VIRGILE ABEL : LE PLAISIR DE COACHER

Découvrez notre interview avec Virgile Abel, assistant-coach des équipes de France féminine basket. Une plongée dans les méandres tactiques et psychologiques de la gestion d’un groupe.
Virgile Abel
(c) Fiba

Les athlètes ont beau être le coeur du sport, ils ne sont pas les seuls à faire rayonner nos disciplines préférées. Plongez dans les coulisses du sport professionnel en découvrant les interviews de dirigeants, de coachs, du staff médical, des fans…

Aujourd’hui, c’est Virgile Abel, entraîneur au centre de formation du Tango Bourges Basket et assistant-coach de l’équipe de France Espoir féminine qui se confie sur sa mission.

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Comment avez-vous intégré l’univers du basket féminin de haut niveau ?

J’ai passé 5 ans sur Aix en Provence, où je me suis occupé successivement tant du centre de formation que de l’équipe professionnelle. Malheureusement, le club a eu des difficultés financières et j’ai donc cherché un nouveau challenge, qui s’est concrétisé à Bourges il y a 2 saisons. C’est le club référence dans le basket féminin, c’est donc un honneur d’intégrer cette structure.

Pour ce qui concerne le staff EDF (Equipe de France), j’ai proposé mes services il y a 4 ans au coach, Jérôme Fournier, pour donner un coup de main sur le scouting vidéo à l’occasion d’un rassemblement à Toulouse avec les U20. Ce rassemblement s’étant bien passé, le coach m’a proposé de poursuivre l’aventure à ses côtés.

Comment se sont passés vos premiers pas d’assistant-coach avec l’EDF U20?

Très bien. Mes premières missions consistaient à travailler sur la vidéo, tant sur nous que sur nos adversaires. Ce sont des tâches assez ingrates, avec beaucoup d’heures de travail, mais très enrichissantes d’un point de vue personnel. Il y a forcément un peu d’appréhension, car le niveau d’exigence est très élevé, mais le coach m’a tout de suite mis à l’aise, notamment sur le fait de travailler en fonction de mon ressenti et de mes sensibilités par rapport à ses “commandes” au sujet de la vidéo.

Quelles sont vos missions d’assistant-coach ?

Aujourd’hui, je suis tout d’abord responsable de tout ce qui a trait à l’attaque. Il y a aussi une partie liée à la stratégie, en tentant d’anticiper par quels moyens nous allons pouvoir mettre en difficulté l’adversaire en attaque en fonction des rapports de force et des possibles stratégies défensives adverses.

Ensuite, je suis responsable des joueuses du secteur intérieur, par rapport à l’adresse et au travail par poste.

La richesse en ressources humaines d’un staff en EDF permet de spécialiser le travail de chacun, et donc d’affiner réellement les missions. C’est un réel luxe de travailler dans ces conditions, qui ne sont pas les mêmes dans notre pratique au quotidien dans nos clubs respectifs.

Votre meilleur souvenir avec l’EDF?

Il y en a deux. Ma première campagne en 2014 en Italie, avec un titre de championne d’Europe U20. La génération était vraiment talentueuse, et composée de joueuses avec un très haut niveau de détermination, notamment Olivia Epoupa, qui évolue aujourd’hui avec les A.

Ensuite, la campagne en 2016 avec les U18 en Slovénie, où nous terminons vice championne d’Europe. Ce fut une préparation jalonnée de nombreuses difficultés, nous n’étions pas attendus à cette place, mais un déclic s’est produit sur le premier match de la compétition et les filles ont surfé dessus jusqu’en finale où nous sommes malheureusement un peu passés à côté du match contre les Espagnoles.

Au-delà de ces souvenirs purement liés aux résultats, ce que je retiens à chaque fois, ce sont les rencontres riches et variées avec les membres du staff et les joueuses. Ces moments sont appréciables et surtout très précieux, ils sont sources d’enrichissement mutuel.

Comment se prépare un tournoi comme le Championnat d’Europe U20, qui s’est déroulé cet été au Portugal?

Ça commence dès février, d’abord avec le staff pour fixer le cadre de la préparation, autour de la philosophie dans laquelle on va accompagner le groupe, mais également autour des contenus sportifs.

Ensuite nous passons par un premier temps qui est un processus de sélection où le groupe doit passer de 20 joueuses aux 12 joueuses qui vont faire partie du groupe final. Cela dure entre 10 jours et 2 semaines. C’est un processus complexe, lié à la construction d’une équipe dans la recherche de la meilleure complémentarité possible entre les 12 individus. Ce ne sont pas forcément les 12 meilleurs intrinsèquement, mais un puzzle qu’on estimera être le meilleur possible pour parer aux nombreux obstacles de la compétition.

Enfin, le dernier processus avant la compétition, qui dure en général 2 semaines, où on cherche à déterminer et préciser les rôles de chacune, afin de trouver le meilleur équilibre opératoire possible, cela dans une logique d’accompagnement individuel.

