Johan Clarey, mieux vaut tard

Retraité à la fin de la saison, Johan Clarey fait toujours partie du gratin de la descente mondiale, à 42 ans. Portrait.
Johan Clarey, sur la descente de Kitzbühel en janvier 2021.

Alors qu’il disputera sa dernière descente en carrière ce mercredi, Johan Clarey fait toujours partie du gratin de la descente mondiale, à 42 ans. Une exception dont les ressorts appartiennent à une trajectoire personnelle insaisissable. Grand format.

Éternel : qualité de ce qui n’a ni commencement ni fin. Autrement dit, hors du temps, perpétuel, interminable. Ou, dernier synonyme, Johan Clarey. A 42 ans, le skieur licencié au C.S. Tignes ne cesse d’impressionner. « Chaque année, ce qui est fou, c’est que je me dis : « non, le miracle ne va pas se reproduire quand même. » Et chaque année, il est sur le podium. Tu te demandes quand ça va s’arrêter, tu te dis que ça va exploser ! Pas du tout. C’est au-delà d’incroyable. Je n’ai pas de mots. Ce n’est plus du domaine du possible » s’émerveille l’ancien descendeur Pierre-Emmanuel Dalcin.

Désormais consultant pour Eurosport, il a connu le jeune Clarey débutant en Coupe du monde. C’était un matin de décembre 2003, à Lake Louise (Canada). Depuis, près de 250 départs se sont accumulés. Et une particularité révélée. Vice-champion du monde de super-G en 2019 à 38 ans, médaillé d’argent de la descente olympique de Pékin l’hiver dernier à 41 ans, Johan Clarey empile les records de longévité. Cet hiver encore, il a grimpé sur les podiums des descentes de Val Gardena (Italie) et Kitzbühel (Autriche), deux grands rendez-vous de la saison.

De quoi envoyer Corneille et « la valeur n’attend point le nombre des années » repasser leur première étoile… Le plus étonnant dans le parcours du Tignard, c’est bien sa lente et fragile construction. Clarey a connu quatre podiums de Coupe du monde entre 2003 et 2017. Depuis le début d’année 2019, il en a décroché six, huit en comptant ses médailles en grand championnat. « Comme il le dit souvent, il a toujours tout fait un peu plus tard que les autres : marcher, parler » sourit Xavier Fournier, entraîneur de l’équipe de France masculine de vitesse.

De mieux en vieux

« D’habitude on arrive à maturité autour de 30 ans, renchérit Dalcin. Lui, il fait ses meilleures saisons depuis qu’il en a au moins 35. Ça n’est pas normal ! » Ce qui l’est plus, c’est d’atteindre son vrai potentiel une fois que le sort arrête de s’acharner sur le corps. Ligament croisé du genou droit en 2004, fracture du bras droit en 2008, croisés des deux genoux en 2009, dos opéré en 2013, Johan Clarey n’est épargné que depuis quelques années. « Il n’y a pas vraiment de règle, de chemin dans notre sport, remarque Xavier Fournier. C’est tellement accidentogène, la moindre blessure peut retarder la progression d’un athlète. Quand il était jeune, il était déjà fort. »

Et il le reste. Physiquement, il n’a rien à envier aux golgoths Aleksander Aamodt Kilde ou Dominik Paris. « C’est un monstre, une bête physique, image Valentin Giraud-Moine, descendeur retraité depuis 2021, avec qui Clarey a partagé un podium à Kitzbühel en 2017. C’est 1,91m, près de 100 kilos. Il n’a pas un pèt de gras et à son âge il est encore tonique. » Son entraîneur le compare à un « décathlonien. Il est bon dans tout ce qu’il fait. Du vélo, du tennis, il fait quand même 100 kilos, eh bien il est super fort. » On parle d’une discipline où les athlètes chaussent des skis de 2,20m de long, « pas skiables » de l’aveu de Sébastien Auer, le technicien de Clarey (et d’Adrien Théaux, tous les deux chez Head). « Je les mets au pied, mais il faut aller presque tout droit, ça prend trop de vitesse ! »

“Il se connaît si bien que l’aspect technique a un peu disparu de l’entraînement, on ne va rien lui faire changer”

