THIERRY HOCQUET – KINÉ PAR PASSION DU SPORT

Découvrez l’interview de Thierry Hocquet, kinésithérapeute au sein de la Fédération Française de Football. Une plongée au sein du staff médical des équipes de France, avec un guide ultra-expérimenté (participation à 3 Coupes du Monde et 6 Euro).
Thierry Hocquet
(c) DR

Les athlètes ont beau être le coeur du sport, ils ne sont pas les seuls à faire rayonner nos disciplines préférées. Plongez dans les coulisses du sport professionnel en découvrant les interviews de dirigeants, de coachs, du staff médical, des fans…

Découvrez l’interview de Thierry Hocquet, kinésithérapeute au sein de la Fédération Française de Football. Une plongée au sein du staff médical des équipes de France, avec un guide ultra-expérimenté (participation à 3 Coupes du Monde et 6 Euro).

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Comment as-tu commencé dans le sport?
J’étais assez sportif étant jeune, j’ai fait du judo, du tennis, du football, de la voile.

Pourquoi avoir choisir la vocation de kinésithérapeute ? 

J’étais en terminale au lycée, le moment où l’on commence à regarder un peu les différentes orientations qu’on peut prendre, et je cherchais un métier en rapport avec le sport. Il y avait plusieurs disciplines en médecine et finalement j’ai rencontré un kiné du sport qui m’a donné l’envie de prendre cette voie. Ce n’était pas forcément pour faire kiné d’un club ou d’une sélection au départ, mais je voulais faire kiné en traumatologie du sport.

As-tu suivi une formation spécifique liée au sport ?

Non ça n’existait pas, mais je faisais mes études à Montpellier et j’ai travaillé au Montpellier Hérault avec le staff médical en D4, ce qui m’a permis d’être confronté à beaucoup de situations réelles, donc ça permettait de bosser sur toutes les pathologies, ce qui vaut une formation à mon avis.

Quel est ton parcours dans des entités sportives (clubs & fédérations)?
J’ai failli partir avec le Montpellier HSC à la fin de mes études, mais je n’ai pas pu à cause de l’armée qui était obligatoire à cette époque. À la fin de l’armée, j’ai postulé à la Fédération française de Football, en 1995, j’ai commencé sur des stages avec les équipes de jeunes et je suis monté progressivement dans les catégories supérieures.

Qu’est-ce que cela t’a apporté et t’apporte encore aujourd’hui, notamment par rapport à ton activité libérale ?

Une certaine vision des choses, avec toujours dans l’esprit que le patient peut reprendre une activité sportive derrière, ne pas le condamner, avec aussi une aisance par rapport aux grosses blessures, et une meilleure organisation. Les patients attendent un protocole de rééducation, des délais, et des objectifs. Et bien sûr dans le sport ces données sont encore plus importantes, avec plusieurs personnes autour qui en dépendent, le joueur, le staff technique, les dirigeants. Donc c’est vrai que la notion de délai est primordiale chez les sportifs professionnels. Et le fait d’être avec la FFF me permet de côtoyer des médecins et des personnes qui ont un savoir et une expérience très élevés. C’est vraiment que du positif.

Mais cela te donne aussi plus de pression quand tu es en club ou en sélection?
Aujourd’hui non, j’ai 50 ans, mais au début oui bien sûr. Mais ça reste de la pression positive, on peut se tromper, tout le monde a le droit, c’est du médical. Moi si je me trompe ce sera sur une technique, pas sur un diagnostic. Donc la pression est un peu plus sur le docteur, car c’est lui qui fait le diagnostic, mais bien entendu nous sommes solidaires dans un staff.

Quel est le rôle d’un kiné dans un staff ?
Il y a un médecin (ou deux parfois), qui est plus ou moins le responsable du staff médical. C’est lui qui fait les diagnostics et qui prend les décisions. Il y a un ou deux kinésithérapeutes, un ostéopathe, et il peut y avoir un nutritionniste et un préparateur mental. Il y a plusieurs activités qui viennent se greffer. Le préparateur physique lui est un peu entre les deux staffs, technique et médical.

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Quelles sont tes missions pendant la période « match » ?

Avant le match, notre rôle est de faire les massages d’échauffement, de la mobilisation, un peu de travail musculaire pour échauffer, et bien sûr les straps. Pendant le match on reste attentif et disponible si un joueur a besoin de soin, avec la fameuse bombe de froid (antalgique) que vous voyez sur tous les terrains, utile en cas de coup. A la fin du match on donne des soins pour ceux qui ont pris des coups, ceux qui ont des blessures (musculaires ou autres), et ceux qui passent directement en récupération. Le médecin définit l’ordre de priorités sur les soins à faire sur les joueurs.

