CEDRIC SORHAINDO : RENDRE CE QU’ON M’A DONNÉ

Cédric Sorhaindo, solide pivot du Barcelona Handball et de l’Equipe de France a tout gagné dans son sport. Au delà des titres, l’important pour lui se situe dans les relations nouées au fil des saisons qui ont forgé le handballeur mais également l’homme. Découvrez son récit hommage à toutes les personnes qui ont pu l’aider et sa vision pour l’avenir.
Cedric Sorhaindo
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Cédric Sorhaindo, solide pivot du Barcelona Handball et de l’Equipe de France a tout gagné dans son sport. Au-delà des titres, l’important pour lui se situe dans les relations nouées au fil des saisons qui ont forgé le handballeur mais également l’homme. Découvrez son récit hommage à toutes les personnes qui ont pu l’aider et sa vision pour l’avenir.

J’ai toujours aimé le sport, une activité très présente aux Antilles notamment pour apprendre certaines valeurs. Au début pour moi, c’était plutôt le football et le basket.

J’aimerais d’ailleurs que ma fille ait cette passion aussi pour le sport, car des disciplines comme le judo inculquent le respect, le handball permet de mieux gérer tes émotions, etc.

C’est en Martinique, à La Gauloise de Trinité qu’on m’a appris l’amour du sport et notamment du handball. Ça a été rapidement une passion pour moi, j’ai commencé à apprendre l’histoire de ce sport, les grandes figures de l’équipe de France, notamment les barjots.

Mais le hand aurait pu ne pas m’aimer, car à 3 ans j’ai dû subir une double opération des genoux. Mes nombreuses blessures au début de ma carrière auraient d’ailleurs pu me faire renoncer, mais les gens m’ont toujours aidé à prendre le bon chemin. Je me souviens d’une fois dans une salle de fitness où le moral était au plus bas et ce sont les jeunes de la cité qui m’ont poussé et convaincu, car j’étais leur fierté.

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Je n’étais pas prédestiné à faire du hand à cause de mes handicaps, mais ils ont créé en moi une force d’esprit qui m’a toujours poussé à en vouloir plus. Gagner un Trophée, c’est bien, mais j’en veux toujours plus. Je veux profiter de la chance qui m’a été donnée. Le sport ne m’a pas rendu sportif, il m’a fait devenir un homme.

MES PÈRES

Ma personnalité est née grâce au sport, car j’ai eu la chance d’avoir des pères : mes entraîneurs comme Thierry Anti, Javier Pascual, Claude Onesta, Hippolyte Rapon, Patrice lecrocq, Éric « Rico » Chedotal et pleins d’autres.

J’ai d’ailleurs quelques anecdotes, notamment lors de mon seul trophée avec le Paris Handball en 2007. Nous jouons en demi-finale de la Coupe de France contre Montpellier qui dominait la France du hand à cette époque, et Thierry Anti me dit lors d’un coup franc de prendre la balle, de me retourner et de shooter. Je suis assez sceptique sur le résultat, mais lui insiste, « tu te retournes et tu shootes ». En face de moi il y avait Daouda Karaboué et finalement j’arrive à mettre le ballon en lucarne alors que j’étais complètement excentré sur ma droite. Je me demande encore comment j’ai pu faire, mais ça peut vraiment illustrer la confiance que peut te donner un entraîneur qui croit en toi.

Lorsque je suis arrivé à Barcelone, le coach Javier Pascual m’a rapidement donné des responsabilités et m’a considéré comme son fils adoptif. Nous avions une relation très spéciale, j’étais vraiment dans un cocon.

D’autres figures paternelles comme Jackson Richardson ont pu aussi avoir une influence à un moment. Lors d’une Coupe de la Ligue à Miami, il avait pu me dire : « Le respect et l’amitié que tu vas tisser tout au long de ta carrière feront de toi ce que tu seras ». Ce sont des paroles que j’ai encore en tête.

J’ai assez peu connu mon père et je l’ai récemment perdu il y a 3 ans. Je crois en Dieu, et je me sens aujourd’hui plus proche de lui depuis sa mort. J’estime avoir compris un minimum de ce qu’il souhaitait m’apprendre et les sacrifices qu’il a pu faire moi. Maintenant c’est aussi à moi d’agir en tant que père et de transmettre à ma fille, c’est vraiment un élément déterminant dans ma personnalité.

MES FRÈRES

Mon équipe c’est ma famille, je donne toujours tout pour eux, même si ma condition physique n’est pas bonne. Quand je rentre sur le terrain je suis un peu agoraphobe et claustrophobe, je me focalise sur mes coéquipiers, je suis lié à la vie à la mort pendant ces 60 min de combat.

Dans un premier temps, j’aimerais vous parler de mon grand frère, Didier Dinart. Même quand je n’étais personne, il a toujours été dans ma vie. Lorsque j’étais à Angers, je me souviens d’un match contre Montpellier et Didier vient me voir : « Tu fais quoi ici ? Tu dois croire en tes rêves ! ». Je n’étais pas certain de mon futur et j’avais une proposition du Paris Handball. Il m’a vraiment demandé de penser avec mon cœur, de ne jamais regretter ce que je ne ferais pas. Je suis devenu un joueur de Paris et moins d’un an après j’étais en Equipe de France.

