DE FAMILLE

Benjamin Kayser, ancien Talonneur du XV de France, nous raconte sa version du crunch !
Benjamin Kayser, nous raconte ses Crunch
Benjamin Kayser, nous raconte ses Crunch

Trop souvent dominé par l’Angleterre ces dernières années, le Crunch avait perdu de la saveur. Mais avec le renouveau bleu, la confrontation France – Angleterre a repris toute sa saveur. Un duel de légende dans l’ovalie, que nous raconte Benjamin Kayser qui parle de ses Crunch. L’ancien international Français, devenu consultant pour France 2, plonge dans les rouages d’un match toujours particulier et livre les différentes clés du match.

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Benjamin Kayser – Ex-Rugbyman / Commentateur

Talonneur : #Stade Français, Leicester Tigers, Castres Olympique, ASM Clermont Auvergne #Vainqueur Championnat de France 2007 & 2017, #Vainqueur Championnat d’Angleterre 2009, #Vainqueur Challenge Européen 2019

Benjamin Kayser est commentateur pour les matchs des U20 sur France Télévisions lors du Tournoi des 6 Nations.

Crédit Photo Une: DR
7 min de lecture

Le tournoi des 6 Nations.

C’est toute une histoire, un mythe pour tous les amoureux de rugby. C’est mon enfance, mes premiers souvenirs de rugby.

Je suis né dans une famille qui aimait le rugby, notamment mon père et mon grand-père, mais qui ne parlait que très peu de ce sport, et qui ne regardait pas beaucoup de matchs. J’ai commencé à jouer à Hong-Kong au rugby à 7 et j’ai continué quand je suis revenu sur Paris. Un copain jouait au Stade Français et il m’a motivé pour aller faire un entrainement avec son équipe. A ce moment-là, la passion commençait à me prendre, j’ai récupéré quelques cassettes vidéo et j’ai vraiment pris goût à ce sport.

Je me souviens par exemple du Pays de Galle-France gagné 51 à 0 pour le premier match à Wembley, en 1998, avec Raphael Ibanez, Stéphane Glas, Fabien Pelous etc… Je me rappelle également d’un Ecosse-France, à Murrayfield avec deux essais d’Olivier Magne. Ce sont certains de mes premiers souvenirs, une équipe de france qui gagne, qui faisait toujours partie des meilleurs.

Le Crunch est bien évidemment LE match que tout le monde attend en tant que supporter de l’équipe de France.

BENJAMIN KAYSER : UNE SAVEUR PARTICULIÈRE POUR MOI

Me concernant il a très vite pris une importance particulière parce que je suis né dans une famille très portée sur les voyages, sur la découverte de nouvelles cultures. On a habité aux Etats-Unis quand j’étais petit donc je parlais anglais. En sélections jeune j’étais donc celui qui faisait les traductions avant, pendant et après le match. Par la suite un des grands passages de ma carrière professionnel est d’être parti en Angleterre pendant deux ans à Leicester, où j’ai rencontré ma femme notamment, qui est anglaise. Forcément par rapport à ma belle-famille ce sont des matchs particuliers.

Mon premier crunch en tant que titulaire en tournoi avec les A c’était en 2013. Nous avions perdu malgré un superbe essai de Wesley Fofana après 70m de course. Mais ça reste un super souvenir pour moi, mon père, français, et mon beau-père, anglais, était l’un à côté de l’autre dans les tribunes donc il y avait de l’émotion et de la fierté ce jour-là.

Ce crunch est devenu mythique car les Anglais et les Français sont deux nations qui ont toujours eu de bons résultats et se battaient donc pour être la meilleure équipe d’Europe. De temps en temps les Irlandais étaient là mais c’est vrai que la France et l’Angleterre sont les deux nations les plus riches, les plus grandes, avec le plus de licenciés. Bien sûr il y a ce petit jeu en disant que nous sommes les latins, les romantiques, et eux sont les méchants, les misérables du Nord, et boivent du thé. Ils ont en plus cette espèce de mentalité un peu coloniale en se prenant pour les meilleurs, une certaine forme d’arrogance que nous adorons détester. En revanche ils sont beaux joueurs et acceptent les défaites mieux que nous.

