PATRICE LOKO – MON BIG THREE NANTAIS

Patrice Loko nous rappelle le bon parfum de la Division 1 des années 90. Enfant de la Jonelière, il nous raconte son histoire avec le FC Nantes et son fameux trio offensif qui avait permis aux canaris de remporter le titre de Champion de France 1995. (Crédit Une : Patrice Loko)
Patrice Loko
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Patrice Loko nous rappelle le bon parfum de la Division 1 des années 90. Enfant de la Jonelière, il nous raconte son histoire avec le FC Nantes et son fameux trio offensif qui avait permis aux canaris de remporter le titre de Champion de France 1995. (Crédit Une : Patrice Loko)

C’est mon père, joueur de niveau National 1 qui m’a transmis cette passion pour le football. Que ce soit à travers ses matchs quand j’étais petit ou en tant que joueur lorsque j’évoluais sous ses ordres, lui qui était également entraîneur des équipes jeunes.

À cette époque nous vivions à Orléans, et cette ville m’a vu grandir. Mais j’étais plutôt fan du club de la capitale, le PSG. J’avais plein de posters dans ma chambre et c’est à partir de mes 10-11 ans que mon père a commencé à m’amener voir des matchs au Parc des Princes avec des amis à lui. À cette époque on pouvait encore descendre au parking et avoir des autographes à la sortie des joueurs.

J’adorais Safet Susic, il était très fort techniquement, il jouait collectif et en même temps marquait plein de buts et j’aimais beaucoup Dominique Rocheteau qui bougeait beaucoup, se dépensait sans compter et marquait des buts également. Ils étaient mes modèles, du moins je m’en suis inspiré.

CHOISIR ENTRE L’AJ AUXERRE ET LE FC NANTES À 15 ANS

Le foot était donc ma passion, et comme beaucoup d’enfants de mon âge je voulais devenir pro. Mon premier club fut Sully sur Loire. J’ai ensuite intégré Amilly qui était un bon club de ma région. En 1985, à Pâques, j’ai participé à la Coupe des Ligues à Vichy, réunissant l’élite des cadets nationaux du pays. Avec mon compère de l’époque Franck Gava on a réalisé un super tournoi. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai été demandé par plusieurs clubs de première division pour intégrer leur centre de formation. Le FC Nantes était l’un d’entre eux, et mon choix final se faisait entre celui des canaris et celui de l’AJ Auxerre, qui était le club le plus proche de chez moi. C’était les deux meilleurs centres de formation à cette époque, j’ai visité les deux centres, mais la Jonelière de Nantes m’a tout de suite séduit. C’était grand, moderne, ça me plaisait beaucoup et j’ai senti de suite que je pourrais m’épanouir là.

En arrivant au centre, j’avais déjà un statut d’international jeune. J’étais en sélection depuis l’âge de 14 ans donc forcément cela aide pour s’intégrer. D’ailleurs j’ai fait par la suite toutes les sélections jusqu’en A.

C’est vrai que ces années se sont bien passées pour moi. J’étais titulaire, je faisais des bonnes performances et forcément je pensais de plus en plus à signer pro. Nous étions un des meilleurs centres de formation donc nous savions que notre équipe était composée de très bons éléments, la plupart pourrait signer pro, mais pas forcément au club. Le nombre de joueurs qui signent pro dans leurs clubs formateurs restent très faible, peu importe l’écurie, maximum 2 ou 3 joueurs par génération. Il y avait forcément un doute, mais ma passion et mon envie étaient telles que j’étais persuadé que ça allait payer. Finalement, c’est avec deux autres camarades de promotion, Jean-Michel Ferry et Laurent Guyot, que j’ai signé pro dans mon club formateur.

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Nous avions de la chance, Nantes a toujours eu une politique de formation en intégrant de jeunes joueurs au groupe professionnel.

LE DÉBUT DE NOTRE TRIO AVEC PEDROS ET OUEDEC

Suite à quelques soucis financiers en 1991, le club a décidé de lancer quelques jeunes en équipe première. C’est à ce moment que j’ai commencé à jouer avec mes deux compères d’attaque, Nicolas Ouedec et Reynald Pedros.

Étant plus vieux qu’eux, je suis arrivé le premier dans le groupe pro.J’avais déjà entendu parler de Reynald dans ma région, car il vient de Beaugency, une ville proche d’Orléans. Je savais que c’était un très grand potentiel. Nicolas avait aussi une très bonne réputation quand il est arrivé, tout le monde disait que c’était un très bon.

Le recrutement des jeunes à Nantes était vraiment très bien fait, avec des personnes comme Guelso Zaetta ou Robert Budzynski. On le voit avec le nombre de joueurs sortis par la suite, car ça peut paraître simple de recruter les meilleurs joueurs de la région par exemple, mais il faut pouvoir se projeter et analyser leurs capacités d’évolution, le sportif est donc important, mais l’aspect mental est primordial.