C’est vraiment un modèle pour moi, au-delà d’avoir été le meilleur défenseur du monde, il m’a fait grandir, donné des conseils, il a toujours été présent pour me donner des réponses à des problèmes liés au hand ou à ma vie personnelle. Je me suis beaucoup identifié à lui, il vient d’une île comme moi, il a vécu des choses difficiles et a su transformer ça en merveilleux. J’ai eu la chance de grandir à l’ombre d’un monument de sport français qui continue d’écrire sa légende comme entraîneur.

En tant que partenaire, c’est avec Nikola Karabatic que j’ai la relation la plus forte. Lui et moi on s’équilibre parfaitement, il est le professionnel ultime et moi la folie. Nous sommes frères même si on n’a pas le même sang. Je me souviens en 2009, suite à l’absence de Bertrand Gille (qui était le pivot titulaire en Equipe de France), je m’étais fait beaucoup critiqué par la presse qui indiquait que l’Equipe de France n’avait pas de pivot. Bien évidemment, je l’avais très mal vécu, mais Niko et Didier m’avaient protégé. Je n’oublierai jamais ce que m’avait dit Niko : « Frangin, n’oublie pas, je serais avec toi. Tes responsabilités seront les miennes et les miennes seront les tiennes ». Et Didier de me rassurer également : « N’aies pas peur mon petit, tout se passera bien, reste comme tu es ».

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Nico c’est le meilleur joueur du monde, Didier le plus grand défenseur du monde et ils ont cru en moi. Ce que j’ai gagné, ce n’est pas des titres, mais le respect des gens avec qui je me suis sacrifié. Et aujourd’hui c’est ça que j’aimerais aussi transmettre aux jeunes.

L’IMPORTANCE DE TRANSMETTRE

Aujourd’hui c’est à mon tour de jouer le rôle de grand frère et de transmettre mon expérience et certaines valeurs aux plus jeunes. Ce n’est pas par envie de laisser une trace, mais surtout pour les aider, car j’ai vécu beaucoup de problèmes qu’ils risquent de traverser. Je suis redevable envers le handball et je souhaite que mon sport évolue positivement.

J’ai envie de leur faire comprendre que ma réussite est due aux rencontres avec les bonnes personnes, mais tout le monde ne peut avoir la chance que j’ai eue. Je veux faire comprendre aux jeunes qu’ils doivent croire en leurs rêves, que tu sois blessé ou que tu aies des problèmes. Il y a plein de belles perspectives, devenir entraîneur, joueur, aider ses coéquipiers, mais ils doivent assumer ce qu’ils veulent faire et ce qu’ils aiment.

Mon rôle de capitaine à Barcelone me permet de continuer à transmettre, mais j’ai commencé bien plus tôt à Toulouse et Paris notamment avec de jeunes joueurs comme Valentin Porte ou Kevynn Nyokas.

Arriver au plus haut-niveau ce n’est pas le plus compliqué, s’y maintenir c’est là où commence le vrai défi. Je vais répéter ce qu’on m’a souvent dit : « Si tu ne tentes pas, tu vas avoir des regrets ». Il faut toujours apprendre de ses échecs afin de passer un cap. Dans la vie, je n’ai jamais perdu, j’ai appris.

Je me souviens de mon départ de Toulouse pour rejoindre Barcelone. J’ai pleuré de Toulouse à Perpignan, je me suis arrêté et je me suis dit : « Qui a pris la décision de partir ? Tu y vas et si tu te plantes ce n’est pas grave ». Tous les sportifs ont pleuré à un moment donné où ils ont fait un choix difficile. En arrivant à Barcelone ce sont deux personnes qui m’ont apaisé : Juanin Garcia le meilleur buteur de l’histoire du club et Dani Sarmiento mon collègue de chambrée. Ils m’ont notamment fait prendre conscience de ce quelque chose que j’avais en plus.

J’ai commencé à passer mon diplôme d’entraîneur auprès de la fédération afin de continuer à partager après ma carrière. J’ai l’envie de continuer dans ce domaine, mais ma vie n’est pas uniquement associée au sport, j’ai un côté social et je souhaite aider les jeunes un peu partout. En clair, être dans l’apprentissage par rapport au sport soit dans le monde du hand soit dans le social. Je ne veux pas tout changer, mais simplement apporter ma touche personnelle et mon expérience dans un club ou une collectivité locale par exemple.

Pour finir, j’aimerais une dernière fois remercier toutes les personnes qui m’ont aidé, mais aussi celles qui m’ont dit non, grâce à elles j’ai pu avancer. J’ai toujours eu ce cadre où on a pu me mettre à l’épreuve, mais j’avais les réponses et les outils nécessaires pour faire un choix.

Tout ce que j’ai eu, ce que je suis aujourd’hui au Barça, existe grâce à mon amour pour le hand, à La Gauloise, à Angers, à Paris, à l’Equipe de France.

Je suis aussi heureux de conserver mon regard d’enfant, je fais toujours les entraînements comme si c’était ma première fois. C’est ma huitième année à Barcelone, et pourtant je me lève comme au premier jour. Le jour où il n’y aura plus cette magie, il sera temps d’arrêter ma carrière.

CÉDRIC

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