On s’intéresse donc plus particulièrement aux individus, afin qu’elles répondent aux attentes le jour de la compétition. Cela en restant dans une démarche gagnant gagnant, à savoir répondre aux attentes de l’équipe, mais aussi de la joueuse. Dans cette démarche, ce terrain d’entente permet à chacun de trouver un terrain d’expression commun qui tirera l’équipe vers le haut.

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Comment se passe les avants et après matchs pour le staff ? 

On observe tout d’abord les adversaires, pendant la compétition, en allant aux matchs ou grâce à la vidéo. Le staff établit un plan de jeu ensuite, qui est transmis aux joueuses sur l’entraînement du matin puis pendant la séquence vidéo qui suit que prépare le scout vidéo.

Après les matchs, on fait un débriefing en se projetant très rapidement sur la journée et le match à venir. C’est une compétition très dense avec 7 matchs en 10 jours, il faut rapidement faire le deuil de ce qui vient de se passer (tant dans la victoire que la défaite) pour avancer.

Et pendant? Les consignes données pendant sont-elles vraiment appliquées?

Pendant le match, chaque membre du staff est responsabilisé sur un domaine de compétence. Ce qui permet de se concentrer précisément sur des secteurs du jeu et donc d’interagir dans l’action avec le coach ou avec les joueuses.

Par ailleurs, chaque membre du staff technique accompagne individuellement 3 à 4 joueuses. De ce fait, notre focus est accentué sur ces joueuses afin de les accompagner au plus près des attentes définies au préalable, grâce à une bonne connaissance de qui elles sont, mais surtout grâce à des personnalités qui “matchent” entre la joueuse et le membre du staff.

Est-il possible de modifier le courant d’un match grâce aux ajustements du staff ?

La stratégie est un aspect fondamental de notre pratique. Il est courant de changer de stratégie 2/3 fois dans le match, pour casser les dynamiques adverses, ou résoudre des problèmes récurrents que nous posent l’adversaire. Ce sont des choix, “in vivo”, qui nécessitent parfois des prises de risques, dans le fait de plus contrôler certaines choses, au détriment d’autres aspects du jeu qu’on “laissera” un peu plus aux adversaires. La richesse du staff permet d’ouvrir le champ des possibles sur ces ajustements, charge ensuite au coach principal de trancher sur ces ajustements que nous lui proposons.

Sur quels aspects le staff technique insiste le plus auprès des joueuses en dehors des matchs ?

Pendant la compétition, les journées sont assez denses et rythmées. L’entraînement du matin est lié à la stratégie du match du jour principalement. Ensuite, la séquence vidéo sur les joueuses adverses et sur leurs systèmes de jeu permet d’appuyer ce discours.

La sieste est de rigueur, car les organismes sont sollicités de manière intensive et répétitive. Suite au match, les joueuses passent par la case bains froids, et sont prises en charge par le staff médical pour des soins ou de la récupération.

Enfin, pendant les journées sans match, des retours vidéos individuels sont planifiés, afin de réguler certaines problématiques.

Quelles sont les différences entre une équipe senior et U20 pour un éducateur?

Sur des campagnes EDF avec des jeunes, nous avons affaire a des joueuses en formation, donc un devoir d’accompagnement tant d’un point de vue sportif qu’éducatif. Ces jeunes joueuses sont susceptibles un jour de porter le maillot de l’équipe de France senior, et le chemin pour y arriver est long, charge au staff d’exiger vis-à-vis des joueuses des prérequis nécessaires à une évolution et un développement vers le niveau international.

De plus, le degré de malléabilité est  important chez de jeunes joueuses, et notre souci est de les orienter vers le chemin qu’on estime être le meilleur possible pour être susceptible un jour de prétendre à une place en équipe de France A.

Quelles sont les différences entre coacher une équipe masculine et féminine ?

N’ayant pas entraîné dans le secteur masculin, je vais avoir des difficultés à vous répondre, faute de recul nécessaire et de moyen de comparaison. Par contre, ce qui me plaît dans le basket féminin, c’est la subtilité requise dans l’échange entraîneur/joueuse. Le fond est bien évidemment important, mais la forme l’est tout autant. Étant pragmatique de nature, cela me pousse à m’interroger quotidiennement sur la manière de communiquer et transmettre avec le groupe, mais également avec les joueuses individuellement. De ce fait, il est primordial d’avoir une connaissance pointue de la personnalité de la joueuse, de son fonctionnement, afin de pouvoir trouver les clés pour qu’elle se développe, qu’elle s’épanouisse et qu’elle se transforme, en tant que sportive, mais aussi en tant que femme.

Quels conseils donnerais-tu à une joueuse qui honore sa première sélection?

De ne pas être spectatrice, mais actrice. Ce n’est pas parce qu’on découvre un nouvel environnement qu’il faut le subir, au contraire. Chaque joueuse est là pour ce qu’elle est, avec ses qualités et ses défauts, il faut donc enfiler SON costume, en essayant d’être le meilleur de soi.

C’est en étant soi-même qu’on arrive à prendre du plaisir dans sa pratique quotidienne.

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