Athlé – Elina Giallurachis – J’aime l’acrobatie dans la perche

Avec 4,45 m réalisé samedi à Clermont, Elina Giallurachis a battu son record personnel pour la troisième fois de la saison.
Elina Giallurachis

Avec 4,45 m réalisé samedi à Clermont, Elina Giallurachis a battu son record personnel pour la troisième fois de la saison. Avant le All Star Perche, nous avons interviewé la perchiste du SCO Sainte-Marguerite Marseille qui nous parle de sa saison et de ses objectifs dans le futur. Elina Giallurachis défendra son titre de championne de France indoor ce week-end à Miramas.

Crédit : Yann Le Gal

ELINA GIALLURACHIS – LA GROSSE PERFORMANCE ARRIVERA QUAND JE PLIERAI DES PERCHES PLUS DURES

Je suis contente d’avoir battu deux fois mon record. Après, c’est deux fois d’un centimètre et cela ne fait pas une grosse différence. J’espère pouvoir faire mieux assez rapidement. Les championnats de France Espoirs ont été assez compliqués à cause de l’attente et j’étais seule sur les grosses barres. Du coup, on enchaîne les sauts, même si on a de la récupération. Il faisait un peu froid dans la salle, ce qui n’aide pas, avec l’attente on se refroidit. Sur les autres compétitions, ce qu’il m’a manqué jusque-là, c’est de pouvoir réussir à faire plier une perche plus dure et être dans un meilleur temps de perche ! Quand je vais y arriver, la performance devrait arriver plus facilement. C’était bien parti à Tourcoing. Depuis cette année, je prends des perches plus dures, ce qui explique aussi ma régularité à 4,40 m.

Les progressions ne sont jamais linéaires. Pour le moment, je stagne un peu, mais je me dis que cela va bien finir par payer. Les minima pour les mondiaux ne sont pas l’objectif numéro un. Aller aux Europe Seniors serait déjà très bien (NDLR : au moment de l’interview, les minima n’étaient pas sortis. Ils sont de 4,60 m). Il faut garder les pieds sur terre. Même si les mondiaux de Belgrade restent dans un coin de ma tête et que je me dis que rien n’est impossible.

ON A LE TEMPS DE RÉFLÉCHIR DURANT UN CONCOURS DE PERCHE

Venir sur une compétition comme les France Espoirs présente un vrai intérêt. Ce sont des concours qui me permettent d’apprendre à gérer des compétitions où j’entre dans le concours tard. Même si la performance n’est pas au rendez-vous, c’est important de gagner et gérer le statut de favori. Il y a toujours la crainte du 0. Ce n’est pas comme en longueur où tout le monde saute les uns après les autres. Là, certaines entrent plus tôt que d’autres. On a le temps de réfléchir. Car il faut arriver à occuper son cerveau et quand cela arrive à ton tour, il faut se remettre dans la compétition. Pour l’occuper, je vais rester avec mon coach, mes partenaires d’entraînement. A Lyon, il y avait Ethan Cormont, qui venait voir sauter sa copine. J’ai pu parler avec. Cela me permet de penser à autre chose sans sortir du concours.

Après l’échauffement, je me couvre le plus possible pour ne pas avoir froid. Je ne fais pas grand-chose jusqu’à ce que les barres proches de mon entrée dans le concours arrivent. On va se réchauffer. Mais c’était compliqué à Lyon, car il ne restait plus beaucoup de filles à 4 m et 4,15 m. Il fallait se réchauffer un peu avant, sans être dans l’abus. Ce sont des choses qui s’apprennent.

ELINA GIALLURACHIS – LE PERCHE ELITE TOUR EST UN PARADIS POUR PERCHISTES

En salle, on saute avec de la musique. L’aide est surtout au niveau des spectateurs. Tout le monde va taper dans les mains et le but c’est de choisir une musique entraînante. Cela apporte un vrai plus ! Cela change ! On le voit parfois sur les compétitions estivales, mais on le voit moins. En hiver, on a un gros circuit de perche Elite tour avec tous les perchistes qui se retrouvent. En été, les perchistes sont un peu plus éparpillés dans les compétitions internationales. On aura moins ce sentiment de regroupement, mais cela existe quand même. A l’extérieur, on entend moins le bruit de la musique. Mais c’est quelque chose qui doit être continué !

Le perche Elite tour est un paradis pour perchistes. Cela fait des compétitions presque tous les week-ends. Tout le monde se retrouve. Ce sont des compétitions de niveau, avec des concours toute la journée et le soir les concours élite qui terminent l’épreuve. Avec pas mal d’étrangers qui garantissent un très bon niveau. C’est aussi l’occasion de pouvoir faire mieux que le concours précédent. On n’a pas encore la même chose l’été, mais il y avait une volonté de Renaud Lavillenie de faire une compétition sur une piste surélevée en plein milieu de Clermont-Ferrand. Mais le Covid est passé par là. Mais je le dis que c’est quelque chose qui se fera un jour. Après, il y a les interclubs, d’autres championnats. Il y a un peu plus de choix de compétitions.