 

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En jouant là-bas j’ai vu la grosse différence qui les caractérise. Ils sont capables de se motiver en l’espace de quelques secondes. J’en parle parfois mais c’est ce bouton switch on/off qu’ils ont et qui fait que dès qu’ils sont sur le terrain ils sont dans une concentration optimale. Nous, les français, sommes plus passionnels, nous avons besoin de se motiver les uns les autres, se taper dans les mains, se rassembler. Mais ce côté plus passionnel fait aussi que nous sommes capables de se transcender et d’aller chercher des exploits quand personne n’oserait l’imaginer. Ça ils nous l’envient car ils n’en sont pas capables.

LES PASSIONNELS VERSUS LES DISCIPLINÉS

Au quotidien par exemple, un coach dit à un groupe de français de faire 10 tours de terrains avant de commencer l’entrainement, il va avoir la majorité des joueurs qui vont râler ou demander pourquoi. Un coach dit la même chose à un groupe d’anglais, il a à peine terminé sa phrase qu’ils ont déjà commencer les premières foulées. En revanche avec les français si on explique pourquoi on leur demande de faire ça, en quoi ce sera bénéfique, là ils sont capables de s’arracher ! Cette discipline et ce rapport à la hiérarchie est différent. Ca m’a fait vraiment du bien de joueur deux ans à Leicester, c’était une équipe qui gagnait tout à ce moment-là. J’ai du m’adapter à l’équipe, au style de jeu, à la discipline, mais également à la vie anglaise. C’est très enrichissant sur tout point de vue, pas que le sportif.

Le match de ce week-end, on l’attend tous avec énormément d’impatience pour plusieurs raisons. Bien sûr c’est ce crunch, en ouverture du tournoi de cette année. Rien que ça suffit à nous faire saliver. Mais c’est aussi une équipe de France qui a redoré son image et la passion du rugby français avec une coupe du monde un peu décevante mais avec de l’espoir. Une nouvelle vague de jeunes joueurs très bons qui arrivent et un nouveau staff donc on a tous envie de voir ce que ça va donner. Ça fait longtemps que le Stade de France n’avait pas été à guichet fermé.

IL FAUT S’ADAPTER A NOTRE EPOQUE

Ils ont un rugby plus robotique que nous, plus pragmatique aussi. Ils sont très appliqués et disciplinés, ce qui les rend redoutable. Ce sont leurs caractéristiques. Nous sommes plus dans l’instinct et je pense que ce sont des choses qu’il faut garder. On parle souvent du french flair, je n’aime pas en parler, dans le sens où ce n’est pas ça qui nous fera gagner un match. Le rugby dont je vous parlais, de 1997-98, n’a rien à voir avec le rugby pratiqué aujourd’hui. Ce ne sont pas les même mêlés, pas les mêmes attitudes dans les rucks, pas les mêmes combinaisons, pas les mêmes façons d’utiliser le jeu au pied, et pas le même arbitrage. Donc les comparer ne sert à rien.

Il faut s’adapter à notre époque, c’est très athlétique maintenant. Après oui nous avons peut-être plus d’inspirations, de créativité, de la faculté à créer quelque chose et d’improviser. Il faut s’en servir évidemment, c’est notre talent, mais il ne faut pas essayer de copier ce qui a déjà été fait mais qui n’est plus adapté à aujourd’hui.

Nous aurons donc un aperçu de ce que donnera la nouvelle vague du rugby français dimanche avec les garçons. Et maintenant nous avons la chance de multiplier le plaisir avec les U20 et avec les féminines. Les U20 restent sur deux titres de champions du monde ces deux dernières années, on le voit il y a du talent avec certains qui sont déjà montés avec les A et d’autres qui continuent à progresser et faire leurs armes en U20. J’aurais le plaisir d’être au commentaire donc je l’attends avec impatience.

Et ce qui est beau dans le rugby c’est que tout le monde ira prendre une bière après le match, même s’il y a de la tension et du combat sur le terrain nous avons des valeurs de partage et de convivialité qui nous sont chers et qu’il faut faire perdurer.

 

BENJAMIN KAYSER

Retrouvez notre portrait de Dimitri Yachvili : ICI

 

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