JOFFREY DELACOUR (FORMATEUR RUGBY) : “LES ENFANTS NE SONT PAS DE LA MARCHANDISE”

Après une carrière en Fédérale 2 et 3, Joffrey Delacour est aujourd’hui un formateur passionné au sein du Rugby Club Massy Essonne. En charge des Crabos (U18) de l’une des plus fameuses écuries de l’hexagone depuis 7 ans, Joffrey a récemment poussé un coup de gueule contre l’univers impitoyable du rugby chez les jeunes ou les pratiques douteuses des “gros clubs” et agents sont légion. Une tribune à découvrir aujourd’hui, avant de se pencher sur ses solutions demain.
Joffrey Delacour
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Les sportifs ne brillent pas uniquement sur le terrain mais en apportant une aide à leur communauté par une action, une parole, une prise de position. La rubrique « Engagés » permet à un sportif de partager avec vous une réflexion sur une cause particulière.

Après une carrière en Fédérale 2 et 3, Joffrey Delacour est aujourd’hui un formateur passionné au sein du Rugby Club Massy Essonne. En charge des Crabos (U18) de l’une des plus fameuses écuries de l’hexagone depuis 7 ans, Joffrey a récemment poussé un coup de gueule contre l’univers impitoyable du rugby chez les jeunes où les pratiques douteuses des “gros clubs” et agents sont légion. Une tribune à découvrir aujourd’hui, avant de se pencher sur ses solutions demain. 

Il y a vingt ans, le rugby pro. Tout allait changer, en bien pour certains, en mal pour d’autres.

On allait arrêter les dessous de table généralisés, on allait enfin avoir un véritable statut de joueurs professionnels, les joueurs ventripotents laisseraient place aux Dieux du Stade et les stratégies de beuveries allaient laisser place aux stratégies marketing.

On a laissé évoluer notre jeu (oui, c’est un jeu à la base) vers un sport (ben oui, les échecs c’est un sport) où les biscotos suppléent les passes dans le dos, fixer-donner est relayé par des cut-dos, et le French Flair laisse place aux autos tamponneuses. Bref, nous avons évolué.

Place au rugby édulcoré où on parle plus de densité, de stratégie, d’impact physique que de valeurs d’amitiés, de don de soi et de respect… Et pourtant !

Pourtant, nous ne parlons que de ça lorsque nous nous revendiquons rugbyman. Ne véhiculons pas cette image de mecs bien sous tous rapports. Nous nous amusons à dénoncer le foot et ses dérives à longueur de temps sans être capable de regarder notre nombril. C’est normal, nous sommes le sport idéal joué par des élus de Dieu sans doute. Il y a eux et nous, aime-t-on rappeler.

Pourtant, pourtant… Comment en est-on arrivé là ? Est-ce si mal ? N’est-ce pas ça le nouveau rugby ?

Personnellement, je suis convaincu que c’est un savant mélange des deux, et si je suis à Massy, c’est pour moi tout sauf un hasard.

Pourquoi ce débat ? Parce qu’aujourd’hui, nous formons les hommes de demain.

Il serait alors aisé de tout reporter sur des jeunes ados en pleine construction et d’employer la fameuse rengaine moult fois entendue sur tous les bords de stade : « c’est générationnel, à mon époque… ». Mais pour moi ce n’est pas ça.

Il faut savoir et surtout dénoncer !

Quand notre meilleur ennemi vient titiller nos jeunes pépites alors à peine âgées de 15 ans pour certains, en leur proposant de beaux contrats juteux que même leurs parents ne touchent pas.

Que ce dernier les fasse venir la veille d’un huitième de finale d’un match de championnat de France pour leur montrer leurs installations luxuriantes. C’est sûr, ça fait rêver comparé aux 4 ballons, 4 plots, et la forte odeur de sueur de chez nous… Mais chez nous il reste les copains autour du ballon.

Qu’ils soient reçus comme des grandes stars où se succédent les Masoe, Labit, Travers lors d’une journée où se mêlent rencontre des pros, repas, cadeaux… Encore une fois, que leur montre-t-on ?

Qu’encourage-t-on ? Où sont les valeurs, est-on encore éducateurs ? Par ailleurs, sommes-nous juste humains quand on considère des joueurs (plutôt adolescents) comme une opération financière ?

L’an dernier déjà, notre plus grand espoir au poste de demi de mêlée s’en est allé vers la puissante équipe des Hauts de Seine. Il n’avait alors que 15 ans. Il allait être en concurrence avec son vis-à-vis en équipe de France -17 ans. Aujourd’hui, l’un des deux n’y est plus. Grande marque de respect pour l’un, beaucoup moins pour l’autre ayant fait ses classes au club.

Alors certains me diront, si c’est pour aller voir plus haut… mais non : même division, même classement, même région !

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Moi entraîneur, je n’accepterai pas qu’un joueur mineur touche de l’argent (1500 euros ce n’est rien me direz-vous) pendant que son partenaire qui l’épaule, court, sue, plaque, pleure et souffre pour lui n’en touche pas.

Dans la même veine, des pseudos agents (allez je suis gentil je ne citerai pas M. B…..S) contactent les mômes d’à peine 16 ans par Facebook pour les placer dans d’autres clubs… Le pire me direz-vous, c’est qu’ils ne connaissent même pas leurs caractéristiques, se basant uniquement sur les listes fédérales. Et quand mes joueurs me parlent de ça, ils se font traiter de balances par les autres, triste rugby !

Nous avons une idée sur Massy qui est de structurer l’enfant avec des valeurs d’être humain et de collectif fort avant tout. Le parcours se fera simplement en allant le plus vite possible vers la case équipe première. Les meilleures s’en iront vers d’autres cieux, car si nous sommes des tremplins pour Ris-Orangis, Viry, Sarcelles, Terres de France… Massy devient aussi un tremplin pour Toulouse, Clermont, Stade Français… et même le Racing !!!

Les autres porteront fièrement le maillot de la première ou repartiront dans leur club d’origine porter fièrement les valeurs du rugby.

Alors Messieurs les Racingmen, Messieurs les Agents peu scrupuleux, les enfants ne sont pas de la marchandise. Tout ne se vend pas et ne s’achète pas comme vous semblez le penser.

Vous semblez l’avoir oublié, dommage pour vous et tant mieux pour nous.

Ne touchons pas aux enfants, laissons-les le plus longtemps possible rêver, s’éclater, oser. Ils auront bien le temps de se formater aux valeurs du nouveau rugby avec ses défauts… et ses qualités.

JOFFREY

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