Football – Dernier rempart : Pauline Payraud-Magnin – L’exigence absolue

Plongez dans la tête et les gants de Pauline Pauraud-Magnin, gardienne internationale française. Qui vous aide à mieux comprendre son poste si spécifique dans le football.

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Pauline Payraud-Magnin est une gardienne de football internationale française (3 sélections) de 28 ans, qui évolue actuellement à L’Athlético de Madrid.

UN POSTE QUI N’EST PAS JUGE A SA JUSTE VALEUR

Je suis une gardienne plutôt athlétique et qui aime les sorties aériennes. Je suis un peu folle sur les bords, mais je pense que c’est le poste qui veut cela.

Un bon gardien, c’est un gardien qui ne prend pas de but (rires). C’est un poste qui exige beaucoup de responsabilités, où l’équipe se « repose » dessus et doit avoir une confiance pleine en lui/elle. Et ce n’est pas forcément facile. On joue différemment qu’un autre joueur sur le terrain. Notre poste exige d’être complet. On est sans le plus complet sur le terrain. Il faut être performant sur notre jeu au pied, gérer la profondeur, communiquer et le tout en ne prenant pas de but. C’est aussi un pote un peu fantôme qui n’est pas bien compris et qui n’est pas jugé à sa juste valeur. Encore plus dans le football féminin où on est encore beaucoup décrié. Dès qu’on fait une erreur, on entend tout de suite : « Oh elle a fait une boulette encore, ce n’était pas son jour ». Je ne pense pas que ce soient des remarques qui font avancer notre poste.

ON PEUT FAIRE UN GRAND MATCH SANS FAIRE DE GRANDS ARRÊTS.

Nous avons un vrai rôle de capitaine de défense, voire même des milieux de terrain. Il y a beaucoup de communication faite de notre part. Nous avons une vision que les joueurs n’ont pas. La communication est indispensable mais aussi bien se faire comprendre. Cela exige une certaine autorité. Il faut avoir ce « truc » de rassembler l’équipe. Crier quand il faut crier mais aussi apaiser les choses quand il faut calmer le jeu. On sait être ferme car on se doit de tenir la barraque. Cette notion de communication se joue sur plein de détails. Pleins de choses que le public ne voit pas sur le stade ou à travers la télé. De plus il faut aller vite, placer ses joueuses, anticiper ce que peux faire l’adversaire. Sur un coup franc placer le mur, bien parler à la joueuse « pivot » de ce même mur. En réalité, dans ces moments-là, c’est comme si on devait décrire une image à notre défenseur. Une bonne communication permet d’anticiper et de couper une action adverse, où forcer cette dernière à changer sa décision au dernier moment. Elle est obligée d’en prendre une moins bonne, où perdre le ballon. Notre poste c’est aussi cela, c’est tout ce travail invisible qui ne sera pas jugé par la critique à al fin du match. Parfois on peut faire un grand match sans faire de grands arrêts, rien qu’en ayant bien communiqué avec sa défense.

LA NOTION DE NE PAS PRENDRE DE BUTS EST SIMILAIRE A TOUS LES GARDIENS

Je ne connais pas forcément les autres gardiens dans les autres sports, mais les similitudes sont sur cette notion de communication. Les filles peuvent vite ne pas avoir confiance en toi, te reprocher une mauvaise relance etc… Sauf que, parfois, ce sont elles qui sont mal placées au moment de la passe. Bien sur on se rejoint aussi sur le fait de ne pas prendre de buts.