Xavier Fournier, entraîneur de l’équipe de France de vitesse

Auer s’occupe des planches du vice-champion olympique depuis 2010, une longévité là encore rarissime. Au plus près du skieur tout au long de l’hiver, le technicien est impressionné : « il y a encore pas longtemps, il nous a répété qu’il pourrait tenir deux ou trois ans sur le circuit physiquement. » Le poids des années ne se fait plus sentir sur son corps, qu’il maîtrise de mieux en mieux. « Il se connaît si bien que l’aspect technique a un peu disparu de l’entraînement, on ne va rien lui faire changer, reconnaît Xavier Fournier. Avec lui, je travaille plus dans le relationnel, l’humain. Dans la confiance »

Chez les descendeurs plus que dans n’importe quelle autre discipline, l’expérience est une condition sine qua non pour briller. Ces vingt dernières années, seuls deux skieurs de moins de 30 ans ont remporté le globe de la spécialité. Avec l’âge, les progrès sont flagrants pour Pierre-Emmanuel Dalcin : “Ce n’était pas le skieur le plus technique du circuit, il avait beaucoup de facultés pour aller vite dans les longues courbes. Il a réussi à progresser techniquement et mentalement. Quand il descend, il est hyper lucide.” Clarey lui-même le reconnaissait, dans L’Equipe, au début de la saison 2020-21 : “Je me connais tellement bien. Je pèche physiquement ici et là, je récupère moins bien, mais je me prépare mieux. Il y a beaucoup de choses que je fais mieux maintenant qu’il y a dix ans.” 

Le bourlingueur Clarey peut ressentir les bienfaits de ses tours du monde à répétition chaque hiver. « Sur les reconnaissances, il passe beaucoup moins de temps. Il laisse beaucoup moins d’énergie qu’un jeune dans plein de registres », juge Xavier Fournier. Ses années de métier pèsent à Pékin l’hiver dernier, quand sa paire de skis fétiche est impuissante face à la neige glacée de la piste olympique. “Au deuxième entraînement, on a testé une paire similaire, pour voir, se remémore Sébastien Auer. C’était inskiable, ça cramait vraiment très fort les cares. Comme s’il était sur des rails, il ne pouvait plus gérer les courbes. Il était fixé, on ne pouvait pas prendre « sa » paire. Qu’est-ce qu’on fait ? On avait pensé à la même paire en même temps : “on prend la 11 !”. On ne l’avait jamais prise en course, c’était un immense pari. » Pari gagnant, avec l’argent au bout. 

“Contrairement à d’autres qui ont besoin de se faire rentrer dedans, “Jo” n’est pas très expressif. Il ne va pas crier, montrer qu’il va tous les bouffer”

Sébastien Auer, technicien de Johan Clarey.

Avec le temps, le Tignard a appris à gérer ses saisons, à ne pas se disperser en conservant de l’énergie pour ses grands objectifs. “Je ne cours pas pour faire des descentes à Lake Louise, lâchait-il en mars 2022, au terme des finales de Courchevel. Je veux vivre des émotions, des grandes choses. Il faut alléger mon programme pour continuer.” Alors parfois, les chronos parlent pour lui, il peut se montrer un peu plus prudent, sur la réserve. « Il ne peut pas, toutes les semaines, mettre l’engagement qu’il met sur certaines courses », admet Xavier Fournier.

Ces derniers hivers, il s’est montré en retrait en super-G, où les tracés sont souvent plus piégeux. « À Cortina (fin janvier), il fait 15e mais il est conscient qu’il aurait pu engager plus. Sur le bas, il n’a pas pris de risques. Les Mondiaux arrivaient, il y avait eu pas mal de crashs, c’est tout à fait normal » selon Sébastien Auer. 

Le technicien le concède, c’est plus problématique psychologiquement. « Ça commence à devenir difficile au départ, d’avoir le réflexe de toujours s’engager. Les pistes comme Kitzbühel, où les départs sont très raides, glacés, ça lui pompe beaucoup d’énergie mentalement. » Il arrive à un tel colosse de 42 ans, qui a tout connu, de douter à s’imaginer les skis dans le vide au départ, frôler les filets à plus de 100 km/h et voler sur des dizaines de mètres. Loin de faire demi-tour, Johan Clarey a sa méthode. Auer est le dernier à le côtoyer dans le portillon de départ : « Je ne lui parle quasiment pas, je fais le minimum. “Adri” (Théaux), depuis son retour de blessure, me dit : « engueule-moi, tape-moi, bouge-moi ! » Contrairement à d’autres qui ont besoin de se faire rentrer dedans, “Jo” n’est pas très expressif. Il ne va pas crier, montrer qu’il va tous les bouffer. »

