Célia Perron : “Je ne voulais pas être en Bleue pour ne pas exister”

Célia Perron à fait une saison estivale parfaite
Célia Perron à fait une saison estivale parfaite

Vous l’aviez peut-être découverte ICI il y a un peu plus d’un mois. Célia Perron a encore fait du chemin depuis. L’Albigeoise a conquit le titre de championne de France Elite à Miramas. Surtout, elle a honoré ce week-end sa première sélection sénior, avec l’équipe de France, à l’occasion des championnats d’Europe de Torun. Avec une très belle 8e place à la clé ! Célia Perron revient sur cette grande expérience, l’ensemble de son hiver mais aussi ses échéances futures.

Crédit photos : Dorian Daurat

MOINS STRESSÉE QU’AUX CHAMPIONNATS DE FRANCE

J’étais moins stressée à Torun qu’ à Miramas. Mais j’avais davantage envie de bien faire ! Miramas, j’ai senti le stress deux jours avant et j’ai dû le gérer. A Torun, je me suis dis que je n’avais rien à perdre et que je devais aller chercher les places. Aux France, j’y allais pour faire championne de France. En revanche, la pression était sans doute plus forte à Torun. J’ai été beaucoup suivie et soutenue ces dernières semaines. J’avais le maillot et j’avais envie que les gens soient heureux de mes résultats et que j’en ai de bons souvenirs. C’était aussi le discours de l’équipe de France, qu’il fallait faire vibrer les gens à travers les performances. Je voulais montrer de quoi j’étais capable et honorer ma sélection hivernale. Elle était très belle et je ne voulais pas l’attacher avec une contre performance aux Europe.

Il y a beaucoup de changements par rapport aux championnats de France, l’environnement. Aux France, on retrouve des visages familiers, on retrouve des commentaires en Français, il y a le coach. J’avais ma bulle à Miramas, même si tout le monde n’était pas là. J’avais ma partenaire d’entraînement et ma coach, je connaissais la salle. Aux Europe, j’avais les meilleures européennes et mondiales autour de moi et c’est impressionnant ! Cela me fait plaisir car on se dit qu’on en fait partie. La salle est très impressionnante et j’ai été impressionnée par le nombre de caméras et de photographes. Cela change les repères.

CÉLIA PERRON : “DES REGRETS AU 60 M HAIES ET A LA HAUTEUR”

J’ai quelques regrets sur les deux premières épreuves (60 m haies et hauteur). Le 60 m haies, je me concentre de la mauvaise manière et je n’ai pas mis les intentions au bon endroit. D’habitude je me dis “il faut courir vite”. Là je me suis rien dit (rires). J’ai mal réceptionné ma première haie, j’ai posé passivement le pied et j’ai dû forcer pour repartir. Cela se voit sur les photos où je suis très crispée. Je n’ai pas réussi à optimiser cette concentration sur l’instant présent. Je ne m’étais pas préparée à être autant impressionnée quand je suis arrivée sur le stade.

Mes séances avaient été faites sur un autre stade. Le jour de la compétition, c’était la première fois que j’entrais dans la salle. Si cela se reproduit, j’irai repérer les lieux avant. Mais sur le coup, je n’ai pas l’impression d’en avoir besoin, d’ailleurs aux France je n’en ai pas besoin.

Le saut en hauteur est une épreuve sur laquelle, j’ai parfois du mal à mettre les bonnes intentions, quand je cours vite. Je vais trop vite et je suis sur l’avant. Sur les haies, même si je ne fais pas mon meilleur chrono, il faut savoir que je courais très vite. J’ai même dit à Romain Barras que j’étais très en forme. Sur ces deux épreuves j’ai vraiment le regret de ne pas avoir su utiliser ma forme, car j’avais des choses à faire sur ces deux épreuves qui sont pourtant mon point fort. Cela m’a cependant permis de me révéler et me remettre dans mon pentathlon, sur la deuxième moitié de la journée.