DANS LE FOOTBALL, ON EST LE POSTE QUI A LE PLUS ÉVOLUÉ

Le travail à l’entraînement diffère selon la période. Mais cela prend du temps pour bien assimiler tous les exercices techniques. On doit plonger au sol, gérer des situations d’un contre un, ce qui n’est pas quelque chose d’inné. Il y a plusieurs techniques et en fonction de chaque pays cela peut-être différent. On est le médiateur de la ligne de défense. Le gardien moderne doit savoir jouer au pied et être le onzième joueur. C’est fini le temps où l’on disait qu’il y avait un gardien et dix joueurs de champ. Avec l’évolution de notre poste, on ne peut plus dire que le gardien est quelqu’un qui ne sait rien faire de ses pieds. Il faut se dire que c’est sans doute le poste qui a connu la plus grosse évolution et qui risque encore d’en connaitre davantage. C’est aussi le plus exposé. Quand un milieu perd la balle, on ne va pas en parler. Quand le gardien fait une bourde, on a vite fait de lui mettre tout sur le dos, car on est le dernier rempart. On nous en demande beaucoup pour peu de reconnaissance.

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ETRE SOLIDE SUR LES SORTIES AÉRIENNES

Sur le plan du travail physique, on travaille vraiment partout. On bosse le haut du corps avec du développé couché. On fait du renfo tous les jours, c’est un travail que je m’impose en plus des entraînements classiques. Quand on est gardien il faut savoir rentrer dedans et être solide dans les airs. Il faut être gainé sur tout le corps. On ne peut pas se permettre de négliger ces aspects. On fait aussi beaucoup de travail de tractions, sur le swiss ball aussi. Maintien du corps avec des pompes et abdos. En l’air quand on est chargé, il faut résister.

EN ANGLETERRE, LE GARDIEN EST DAVANTAGE VALORISE

En France l’arbitrage protège beaucoup les gardiens, peut-être même trop d’ailleurs. Attention, je ne dis pas que l’arbitrage est mauvais, mais parfois c’est un peu exagéré. En Angleterre, c’est comme pour les garçons. Je me suis parfois pris des parpaings dans la tête. Des coups de coude mais rien n’était sifflé car j’avais le ballon dans les mains. J’ai vraiment vu la différence entre la France et l’Angleterre. Le gardien est mieux pris en compte là-bas. Je m’en suis rendu compte lors de ma première année à Arsenal où je prends le record de clean-sheats sur une saison. C’est une statistique qui n’est que trop rarement pris en compte en France. En Angleterre c’est montré à la télé. Nous ne sommes pas mis à l’écart par rapport à la France. Après c’est en train d’évoluer ici aussi. Mais je trouve que le Français aime bien critiquer. Tout le monde s’improvise coach ou spécialiste du poste de gardien de but. Sauf qu’ils ne connaissent pas notre quotidien ni notre état d’esprit lors d’un match. Pourquoi ces critiques ? Je ne sais pas franchement.

J’AI GAGNE EN MATURITÉ, CE QUI EST IMPORTANT POUR MON POSTE

Il y a quelques années, j’aurai dit que je pouvais ressentir du stress quand on menait 1-0 mais qu’on était dominé. Aujourd’hui, plus du tout. Je suis assez sanguine, mais je l’étais davantage quand j’étais jeune. Maintenant, dans ce genre de situations, j’essaie de calmer le jeu, organiser ma défense, pour ne pas être dans une situation ou l’équipe ne serait pas à l’aise. Il ne faut pas se retrouver dans une situation délicate. Je ne suis plus en stress. On peut dire que j’ai gagné en maturité ces dernières années, surtout quand je suis parti de France. Cela m’a apporté un peu plus de sérénité dans mon jeu, même si je reste une fille tonique et hyperactive. J’ai connu une saison compliquée l’an passé mais qui m’a apporté beaucoup sur le plan mental. Il a fallu rester calme sans s’énerver. Cela contraste avec mon tempérament. Les récents événements m’ont beaucoup apaisée comme une forme de déclic. Il faut savoir gérer son stress, respirer un bon coup. Il faut tourner la page de tout cela, c’est important de toute manière à notre poste. Faire abstraction car une nouvelle action peut vite arriver en match.