LA DIMENSION ACROBATIQUE ME PLAÎT DANS LA PERCHE

J’ai fait de la gymnastique à haut-niveau. Quand j’ai arrêté on m’a fait comprendre que les gymnastes étaient fortes au trampoline, au plongeon où à la perche. On m’a contacté pour que j’essaye le saut à la perche. J’ai essayé, mais je voulais faire du sprint. Mon entraîneur m’a dit : “Oui oui t’inquiètes pas on va en faire”. En fait, on a fait du sprint pour la perche (rires). Mais, comme au final cela me plaisait, car je retrouvais un peu de gym, tout en étant à l’extérieur. J’y suis restée. Cette dimension acrobatique me plait et on ne la retrouve pas dans tous les sports.

C’est assez ludique. En plus, il y a une ambiance particulière. On dit souvent que les voileux, ceux qui font du kit-surf, ont un train de vie qui leur ressemble. Il y a un peu de ça dans la perche. Après, en athlétisme, on a tous notre dimension. Les sprinters ensemble, les lanceurs aussi. Nous on se regroupe entre sauteurs. On est à la fois tous ensemble mais chacun à sa spécificité. On voit que les épreuves combinées sont une grande famille.

Au moment de sauter, je vais éviter de regarder la barre (rires). Sinon on ne se concentre que sur cela. Et le but c’est aussi de se concentrer techniquement sur ce qu’on a à faire. J’essaye de voir ce que j’ai à faire. Pendant toute une partie du saut, on est en l’air et c’est quelque chose d’exceptionnel. En plus on a la tête à l’envers, c’est différent du reste. Plus on monte au, plus on a de sensations. D’où l’intérêt de monter haut !

ELINA GIALLURACHIS – PHILIPPE D’ENCAUSSE EST UN GRAND MONSIEUR

Philippe d’Encausse est un grand monsieur qui a beaucoup d’expérience. Il apporte pas mal de choses. Ce que j’aime bien chez lui, c’est qu’il me dit : “Elina, prend cette perche, ca va marcher”. Je la prends et cela marche. C’est assez rassurant quand on s’entraîne. Il sait ce que je suis capable de faire à l’instant T, même si parfois je fais des erreurs en compétitions. Car cela reste de la perche, avec des aléas de matériel. Il a une bonne idée de ce que chaque personne peut valoir. Parfois j’envie un peu la longueur, car quand ils valent 8 m, ils font 8 m. Nous, on peut faire un grand saut à 4,40 m qui valait 4,50 m. Et ne pas réussir la barre suivante.

S’entraîner dans un groupe aussi relevé, cela booste forcément. Cela motive et il y a une ambiance sympa. C’est un groupe où il n’y a qu’une seule autre fille. Il y a quand même l’aspect compétition tout en rigolant. Parfois, ils vont essayer de jouer. La semaine dernière, on avait fait un mini-jeux. Pour qu’on puisse jouer, Renaud a pris 4 foulées de moins que moi, en n’ayant pas le droit à plus de levier que moi. C’est pas mal, car il n’est pas sûr de gagner et cela me permet d’avoir mes chances. C’est sympa de faire cela et cela amène une bonne ambiance.

JE DOIS PROGRESSER SUR MA VITESSE PERCHE EN MAIN

Quand je m’entraînais à Marseille, ce n’était pas facile tous les jours de s’entraîner dehors. Car il fallait faire de la route pour aller à Miramas. Cela a beau être le sud, quand il y a le mistral à 18 heures, il fait froid. Ce qui rend les choses compliquées à la perche. Cependant, j’avais fait d’énormes progrès à la perche déjà à Marseille, mais qui ne s’étaient pas concrétisés en compétition. En arrivant à Clermont, je pars de chez moi en sachant ce que je viens faire ici. J’avais beaucoup plus de perches et de choix. Et le fait de s’entraîner en intérieur, cela change. Philippe est également un plus.

Mon point fort est la dimension acrobatique que j’ai de la gymnastique. Je dois m’améliorer sur ma vitesse perche en main. Je sais mettre de la vitesse à l’extérieur du sautoir. Mais je dois le retranscrire. Dans la perche, il y a deux facteurs principaux. La vitesse et la dimension acrobatique. Sur ce dernier point, j’ai des repères dans l’espace et de bonnes sensations. Car la vitesse va me permettre de prendre de plus grosses perches et plus de levier.