Maître de l’enfer des skieurs

Mais si “Jo” Clarey est toujours autant craint par ses adversaires, c’est parce qu’il se manque rarement quand il a décidé que ça roulerait droit. Et il n’y a pas grand chose pour l’empêcher de briller. Pas même une grosse chute à l’entraînement à Kitzbühel, en janvier 2021. « Il était tout bleu sur le bras », se rappelle son technicien. « Un quart d’heure avant la course, il dit aux coaches qu’il ne va pas pouvoir y aller », explique François-Xavier Rallet, qui commente avec “Pierrot” Dalcin sur Eurosport. Finalement, il y va. Le tout frais quarantenaire termine quatrième. Deux jours plus tard, il remet le couvert. Devancé de 17 minuscules centièmes par le Suisse Beat Feuz, Clarey prend la deuxième place.

Une force de caractère qui impose le respect. Séabstien Auer n’en revient pas : “Ça fait plusieurs années qu’il nous dit : « je ne veux plus trop revenir à Bormio, c’est trop difficile. » C’est dans l’ombre, c’est glacé, il n’aime pas trop cette piste. Mais chaque année, il y va. Son caractère fait qu’il a quand même envie d’être présent.” Dans L’Équipe du 20 janvier 2022, David Chastan, entraîneur principal de l’équipe de France de ski alpin, soulignait que “la descente demande d’accepter le risque. Plus jeune, on l’accepte parce qu’on est insouciant ; plus vieux, c’est plus compliqué, on a eu des blessures, des chutes, des souvenirs. Au départ, Johan pourrait se dire : “Qu’est-ce que je fous là ?”. Mais lui, il part à plat ventre.”   

Au fil des années, le Tignard s’est forgé une réputation dans la Mecque des descendeurs. Quatre podiums sur la “Streif” de Kitzbühel, seuls Beat Feuz (7), Dominik Paris, Daron Rahlves et Didier Cuche (5) ont fait mieux dans la discipline depuis le début du siècle. Xavier Fournier reste pantois : « Kitzbühel, il connaît tout par cœur,  il sait parfaitement où il faut aller vite, être bon dans le Steilhang pour être rapide dans le chemin. »

Le Steilhang, une courbe décisive – “ presque la plus technique de l’hiver ” – où il faut lutter contre la pente infernale (85%) et la neige verglacée, qui conditionne la vitesse d’entrée dans une longue phase de “schuss”. « Il la fait toujours avec beaucoup de facilité, raconte Pierre-Emmanuel Dalcin. Il sent le bon point de déclenchement. Ça se joue à un ou deux mètres près, il est à chaque fois au bon endroit. Derrière, sur la portion plus facile, il rattrape du temps aux autres »

Cette saison, comme un symbole, Johan Clarey est monté sur le podium là où il avait déjà le plus performé en carrière. A Kitzbühel, donc, mais aussi sur la “Sasslong” de Val Gardena, en Italie. Il y compte désormais six top 5. “Il a vraiment un feeling particulier avec ces endroits, il s’y sent bien”, estime Fournier.

L’ancien équipier Dalcin, lui, s’en amuse d’un point de vue technique : “ Ce qui est fou, c’est qu’on est sur deux pistes complètement à l’opposé l’une de l’autre ! Kitzbühel, c’est la plus raide, la plus glacée. Val Gardena, c’est celle où il faut avoir le plus de glisse. Et le mec arrive à être bon sur les deux ! Il sait comment faire, donc il skie libéré. Après, il y a ce que dame nature t’a donné à la naissance qui parle. Dès qu’il met les skis à plat, que les courbes sont longues, il arrive à générer de la vitesse, à la garder un peu plus longtemps que les autres.” Plus longtemps que les autres, voilà un entêtant refrain.

J’avais misé sur 33, 35 ans maximum“, lâchait Clarey après la conquête de son argent olympique. Sa vision de début de carrière a donc pris de sacrées rides. Pas comme lui. Ça n’est pourtant pas faute de s’être posé la question : “pourquoi continuer ?” Face aux blessures, aux performances en deçà de ses attentes, il commence à s’interroger sur son avenir après les Jeux de Sotchi, en 2014. 

