Rugby – Champions Cup : les clés de la finale Exeter-Racing 92

Le Racing 92 affronte Exeter en finale de la Champions Cup, qu’un club tricolore n’a plus gagné depuis cinq ans. Voici les clés de la rencontre.
notes

Affiche inédite pour tout frais vainqueur. Après avoir marqué leur rugby national avec un, ou plusieurs titres de champion domestique, les Chiefs d’Exeter et le Racing 92 touchent du bout des doigts le graal européen. Les Franciliens s’y sont déjà cassé les dents à deux reprises, échouant il y a quatre et deux ans face aux Saracens et au Leinster. Il s’agit de la toute première fois pour les joueurs du sud-ouest de l’Angleterre, récompense d’une montée en puissance effective depuis une poignée de saisons. Pour étudier dans les moindres détails cette rencontre à l’enjeu majestueux – on parle du plus précieux trophée pour une vitrine de club – nous avons fait appel au spécialiste numéro un des Ciel et Blanc Frédéric Bernès (L’Equipe) ainsi qu’au docteur ès Premiership, journaliste RMC et RMCSport, Laurent Depret.

Les forces

Frédéric Bernès (pour le Racing 92) : « C’est une équipe très homogène, capable de gagner un match grâce à son pack – comme à Clermont en quarts – sans grande star mais avec huit voire dix joueurs qui sont à peu près au même niveau. Et capable aussi de gagner derrière, avec la créativité de Russell, la puissance de Vakatawa, la vitesse de Juan Imhoff. En plus, on peut souligner une certaine expérience, ce sera la troisième finale en cinq ans, beaucoup de joueurs ont vécu les précédentes. 

Laurent Depret (pour Exeter) : C’est l’un des meilleurs, si ce n’est le meilleur, rapport poids-puissance-endurance. Il faut imaginer un boxeur capable d’enchaîner les rounds à très haute intensité, tout en tapant relativement fort tout le temps et étant capable d’encaisser. C’est un superbe athlète, Exeter. Le projet de Rob Baxter était d’anticiper ce que le rugby allait devenir, un sport où il faut courir vite, longtemps, souvent. Il est allé chercher des joueurs australiens, des décathloniens, capables de pousser, courir, plaquer. Il a réussi à tresser un maillage dans toute la région du sud-ouest de l’Angleterre, où les meilleurs talents ne lui échappent pas. La moitié de ses joueurs proviennent soit de l’académie, soit d’une académie de la région.   

Les finales

F.B. : A Lyon (en 2016), le Racing était encore une équipe jeune à ce stade et n’était pas au niveau des Saracens (défaite 9-21) qui était déjà une grosse machine. Ils avaient déjà eu un peu de malchance avec la blessure de Carter en cours de match, mais pas véritablement de regrets. La deuxième finale (en 2018) leur en avait laissé beaucoup plus, puisqu’ils n’étaient vraiment pas loin du Leinster (défaite 12-15). Il leur avait manqué un peu de discipline sur la fin de match, et encore de la chance, avec les blessures de Machenaud, Lambie ou Ryan. Cette année, on a l’impression que les planètes sont un peu plus alignées.

L.D. : Je ne sais pas si on peut transposer l’expérience du championnat vers la Coupe d’Europe, ce n’est que la première fois qu’Exeter passe le cap des quarts de finale. C’est une promotion éclair, normalement on dit qu’il faut y aller pas à pas. En championnat, il n’y a qu’un seul titre et ils peuvent être champions cette année, à chaque fois sans les Saracens. Et là, en Coupe d’Europe, ils vont affronter l’équipe qui a battu les Saracens. Donc c’est à la fois leur chance et la chance du Racing. Si le Racing a pu battre l’équipe qui est la malédiction d’Exeter, c’est peut-être que le Racing a quelque chose des Saracens en lui.

Joueurs clés de la rencontre

F.B. : Finn Russell, parce que de lui peut venir un éclair de génie à tout moment pour trouver une solution face à une défense d’Exeter qui est capable de défendre sur dix, douze temps de jeu. Virimi Vakatawa, parce que c’est sans doute le meilleur attaquant en Europe : il ne surjoue pas, il ne se trompe pas, il sait quand il doit faire la passe. Devant, le Racing a besoin d’un Camille Chat qui avance, qui gratte. Et puis Bernard Le Roux, Wenceslas Lauret qui vont avoir une grosse activité contre le pack très dynamique d’Exeter.  