JE NE VOULAIS PAS ÊTRE PRISE EN BLEU ET NE PAS EXISTER

Je vais chercher mon record à la longueur, je vais quasiment chercher mon record au poids. Le chrono n’est pas le même qu’à Miramas sur 800 m, mais ce n’était pas le plus important pour moi. L’objectif était de mettre trois secondes à la Polonaise pour aller chercher la 8e place, synonyme de finaliste. Je savais que cela allait bousculer car on était toutes entre 2”10 et 2″12. Il a fallu forcer pour bien se placer et je me suis pris un tampon, où je me fais éjecter au troisième couloir. Je suis le train de course jusqu’au 400 m, tout va bien. Mais le problème, c’est que je continue de suivre ce train dans le 3e tour, sans regarder le chrono. J’étais tellement focus sur les filles, que je ne regarde pas mon propre temps de passage.

Je passe un peu trop lentement et je perds un peu de temps. Mais je suis satisfaite de refaire 4300 points et de terminer à la 8e place. Il ne faut pas oublier que, dans un championnat, seule la place compte. Il n’y a rien à regretter même s’il y a des points à améliorer, mais c’était déjà le cas à Miramas. Je suis contente de cette place, qui compte pour l’équipe de France. Car je ne voulais pas être prise en Bleu et ne pas exister. Bien sûr, ce n’est pas une médaille, mais j’ai marqué des points pour l’équipe de France et c’est quelque chose qui n’est pas assez mis en avant. Je voulais mettre ma petite pierre à l’édifice.

CÉLIA PERRON : “BEAUCOUP OBSERVÉ LES AUTRES FILLES”

Est-ce que cette sélection va me faire franchir un cap ? Je ne peux rien affirmer, mais je ressens au fond de moi que oui. J’avais l’impression de devenir plus forte à chaque épreuve et d’apprendre. Sans avoir besoin de quelque jours pour m’en remettre. Dès le repas de midi, j’ai appris de ce que j’avais fait le matin ! J’ai beaucoup observé les autres filles, car j’étais seule française, ce qui ne m’était jamais arrivée auparavant. Toutes les sélections auparavant étaient faites avec deux ou trois autres françaises. Les filles présentes étaient calmes, posées. Elles canalisent leur énergie. C’est très inspirant de voir une fille comme Nafissatou Thiam. Je me suis dis : “Il n’y a pas de limites, on peut progresser et aller chercher un top 5 dans le futur”. Dès le lendemain, j’avais envie d’aller m’entraîner.

Maintenant place au repos, car le corps en a besoin. Il y a eu beaucoup d’adrénaline durant la compet. Je peux passer un cap même au-delà de la compétition. Le cap a été passé cet hiver. Maintenant, est-ce que cela peut me faire passer un cap sur l’heptathlon ? Je crois ! Mais je ne veux pas tout prendre comme acquis ! Tout le monde me dit : “Tu as passé un cap sur 60 m haies, tu vas être monstrueuse sur le 100 m haies”. Je l’entends mais je sais qu’il faut travailler et que ce ne sont pas les mêmes épreuves. Le 100 m haies, il y en a 40 m de plus. Même si la fin de course est mon point fort en théorie. Je m’en sens capable et je vais travailler pour ! Il faut aussi ajouter le 200 m et le javelot.

Célia Perron espère projeter ses progrès hivernaux sur heptathlon.

UNE MEDIATISATION QUI S’EST ACCRUE AU FIL DE L’HIVER

Ce ne sont pas des épreuves historiquement fortes pour moi. Mais je pense que le travail fait cet hiver va se ressentir sur le 200 m. J’adore le javelot et je suis persuadée de pouvoir faire de bonnes choses. Mais, il faut trouver le truc et j’ai vraiment envie de le trouver pour cet été.

Sur le plan médiatique, il y a eu un vrai gap ! Cela s’est fait progressivement, depuis les X Athletics. J’y ai senti une grosse exposition, les regards se sont tournés vers moi. J’ai eu mon premier article sur le site de la FFA. Mais je me disais que si je ne confirme pas, on m’oubliera assez vite. Aux France, il y a eu une deuxième vague. Tout le monde a pu regarder le direct mis en place par la Fédération ! Mon 800 m’ avait beaucoup marqué. J’ai ressenti beaucoup de choses en franchissant la ligne, c’était la 1ere fois que je gagnais un 800 m aux Élites.