Tous les interrogés rivalisent d’anecdotes pour évoquer l’indécision récurrente du natif d’Annecy. “Il y a pas longtemps, je lui ai rappelé les finales à Saint-Moritz, en mars 2016, se souvient “Seb” Auer. On attendait sa décision, il n’arrêtait pas de nous dire : « ouais, je sais pas ». Et d’un coup, il est arrivé : « je continue ». C’était il y a sept ans quoi !” Quelques semaines avant, le circuit avait fait un crochet par la Corée du Sud. “On se projetait déjà vers les Jeux de Pyeongchang et il disait : “je n’y serai pas”, rappelle Fournier, qui n’a pas manqué de raviver le souvenir à Clarey lors du podium de Pékin. L’année dernière aussi, il a pris un petit moment de réflexion après les finales. On s’entraînait sur la piste de Courchevel, mais au bout de deux jours, j’ai tout de suite su qu’il allait continuer.”

“Tous les coureurs le disent : le mec a rencontré sa femme, il a gagné une seconde dès le lendemain !

Pierre-Emmanuel Dalcin, ancien descendeur et désormais consultant pour Eurosport

Ce flou permanent sur son avenir,  Johan Clarey en a peut-être fait une force. “Ne pas avoir tiré de plans sur la comète, c’est aussi le secret de sa réussite“, juge FX Rallet. Encore faut-il conserver la motivation, celle qui mène à quitter ses proches les deux tiers de l’année, à ne pas relâcher les efforts quand bien même l’été arrive. Être capable de rempiler, quand des skieurs bien plus jeunes quittent le circuit, usés, rongés des cuisses au cerveau. “Son hygiène de vie, l’entraînement qu’il mène l’été restent au top, s’enthousiasme son entraîneur. Ça a toujours été une discussion qu’on a eue : s’il voulait continuer en Coupe du monde, il fallait qu’il continue de s’entraîner comme les jeunes. Il ne veut pas de passe-droit. Mais il adore ça.

Le meilleur des autres

À quel carburant Clarey fonctionne-t-il ? “Je pense que c’est sa passion qui a pris le dessus, explique Fournier. Il s’est aperçu que c’était toute sa vie. Autant en profiter et continuer à le faire le plus longtemps possible. Même si le sport de haut niveau, le ski, c’est dur, être athlète est quand même ce qu’il y a de plus beau.” A-t-il peur du vide de l’après-carrière ? Non, il dispose déjà de quelques idées de reconversion. Surtout, ce ne sont pas ses résultats (encore 4e du classement général de la descente cet hiver) qui l’inciteront à arrêter. “Tu continues de faire des podiums à Kitzbühel, tu gagnes encore bien ta vie. Pourquoi ne pas continuer ?” s’amuse Sébastien Auer.

D’autres voix évoquent un déclic plus sentimental. « Ce qui l’a libéré et rendu heureux, c’est de rencontrer sa femme (lors d’un stage de pré-saison au Chili), confirme Dalcin. Tous les coureurs le disent : le mec a rencontré sa femme, il a gagné une seconde dès le lendemain ! » Cette ex-médecin de la Fédération de ski l’a aussi aidé à se relever de dures épreuves, comme le terrible décès de son partenaire David Poisson à l’entraînement au Canada, en 2017. Cet hiver, peu avant Kitzbühel, le couple est touché par un drame familial. « Encore une fois, c’est elle qui lui dit : “on fait nos valises, on sort la tête du sac”. Lui, il va là-bas, jamais il ne pense faire un podium. Et le mec fait deuxième », admire le consultant. 

Deuxième. A la fois si près et si loin de la plus haute marche du podium. Il faudrait être étourdi pour ne pas avoir saisi que Johan Clarey n’a jamais levé les bras sur le circuit. Certains témoins refusent encore d’y croire, par amour pour le Tignard peut-être : “J’ai le souvenir d’une victoire, pose FX Rallet, avant de se reprendre. Putain, le lapsus.” À Val Gardena en 2011, la course est annulée en raison d’un vent trop fort, alors qu’il est en tête.