Quelle est ta relation avec les joueurs ?
Nous pouvons être parfois des confidents, mais nous faisons avant tout partie du staff. Donc la relation est professionnelle à la base. Mais nous tissons des liens bien sûr et on s’appelle parfois avec des joueurs en dehors. Mais nous restons à notre place lorsque nous sommes en rassemblement.

Le métier de kiné a-t-il évolué depuis tes débuts ?
Oui bien sûr il y a des nouvelles technologies et ça fait donc aussi partie du métier de se mettre à niveau. Mais les bases restent les même quand même en ce qui concerne la kinésithérapie. En revanche les évolutions sur les techniques opératoires ou l’imagerie améliorent nettement les délais de guérison.

Quels sont les aspects qui pour toi sont souvent négligés, mais qui sont primordiaux dans la récupération ?

Dans les clubs professionnels, tout est pris en compte et il n’y a vraiment pas grand-chose qui est négligé. C’est rendu obligatoire, et il ne faut pas que les joueurs le voient comme quelque chose de contraignant, il faut comprendre que c’est bénéfique pour leurs corps. Généralement les joueurs les plus sérieux sont ceux qui se blessent le moins.

Quelles sont les différentes techniques de récupération ?

La meilleure technique pour moi est le massage, on peut discuter avec le joueur, avoir son ressenti et donc déceler un hématome, un début de soucis musculaire ou une blessure.

La cryothérapie est un traitement par le froid, plus compliqué à mettre en place pour des petits clubs, par contre celle en machine est donc bénéfique, car c’est du -120 degrés. Cela crée un choc thermique qui va générer une vasoconstriction et une stimulation des récepteurs thermiques du derme qui produisent un effet analgésique.

La pressothérapie est une méthode thérapeutique qui stimule les échanges sanguins et le reflux lymphatique. Le but est donc d’augmenter la circulation sanguine. On utilise donc des bottes qui sont séparées en plusieurs compartiments et on insuffle de l’air à l’aide d’un compresseur.

Il n’y a rien de magique, je me souviens d’une compétition où on avait fait un peu des trois techniques, nous avions été éliminés en huitième.

On voit de plus en plus de joueurs très musclés très jeune, qu’en penses-tu ?

La musculation avec charge additionnelle est à éviter avant 17 ans, bien sûr on peut en faire avec des petits poids, mais il faut ne pas trop forcer.

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Quels risques encourt-on à ne pas soigner rapidement un début de blessure ?

Au niveau musculaire si on ne soigne pas de suite ça termine par une lésion et c’est donc minimum quinze jours d’arrêt. Sur le plan articulaire c’est plus difficile de le masquer, mais ça peut engendrer des problèmes arthrosiques, ça devient compliqué.

Après les joueurs pros qui jouent avec des petites blessures ont toujours l’accord du médecin, avec un risque mesuré bien sûr. En cabinet par contre on donne des délais plus longs.

Le corps d’un sportif est-il abimé en fin de carrière?

Tout dépend des blessures qu’il a eues dans carrière bien sûr, et des chocs qu’il a subis, mais en général ça va. Le souci est qu’ils ont toujours été en forme, entraînés, guidés et suivis par des professionnels. Ils gardent une musculature cohérente avec leur organisme, par contre quand ils arrêtent ils stockent plus, ils ne s’entraînent plus pareil, et donc ils perdent leurs musculatures et des problèmes peuvent apparaître.

Quels conseils donnerais-tu aux sportifs “en herbe” pour une bonne pratique du sport ?

Écouter son corps, se faire conseiller un programme sportif adapté, consulter un médecin ou kiné seulement quand il y a un souci, et se faire plaisir avant tout.

Quelle est la pire blessure à laquelle tu aies dû faire face ?

Une lèvre arrachée, donc il y avait du sang partout. Il a fallu intervenir rapidement pour le recoudre mais tout s’est bien fini.

Quand vous voyagez à l’étranger, vous faites comment pour le matériel ?

Nous amenons tout, il y a des kits pour chaque catégorie en EDF et on a donc toujours les mêmes choses. Et concernant l’imagerie et consultation de spécialistes, la FIFA met à disposition les personnes.

Pour finir, ton meilleur souvenir en Equipe de France?

La coupe du monde gagnée en 2001 avec la génération 1984 (Le Tallec, Sinama-Pongolle, Meghni) à Trinidad et Tobago. Et l’Euro avec les U19 en 2016 (M’Bappé, Augustin, Tousart). C’est donc un sentiment de joie collective, car on reste des médicaux qui apportent quelque chose pour un groupe. Mais nous ressentons quand même de la joie, car nous vivons en vase clos tous ensemble pendant plusieurs semaines, et nous allons tous ensemble jusqu’au bout de l’objectif. Et on sait que derrière il y a des gens qui suivent cela, notamment les familles des joueurs et le public français donc c’est un moment agréable où on ne peut qu’être heureux. Et c’est donc une belle aventure humaine.

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