CELA FAIT TOUJOURS QUELQUE CHOSE D’ENTENDRE “WOOOH” QUAND ON FAIT UN ARRÊT

Quand on est en état de grâce, on ressent vraiment de la plénitude. Tu ne te sens pas forcément au-dessus des autres, mais d’une manière on sent qu’il ne nous arrivera rien. On peut avoir quatre situations de face-à-face et on se dit que jamais la fille en face ne marquera. Cela peut être déclenché après un arrêt, on ne sait pas forcément lequel d’ailleurs, mais un bel arrêt forcément. On peut se dire : « Là c’est bon, j’ai le vent en poupe, il ne peut rien m’arriver ». D’ailleurs dans ces moments-là, on a tendance à faire davantage le spectacle. Il ne faut pas oublier que le football est un spectacle, le public doit aimer ce qu’on fait. Cela fait toujours quelque chose d’entendre « woooh » quand on fait un arrêt, cela donne envie d’y aller encore plus fort sur la prochaine action. J’adore faire des sauts, j’adore voler, cela fait un peu exceptionnel pour les gens. Nous on sait au fond de nous qu’on aurait pu faire quelque chose de plus simple. Il y a aussi des jours ou on se dit qu’on peut sauter plus haut, plus loin. Tu te relève et tu vois le ballon en corner tu te dis « putain je ne pensais pas l’avoir celui-là ». En réalité, c’est qu’en temps normal tu n’y crois pas. J’ai pu apprendre cela ces dernières années, ce n’est pas une question de bon/mauvais jour. Il faut croire en soi tout le temps.

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IL NE FAUT SURTOUT PAS SE DIRE QU’ENCAISSER UN BUT EST NORMAL SUR UN PENALTY, SINON TU AS PERDU

Au moment d’aborder une séance de tirs aux buts, je ne pense pas à la victoire où à la défaite, je suis dans ma bulle. C’est vraiment du un contre un. Bon les règles qui ont changées ne nous avantage pas forcément. Il faut plonger au bon moment, avoir le bon timing tout en gardant les pieds sur la ligne. Je ne suis pas dans le calcul de la pression. Je suis juste dans le résultat. Il ne faut surtout pas se dire qu’un arrêt est exceptionnel et que s’il y a but c’est normal. Sinon tu as perdu d’office et tu ne feras pas cet arrêt « exceptionnel ». Je veux juste qu’on gagne et tant qu’on gagne cela me va. Si on perd, on perd également en équipe. Quand on perd on se sent toujours fautif même si ce n’est pas le cas. Il faut juste savoir se remettre en question, c’est ce qui fait ma force. Sur notre poste on n’a pas le choix. Le football est un éternel recommencement. On ne peut pas se reposer sur les acquis de la veille, il faut toujours en vouloir plus et se poser la question de palier les échecs.

ON DOIT TOUJOURS SE JUSTIFIER QUAND ON FAIT UNE ERREUR

On va davantage se souvenir de la boulette que de multiples arrêts sur un matchs. On a un rôle un ingrat qu’il faut assumer. Quand je fais une erreur j’assume. Mais on peut m’en parler pendant dix ans d’une erreur faîte une seule fois. Derrière, je peux réaliser un grand match on retiendra que l’erreur. J’aime l’adversité, mais j’invite les gens à venir en discuter et parler football. Cela me rend dingue de voir des personnes qui n’ont jamais fait de foot et qui n’ont jamais été dans ma situation et qui critiquent non stop. Mais le poste de défenseur central est exposé. J’ai entendu des critiques récentes sur Varane, sans savoir ce qu’il s’est passé ni comment il était le jour du match. On doit toujours se justifier en cas d’erreurs, mais parfois ce sont de simples faits de jeu. Un attaquant qui loupe dix occasions mais qui marque le but de la victoire sera un héros. Un gardien qui fait dix arrêts mais qui fait la boulette sera un paria.

 

PAULINE

Avec ÉTIENNE GOURSAUD

 

 

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