Cette saison, dans la même station, il s’assoit sur le fauteuil de leader et voit ses concurrents se casser les dents sur son chrono. Tous sauf un, Aleksander Aamodt Kilde. « Il a dit : “je crois que je ne gagnerai jamais”, confie son technicien. Il pensait vraiment que c’était bon, c’était fait. C’est pas grave. Enfin, il avait quand même bien les boules là-bas. Quand Kilde franchit la ligne… (silence) Forcément, ça lui manque quoi. »

En même temps. Hermann Maier, Michael Walchhofer, Bode Miller, Didier Cuche, Aksel Lund Svindal, Kjetil Jansrud, Beat Feuz, Kilde maintenant. Clarey les a tous côtoyé sur le circuit, quand chacun atteignait son firmament. “A chaque fois, il tombe sur plus fort que lui, regrette Xavier Fournier. Il respecte ça. Il est tombé sur des super skieurs, il lui a toujours manqué un petit truc.” Mais au moment de faire le tri, de peser les joies et les déceptions, nul doute que c’est le sourire qui l’emportera. Pour Pierre-Emmanuel Dalcin, “même s’il n’a peut-être jamais eu le sentiment, la possibilité de se dire : « le meilleur du monde, c’est moi », il n’aura pas de regrets. Je pense que si tu lui demandes d’échanger ses podiums à “Kitz” contre une victoire, il dira non. Ce qu’il a fait, ce qu’il a vécu, ça vaut plus qu’une victoire. Largement.” 

“Il y a énormément de respect parce que ça fait vingt ans qu’il fait ça. Certains devaient le regarder à la TV et ils se battent encore aujourd’hui !”

Valentin Giraud-Moine, ancien descendeur et consultant pour Eurosport.

Surtout, au prix d’une si longue carrière, de tant d’efforts, la reconnaissance du circuit pour le “papi” Johan Clarey est gigantesque.  “Il y a énormément de respect parce que ça fait vingt ans qu’il fait ça, admire Valentin Giraud-Moine. Certains devaient le regarder à la TV avant d’intégrer la Coupe du monde et ils se battent encore aujourd’hui ! Le respect s’impose tout seul.” Il est tel que ses bourreaux viennent parfois à s’excuser de l’avoir battu, à l’image d’Aleksander Aamodt Kilde cette saison à Val Gardena.

Il fait l’unanimité, Johan Clarey, synthétise FX Rallet. Ça fait deux ans que Dave Ryding monte sur le podium du slalom de Kitzbühel, au lendemain des podiums de Johan en descente. Et en zone mixte, Ryding parle de sa joie, il dit : « je ne suis plus tout jeune, mais le modèle dans l’exercice, c’est quand même Johan Clarey ! Je ne sais pas comment il fait ! » Ça montre le respect immense que les skieurs étrangers ont pour lui.

D’évidence, l’admiration et la tendresse pour le Tignard est décuplée chez ses partenaires de l’équipe de France, peu importe la génération. “Quand je courais, on l’appelait « le Grinch », rigole Dalcin. Quand il a décidé d’être de mauvaise humeur, on ne peut rien en faire ! Par contre, quand il est de bon poil, c’est le mec le plus sympa du monde.” Les membres du groupe actuel de vitesse évoquent “un puits de savoir, une inspiration” (Maxence Muzaton), “un mec en or, exemplaire” (Blaise Giezendanner).

Pour Xavier Fournier, l’entraîneur qui le côtoie depuis quinze ans, Clarey est inclassable : “Tout ce qu’il fait est tellement bien que les plus jeunes apprennent rien qu’en travaillant avec lui. Il ne va pas s’imposer, il donne si on vient le voir. Ça n’a pas de prix d’avoir quelqu’un comme lui dans un groupe. On a eu tellement de moments difficiles. Il s’y sent bien, on se sent bien tous ensemble. C’est aussi pour ça qu’il est resté“.  

Et qu’il a ainsi contribué à repousser, un peu plus chaque hiver, les limites de son sport. L’armoire à records est bien garnie – liés à l’âge mais aussi à la malchance : il est le descendeur qui compte le plus de podiums sans victoire en descente (10), à égalité avec l’Autrichien Heinrich Messner. “Je ne sais pas si ça suffira pour entrer dans l’histoire, mais au moins, j’aurais laissé une petite trace“, avouait Johan Clarey un matin de janvier 2021. Au moment d’ouvrir le portillon vers une autre vie, Xavier Fournier tient à le rassurer. Les résultats disparaissent vite, “les émotions, les sensations, elles, restent.” Éternellement. 

Mathéo Rondeau

Johan Clarey

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