Retrouvez notre dernière interview athlétisme, avec Alice Finot : ICI

ELINA GIALLURACHIS – UNE ÉMULATION SUR LA PERCHE FÉMININE

Je ressens l’émulation sur la perche féminine. On est contentes, quand on part en stage, on peut faire des stages sympas. Sur les perches Elite tour on le ressent. On est trois Françaises et avec des filles pas trop mal derrière nous. On les retrouve chaque week-end. Tu vois une fille passer une barre, tu te dis que tu dois la passer aussi. Cela nous tire vers le haut.

Je n’ai pas vraiment de modèle dans la perche ou une idole. Mais je vais regarder techniquement ce qu’il me plait. Ninon est une fille qui a déjà sauté haut, il y a ça de bien chez elle. Comme je m’entraîne avec beaucoup de garçons et qu’ils sautent plus haut, je regarde ce qu’ils font. Je viens de changer mon départ donc je regarde comment certaines filles vont partir. C’est un mixe de tout cela. Forcément, Renaud Lavillenie à sa place de leader dans le groupe.

Il est impressionnant par son mental. Quand il est blessé, on peut se dire qu’il va mettre du temps à revenir, mais en deux secondes, il nous fait un truc super. Après, dans le groupe, il n’y a que des personnalités fortes et chacun à son petit truc impressionnant. On ne peut pas passer à côté d’Ethan Cormont qui a fait les JO à 20 ans. Les Collet ont cette envie de gagner qui est impressionnante. Chacun a son petit truc dans le groupe.

J’AI PARIS 2024 DANS UN COIN DE MA TÊTE

On est jeunes et on ne nous met pas la pression. Après, j’ai l’impression que chaque génération a ses similitudes. Quand on est jeune, il y a des regroupements, des stages. Cela fait un moment qu’on sait qu’on a tous le même rêve et le même objectif. Bien évidemment, j’ai Paris 2024 dans un coin de ma tête. Forcément, sinon je ne serais jamais partie de Marseille. Quand j’étais à Marseille, j’avais déjà cette idée en tête. Si je veux aller au Jeux, si je veux faire des sélections en équipe de France, il fallait bien que j’ai une salle pour m’entraîner. Pour que j’organise ma vie comme une sportive de haut-niveau.

A Marseille, mes temps de déplacement étaient trop important. J’allais à mon école d’un côté, au stade de l’autre. Le soir, il fallait que je rentre chez moi et cela faisait deux heures de trajet voire plus. Si on veut faire du sport de haut-niveau, dans les deux heures on va perdre du temps pour le travail, car j’ai mes études à côté. Cela peut être du temps de fatigue dans les transports. On sait qu’il y a des ingrédients qui permettent que cela marche. Après, peut-être que j’aurais réussi si j’étais restée à Marseille. On ne sait pas, car il y a des profils comme cela. Mais autant mettre toutes les chances de son côté.

ELINA GIALLURACHIS – LA VIE CLASSIQUE NE ME CONVENAIT PAS

Je suis actuellement en école d’ingénieur, avec des horaires aménagés. Sans horaires aménagés, c’est impossible de mener à bien le double projet. Finalement, j’ai toujours été dans ce système. Car, quand je faisais de la gym, j’étais en sport-études. Cela a toujours été ma vie d’avoir l’école et le sport en même temps. Quand je ne suis pas à l’entraînement, je travaille.

J’ai fait 3 ans de sports-études en classe gym à Marseille et après, j’ai fait deux ans au pôle France, ce qui correspondait aux championnats de France. Mais j’étais un peu jeune pour les gros championnats. J’ai arrêté car j’en avais un peu marre. Je faisais de la gym à raison de 30 heures par semaine, ce qui ne laisse pas le temps de faire autre chose. On s’entraîne beaucoup plus qu’en athlétisme mais ce n’est pas réparti de la même manière.

Et puis, je me suis dit que je loupais quelque chose. Que je n’avais pas la même vie que les autres enfants. Je me levais et je m’entrainais avant d’aller en cours. Puis j’allais m’entraîner avant de rentrer chez moi. J’avais l’impression que les autres filles avaient d’autres choses dans leur vie. Mais, quand j’ai arrêté, j’ai compris que la vie classique n’était pas faite pour moi. J’aime m’entraîner. Je dois une partie de mon mental à la gymnastique, car c’est un sport particulier. J’ai eu besoin d’une pause avant de me mettre à l’athlétisme.

JE NE VIS PAS DE MON SPORT

Je ne vis pas de mon sport et sans mes parents je ne serais sans doute pas à Clermont. C’est un peu notre sport qui fait cela et on espère que cela va s’améliorer dans les années à venir. Notamment avant Paris 2024. On espère. Il y a eu des regroupements “Ambition 2024” mis en place. Tous les jeunes de mon niveau, dont certains qui ont fait les JO 2020 ont fait remonter ces problèmes et du fait qu’on avait besoin d’un aspect financier pour assurer sereinement notre avenir. On a des aides mais on ne vit pas de la perche.

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