L.D. : Plus qu’un joueur, je dirai un système de jeu. Donc je dirai la mobilité, l’énorme rayon d’action du cinq de devant. Après, on peut parler des deux électrons libres que sont le numéro 8 Sam Simmonds et l’ailier Jack Nowell. C’est un système de jeu avec énormément de liberté derrière et beaucoup de rigueur devant, avec de la vitesse.

Un match clé dans l’épopée européenne

F.B. : Le déplacement de très haut niveau au Munster (match nul 21-21 en novembre 2019), déjà parce que c’est le Munster, chez lui. Le Racing avait fait un match vraiment remarquable, il aurait du le gagner sans doute. On avait vu de la férocité devant pour résister à des gros temps forts du pack irlandais, et en même temps du génie derrière avec notamment le petit coup de pied pour lui-même de Russell. Je me rappelle des supporters de Thomond Park qui applaudissaient le Racing, admiratifs. Ce déplacement au Munster voulait dire des choses.

L.D. : Toulouse (victoire en demie 28-18) est l’acte fondateur. Ils ont quatre week-ends qui sont épouvantables mais excitants en tant que joueur (demie européenne, demie championnat contre Bath, finale européenne, finale championnat face aux Wasps). Alors ils peuvent tout perdre, mais aussi tout gagner.  

Les faiblesses

F.B. : Cela peut être, parfois, de ne pas assez prendre le jeu à son compte, de trop laisser le ballon, ou de ne pas assez varier. Le petit danger, c’est de s’endormir un peu, de mettre du rythme sans tenter grand chose. Malgré les dernières semaines rassurantes, il y a une petite inconnue sur la mêlée, avec le jeune pilier droit Colombe. Ensuite, la charnière (Iribaren-Russell) peut parfois manquer de concentration. Les ballons hauts, c’est une faiblesse que l’on a vue en demie, dans le dos de Thomas et même de Zebo.   

L.D. : Parfois, Exeter est prisonnier de son plan de jeu qui consiste à ne tenter que très rarement les pénalités, même si ça a marché la semaine dernière contre Bath. J’ai le souvenir de fois où on se disait « Ca va payer, ça va s’arranger » …et ils perdent. Et puis, il y a l’inexpérience. Première finale européenne contre troisième pour le Racing, qui compte dans ses rangs joueurs et entraineurs qui savent ce que c’est. Ca va être une finale excitante puisque chaque équipe a des points forts extraordinaires mais il y a aussi des zones de doute.

Dynamique actuelle

F.B. : Ils étaient déjà sur une très bonne dynamique avant le confinement. Depuis le début de la saison, ils ont battu Lyon, Montpellier, les Saracens. Samedi, contre Toulouse, l’équipe était vraiment remaniée donc cela n’a pas d’importance. C’est une équipe sur une très bonne lancée, sûre de ses forces. Je ne vois que des bonnes choses, Laurent Travers est capable d’amener de la sérénité dans ce groupe avec son expérience. C’est un groupe où il y a une très bonne osmose, tout le monde y joue son rôle à fond, les stars étrangères ont un très bon esprit. Ca vit bien.  

L.D. : Un avantage et un point d’interrogation. La dynamique est à l’avantage d’Exeter, puisqu’ils ont gagné les matches qu’ils avaient ciblés. L’interrogation est sur la dimension psychologique d’une finale, où il faut creuser très profond, et ils ont déjà creusé très profond contre Toulouse et Bath. Le Racing n’est pas vraiment favori, c’est même plus Exeter. Mais la question sera sur l’envie, la détermination, l’extrême motivation. Est-ce que l’obsession va être moteur ou frein ? Cela se jouera sur le combat, la discipline et sur la réussite des buteurs ! ».

Trois clés qui résument à merveille l’enjeu d’une telle finale. On a beau tout prévoir, débattre du contexte et passer en revue les effectifs, ce sont les seules 80 minutes à quinze contre quinze sur le pré qui détiennent la vérité. Pour Toulon, face à Bristol ce soir en Challenge Cup, et le Racing, contre Exeter à l’échelon supérieur, on souhaite la meilleure des fins. Celle avec les sourires, les confettis rouge et noir, bleu et blanc. Celle dont on se rappellera, pour toujours.

Mathéo RONDEAU

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