Cyclisme – Marie Patouillet – Parler du handisport en dehors des Jeux

Double médaillée aux Jeux Paralympiques de Tokyo (poursuite et course en ligne), Marie Patouillet veut continuer à franchir les caps.
Marie Patouillet

Double médaillée aux Jeux Paralympiques de Tokyo (poursuite et course en ligne), Marie Patouillet veut continuer à franchir les caps.

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MARIE PATOUILLET – MA VENUE AU VELO A ÉTÉ CONDITIONNÉ PAR GREG BAUGÉ

D’un point de vue global, on a davantage accès aux courses féminines, y compris à la télévision. On peut facilement regarder et suivre les courses et c’est positif. Après, mon cas est encore particulier, car c’est du sport féminin dans le milieu paralympique. Cela met une contrainte supplémentaire (rires). Il y a encore des clichés à propos du cyclisme féminin. Beaucoup considèrent que c’est un sport d’hommes. Ce serait bien que cela change ! Après, je ne peux pas comparer par rapport à il y a 15 ans, car je n’étais pas dans le monde du cyclisme. Mais on prend encore des remarques, plus sur le plan médiatique, mais en interne, cela existe encore. Quand j’en parle avec d’autres filles, on évoque surtout les clichés qui perdurent plus que de l’évolution.

J’ai été accueillie par l’US Créteil, qui a créé une convention avec la Fédération Française Handisport, pour que je fasse de l’handisport au sein du club. L’US Créteil me faisait faire une séance de piste par semaine et il y avait Greg qui encadrait. La première fois que je suis montée sur un vélo de piste, je suis tombée. Il m’a relevé, remis en piste en me donnant quelques consignes. Sans parler de haut-niveau.

JE NE ME VOYAIS PAS AVEC QUELQU’UN D’AUTRE QUE GREG

Mais il a vu que je revenais à chaque fois et que j’avais envie de progresser. Les progrès sont arrivés. Je fais une première médaille aux mondes en 2019. On s’est dit qu’on allait essayer de faire quelque chose aux JO. Il y a eu deux titres de vice-championne du monde qui ont suivi. L’entente entre lui et moi est parfaite, on arrive à se dire les choses et on se dit les choses. Je ne me voyais pas aller à Paris avec quelqu’un d’autre. Je suis d’ailleurs contente de voir sa nouvelle nomination (NDLR : Grégory Baugé a été nommé directeur du sprint sur piste). C’est un gros challenge et je n’avais aucun doute sur ses capacités.

De base, j’avais une bonne condition physique et ma venue dans le vélo a été conditionnée à une rencontre, celle de Greg Baugé. Quand on est entraîné dès le début par une personne comme cela, cela vous permet de progresser vite. Il transmet toute son expérience sur le vélo, celle d’un sportif de haut-niveau, avec la rigueur pour arriver là. J’ai la faculté d’emmagasiner rapidement les informations. C’est Greg qui m’a façonné ! Tout ce qu’il me dit, j’arrive à l’intégrer à vitesse grand V. Quand il me fait une remarque technique, par exemple sur le départ, j’arrive à le régler dès le départ suivant. C’est fluide entre lui et moi car on a le même niveau d’exigence et les mêmes attentes. Il arrive à me cerner et voir quelles étapes il ne faut pas brûler. Où il faut temporiser. On a trouvé un bon duo.

MARIE PATOUILLET – JE GARDE UNE JOURNÉE PAR SEMAINE DE CONSULTATIONS MÉDICALES, C’EST MON ÉQUILIBRE

Cela se traduit par la bonne prise en considération de ma malformation qui est une réalité à ne pas négliger dans l’entraînement. Je suis également médecin et je continue d’exercer. C’est une fatigue supplémentaire à ne pas négliger. Il faut réussir à reconnaître les moments où je suis fatigué et pouvoir dire stop. Et aussi les moments où il faut pousser. Greg arrive parfaitement à le voir. Pour franchir des caps pour aller vers la performance. J’ai trois séances de musculation par semaine, à l’INSEP. J’alterne séance sur route, séance de PMA sur home-trainer, mais aussi des séances sur piste.

Depuis le retour des Jeux, je ne travaille plus qu’une fois par semaine. Pour maintenir mes compétences mais aussi parce que j’en ai besoin. C’est un équilibre mental. Avant les jeux, je travaillais environ à 50 % de mon temps, mais je n’arrivais plus à m’y retrouver. J’allais en consultation avec mes entraînements en tête et inversement. Je mélangeais tout, c’était vraiment compliqué. Au mois de mars j’ai pris la décision de totalement arrêter les consultations pour me consacrer au Jeux. Je me suis rendue compte que cela me manquait de travailler. Au retour, j’ai voulu tester mon système actuel et, pour le moment, cela me va. Après, on est à distance des grosses échéances et peut-être qu’à l’approche de Paris, je stopperais de nouveau. Mais pour le moment, c’est le bon équilibre.