Il y avait des valeurs à Nantes, l’esprit d’équipe, la culture « d’avoir envie de bien faire » si je peux le dire ainsi. On pourrait le définir plus simplement comme un culte de l’exigence au service de la philosophie du jeu à la nantaise : Du mouvement, des efforts constants et un jeu collectif. C’était très important et c’était la ligne directrice dans chaque catégorie, des débutants aux pros. Donc forcément un jeune qui arrivait dans l’équipe première n’était ni dépaysé ou stressé, il voyait les mêmes exigences et les mêmes efforts de la part des pros que celles qu’il avait vues en catégorie jeunes.

Avec Reynald et Nicolas, nous nous sommes tout de suite bien entendus sur le terrain. On avait la même philosophie de jeu, donc on se trouvait facilement et à force de jouer et s’entraîner ensemble les automatismes fonctionnaient parfaitement. Ce sont deux joueurs intelligents dans leur football et en dehors bien sûr, mais c’est important pour comprendre les déplacements des autres, de jouer en rythme, et surtout avoir comme but commun le collectif et pas les récompenses individuelles.

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Au-delà de nos personnalités et de notre formation au FC Nantes, nous faisions les jeux ensemble à l’entraînement et nous avions les spécifiques attaquants pour travailler également tous les trois, c’est ce qui nous a permis de créer des liens si forts sur le terrain et forger notre complémentarité.

LE TITRE DE 1995 COMME APOTHÉOSE

Notre point d’orgue a été la saison 1994/1995. Je pense que tous les fans de football l’ont encore en mémoire. Nous avions la réputation de produire du beau jeu, mais cela ne rime pas forcément avec résultat. Nous étions une équipe jeune encore, pas considérée comme une grosse écurie comme pouvait l’être Paris ou Marseille. Nous finissons cette année en Champion de France, avec la meilleure attaque et la meilleure défense. Nous avons été leaders sans discontinuer de la cinquième à la trente-huitième journée, avec un record d’invincibilité de 32 rencontres sur une seule saison, ce que n’a pas encore réussi le PSG de Zlatan ou celui de Neymar cette année. Notre jeu était très offensif, et collectif, tout le monde tirait dans le même sens, comme si nous étions tous programmés de la même façon. C’est une saison inoubliable.

On reconnaissait la patte du FCNA influencée par Reynald Denoueix, directeur du centre de formation, et Coco Suaudeau entraîneur de l’équipe pro.

Reynald Denoueix était le mentor pour tous ces jeunes, nous sommes nombreux à lui devoir beaucoup dans notre carrière. Il m’a permis de progresser, car même si j’avais de bonnes dispositions d’attaquant avec un gros volume de course, j’avais pas mal de déchet et notamment dans le domaine de la finition. Il m’a beaucoup aidé là-dessus. Il nous a aussi inculqué cet état d’esprit particulier, celui de se donner pour l’équipe et d’avoir un comportement toujours très positif.

J’avais également une bonne relation avec Coco Suaudeau. Je me rappelle mes années au centre de formation, où il venait nous voir à l’entraînement avec ses chiens au bord du terrain. C’était un vrai passionné avec des valeurs extraordinaires, j’aimais le personnage et sa carrière parle pour lui. Ce qu’il a réussi à faire notamment en 1995, un titre en produisant un jeu qui reste encore un modèle, c’est remarquable.

Ses entraînements étaient exceptionnels. Je me rappelle la réaction de Jocelyn Gourvennec quand il est arrivé, on faisait un jeu à 4 équipes de 4 couleurs différentes, et il n’avait jamais vu ça. Suaudeau avait un temps d’avance. Le but était de savoir avant de recevoir le ballon à qui on pouvait la donner, observer très vite le jeu et apprendre à le lire. Nous avions des entraînements à une seule touche de balle, pas le droit de faire un contrôle, pour apporter de la vitesse et penser vite. Comprendre le jeu en lui-même, c’est une chose, mais l’appliquer c’en est une autre. Voilà pourquoi il fallait être aussi intelligent à Nantes.

Je chéris mes années nantaises, elles m’ont permis de me former en tant que footballeur et en tant qu’homme. Des personnes comme Coco Suaudeau, Reynald Denoueix, Nicolas Ouedec ou Reynald Pedros et plein d’autres ont tellement compté dans mon football et m’ont permis d’aller jouer dans le club de mon cœur, le PSG, et d’intégrer la sélection nationale. On peut avoir tout le talent du monde, le football reste un sport d’équipe, et nos coéquipiers et nos entraîneurs sont là pour nous aider à grandir, et nous devons les aider en retour en bien sûr.

Je finirais sur une phrase qui a du sens dans le football, qu’on devrait enseigner à tous dans les écoles de football, et qui est indispensable pour continuer à voir du beau jeu, c’était vraiment la phrase de coco, « savoir à qui passer le ballon avant de le recevoir ».

PATRICE

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