CÉLIA PERRON : “J’AI COUPÉ 10 JOURS AVEC UN CHAMPIONNAT D’EUROPE AU MILIEU”

Je recevais des messages de proches qui me disaient : “J’ai crié, j’ai pleuré, je suis monté sur le canapé”. J’étais émue, il y avait des gens avec qui je me suis entraînée plus jeune qui m’ont envoyé des messages. Cela a fait renaître quelque chose autour de moi et cela a rendu la victoire encore plus belle. J’aime le partage et j’ai senti que je partageais la victoire autour de moi. Les Europe sont très médiatisés au niveau de la FFA. Mais ce ne sont pas les Europe qui ont été le déclencheurs de la médiatisation. Cela s’est fait au fil de l’hiver. Les gens se sont rajoutés à “l’équipe”. Il va y avoir un peu de calme car je vais me remettre dans ma préparation, ce travail de l’ombre que les gens ne voient pas forcément. C’est une partie que j’aime et que j’ai hâte de reprendre.

Couper pour éviter les blessures

Car je coupe quelques jours. Il faut savoir qu’après les France, je n’étais pas sélectionnée aux Europe. Du coup j’avais un peu coupé, cinq jours avant de savoir que j’étais qualifiée. Cela me stressait beaucoup car j’avais peur de ne pas être performante aux Europe à cause de ça. Mon coach m’a beaucoup rassuré et on est reparti à l’entraînement. J’ai senti que ça tirait un peu mais que la forme était toujours là. Confirmé le jour des Europes. Je coupe de nouveau 5 jours, avant de partir avec le collectif des sportives, qui organise une rencontre entre différentes sportives, avec plein d’ateliers.

Je vais reprendre en nature, en profitant aussi des installations du CREPS de Font-Romeu. Lundi prochain je reviens à Toulouse avec mon groupe que j’ai hâte de retrouver. On va dire que j’ai coupé 10 jours, avec un championnat d’Europe au milieu (rires). Je coupe pour éviter les risques de blessures, mais je sens que je vais pouvoir surfer et conserver le travail fait. Ce qui est rassurant pour attaquer la saison estivale.

CÉLIA PERRON : “LES J.O. SONT UN PROJET DE TOUTE UNE VIE”

Les objectifs sont définis, mais j’aime bien me laisser porter et surprendre, sans tirer de plans sur la comète. On a vu avec mon coach que je pouvais avoir des portes ouvertes sur les meetings, mais c’est sans doute un peu tôt. Je vais faire un heptathlon avec le groupe, sûrement en mai, pour me qualifier aux Élites. Je veux préparer un gros championnat de France, ce sera mon objectif. Et aller chercher et dépasser la barre des 6000 points. Je m’en sens capable, mais tout n’est pas toujours parfait en épreuves combinées. J’ai eu un hiver parfait, est-ce que j’aurai un été parfait ? Il n’y a pas de raisons, mais je préfère me donner des objectifs par épreuve et par date. Si c’est magnifique, ça le sera, sinon ça le sera plus tard.

Difficile de se projeter pour 2021

Il faut retranscrire l’hiver sur l’été. On m’a posé la question des J.O, mais il faut savoir que les minima sont vraiment élevés (NDLR 6420 points). J’ai un record de 5500 points. Donc c’est compliqué de se projeter. Déjà faire 6000 points, c’est mettre 400 points à mon record. Il faudra voir si sur les années suivantes je peux encore en ajouter 400. Au ranking, j’ai fait un bond. Aux Élites, est-ce que le ranking suffira pour aller aux J.O ? On verra. Les J.O. c’est le projet de toute une vie. Je ne m’attendais pas à être à ce niveau-là cet hiver. Je suis dans un cursus scolaire, où je n’ai pas forcément prévu d’être à ce niveau !

Pour le moment rien ne va changer dans mon accompagnement, mes études sont toujours lourdes et il y a l’alternance en entreprise. C’est difficile de se projeter pour 2021. Après, on verra ce que nous réserve l’avenir. C’est que de faire des performances comme cela, cela fait rêver et cela donne de l’espoir. Ce n’est pas dans mon tempérament de me voir plus forte que ce que je suis actuellement !

CÉLIA PERRON

Avec Etienne GOURSAUD

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