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MARIE PATOUILLET – SI JE N’ARRÊTE PAS MON ACTIVITÉ PRO, JE NE PENSE PAS FAIRE LA MÉDAILLE AUX JEUX

Mon métier principal est celui d’être cycliste. Je vis grâce à l’armée des champions et ce n’est pas mon métier de médecin qui me rémunère. Je ne suis pas encore pro, mais grâce à l’armée et aux sponsors, je pourrais le faire à temps plein. Si je n’avais pas arrêté mon activité de médecin avant les Jeux, je n’aurais pas été prête et je n’aurais pas eu la médaille, c’est d’ailleurs pour cela que j’arrête car j’avais eu cette intuition que si je restais dans ce rythme, ce ne serait pas passé.

On en discutait depuis un bout de temps avec Greg, mais il sentait bien qu’il ne devait pas m’imposer un choix. Il fallait que je sois prête à la prendre. Mes concurrentes n’ont pas de métier à côté et il fallait être honnête avec soi-même. Je n’ai pas de superpouvoirs. Si je suis fatigué par autre chose que le vélo, cela va m’empêcher d’aller plus loin.

Les médailles ont changé des choses sur la visibilité, j’ai eu accès à des sponsors qui me permettent de vivre mieux du vélo. J’arrivais en outsider pour les Jeux et cela me donne aussi de la confiance pour Paris. Comme disait Greg, je ne peux plus me planquer maintenant et il faut assumer ma place et aller chercher plus loin.

IL FAUT AUSSI PARLER DU HANDISPORT EN DEHORS DES JEUX

On peut encore faire mieux pour la diffusion de l’handisport en France. Peut-être que le jour où il n’y aura qu’une flamme olympique et paralympique qui s’allumera et s’éteindra, cela ira mieux. Depuis deux ou trois ans de belles choses ont été faites, avec énormément de direct lors des Jeux Paralympiques. Ce qui va se passer à Paris, c’est du jamais-vu et il faudra pleinement en profiter. Maintenant, il faudrait que les médias parlent autant des résultats paralympiques que des résultats olympiques. Mais c’est surtout en dehors des Jeux, il faudrait que les résultats soient plus facilement accessibles au public. Vous prenez les championnats du monde handisport, il y aura très peu de diffusion. Ceux qui vont vouloir suivre vont devoir chercher un lien internet.

Il va y avoir les mondiaux de cyclisme sur piste handisport à Saint-Quentin en Yvelines. Ce qui est une grande première en France et j’espère que la médiatisation suivra pour faire rêver les gens.

MARIE PATOUILLET – MON OBJECTIF PRINCIPAL : PARIS 2024

Mon principal objectif sera les JO 2024 et tout ce qu’il y a avant sera des étapes. Évidemment que ces mondiaux seront un objectif intermédiaire et je vais m’y préparer. J’aimerais aussi participer aux championnats de France Elite. Si mon planning me permet de le faire, cela comptera autant qu’un championnat du monde. Je veux faire la meilleure performance à Paris. Je suis encore jeune dans le vélo et je vais emmagasiner de l’expérience. Et je vais avoir trois ans pour apprendre.

Au retour des Jeux, on a fait un gros point avec Greg. On s’est entouré de personnes. Ma prépa physique est faite à l’INSEP, j’ai un suivi personnel là-bas. Idem pour la prépa mentale. Cela ne fait que quelques mois qu’ils sont là et il y a déjà de belles performances sorties. Cela montre qu’on est dans le vrai ! Pour le moment, je me vois continuer jusqu’à Paris 2024. Et je suis dans la capacité de me projeter. Cela dépendra de ma forme physique et de beaucoup de choses.

MON HANDICAP AMÈNE UN DÉFICIT DE PUISSANCE DANS UNE JAMBE

Participer à des compétitions internationales avec les valides n’est pas un objectif, mais si j’en ai l’opportunité, je ne m’en priverai pas. Après, j’ai conscience qu’il y a une différence, même si au niveau national, mes chronos sont loin d’être ridicules. Il y a des étapes à franchir, mais je serais fière d’être parmi les rares athlètes paralympiques à concourir avec les valides. Mon handicap concède une différence de puissance non négligeable entre mes deux jambes. Il y a une séance de muscu qui est consacrée à développer la force dans ce pied mal formé. Il y a des mouvements que je ne peux pas faire. C’est une considération à avoir lors des séances de musculation. Dès que je commence à avoir des douleurs, il faut que je sois capable de le dire et que Greg soit capable de l’entendre. Pour lever le pied !

La musculation ne gomme pas la différence, car la jambe forte progresse aussi. À terme, on arrivera quand même à diminuer la différence. Mais les deux jambes progressent c’est le principal. Ma malformation est de naissance, dont j’ai pris l’habitude de faire avec. J’ai toujours fait beaucoup de sport et j’ai une musculature de qualité. Mon encadrement fait en sorte que des déficits ne se créent pas et s’ils en soupçonnent un, on travaille pour que ce soit comblé.

En 2017, quand je fais l’étape du Tour, c’était un challenge pour me restimuler sportivement. Il fallait que je fasse le deuil de la course à pied, je ne pouvais plus courir. Cela a été très compliqué. Il fallait aussi que je fasse le deuil de mon métier de médecin militaire, ce que je voulais faire à la base. J’avais été réformée. Et je voulais d’abord retrouver du plaisir sur le vélo. Petit à petit les portes se sont ouvertes et je suis tombée dedans.

MARIE PATOUILLET

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