LAURENCE FISCHER — POUR CERTAINES FEMMES, FAIRE DU SPORT EST DÉJÀ UNE VICTOIRE

Le sport comme outil de construction et d’émancipation. C’est la doctrine adoptée par la karatéka Laurence Fischer qui nous parle de son engagement auprès des femmes opprimées à travers le monde.
LAURENCE FISHER
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Crédits Photos : Peace and Sport

Participer à des organismes de bienfaisance a toujours été une chose naturelle pour moi. Avant même la fin de ma carrière en karaté en 2006, je voulais transmettre mes connaissances. Je voulais montrer que derrière la championne, derrière la médaille, il y a une carrière, des valeurs et de l’expérience à partager. Mais ce sont les gens que j’ai rencontrés qui m’ont guidé. La première réunion en 2005, alors que j’étudiais à l’ESSEC, s’est tenue à Kaboul, en Afghanistan. J’ai passé un mois avec de jeunes femmes afghanes. Je leur ai appris le karaté. Par-dessus tout, j’ai découvert les inégalités auxquelles les femmes sont soumises dans certains pays. Certaines d’entre elles ont pris d’énormes risques pour essayer le karaté. Elles mettent leur vie en danger. Plus tard, l’une d’elles enseigna à son tour. Elle a reçu des menaces de mort. Tout cela m’a vraiment marqué.

Quelques années plus tard, en 2013, une autre rencontre a influencé ma carrière. J’ai rencontré le Dr Mukwege, prix Nobel de la paix, connu comme « l’homme qui guérit les femmes » dans son pays, la République démocratique du Congo. Je l’ai écouté. J’étais contrariée par ce qu’il disait. Choquée. J’ai découvert que le viol pouvait être une arme de guerre. J’ai pris conscience de la situation et du sort des femmes qui en ont été victimes.

Mon engagement dans le sport a toujours été orienté vers l’émancipation, la confiance en soi et la reconstruction par l’activité physique. Il semblait naturel de rencontrer ces survivants, d’essayer de les aider et de poursuivre mon action. En partenariat avec la Maison Dorcas, organisée par la Fondation Panzi, sur les rives du lac Kivu, j’ai mis en place une émission hebdomadaire basée sur le karaté et le football dispensés par un éducateur congolais. 20 des 45 femmes hébergées à la fondation se sont impliquées dans le programme. À la fin de la deuxième année, trois d’entre elles m’ont dit qu’elles voulaient enseigner le karaté dans leurs villages, pour aider leurs mères, leurs sœurs et leurs proches à échapper au même sort. Je pense que je les ai aidés à reprendre confiance et à retrouver leurs corps meurtris.

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Cette expérience m’a encouragé. En 2017, j’ai fondé ma propre association, Fight for Dignity. J’interviens toujours en RDC. Depuis le printemps dernier, j’aide également l’équipe de la Maison des Femmes à Saint-Denis, en banlieue parisienne. En travaillant avec l’équipe, je combine recherche et action sur le terrain. Je veux aller plus loin, mesurer l’impact et l’efficacité de la pratique du karaté et mettre en œuvre une méthodologie accessible et adaptée.

En collaboration avec une équipe de recherche de l’Université de Strasbourg, nous travaillons avec un groupe de 24 femmes, avec des premiers résultats en 2020. Nous commençons petit, avançant étape par étape. Le vendredi 8 mars, Journée internationale de la femme, nous lançons une avons lancé une campagne de financement participatif dans l’espoir d’obtenir plus de ressources pour mon association.

Pour toutes ces femmes, le sport doit devenir une fierté. La fierté d’être un praticien de karaté, la fierté de l’enseigner. Comme nous, championnes, elles deviennent à leur tour des modèles. Ce sont des survivantes. L’impact sur leurs communautés locales peut être considérable.

Mon engagement auprès de Peace and Sport, parmi les Champions de la Paix, s’inscrit dans cette initiative visant à utiliser le sport comme outil de reconstruction et d’émancipation. J’ai accompagné Didier Drogba, vice-président de l’organisation à Larnaca Bay à Chypre le 19 mars. À Pyla, le seul village du pays habité par des communautés chypriotes d’origine grecque et turque, j’ai tenu une séance de karaté pour les femmes et les enfants de la communauté. Ma carrière sportive est maintenant loin derrière moi, mais le désir de transmettre ne m’a jamais quitté. Je veux partager. Avec les femmes. Pour les femmes.

LAURENCE

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