Champion d’Europe U18 avec l’équipe de France, MVP de l’EuroLigue juniors avec le Centre Fédéral Basket. Ivan Février est parmi les meilleurs basketteurs de sa génération. Pourtant, il n’aurait pas misé sur lui tout de suite. À 21 ans, il est aujourd’hui au club de Nanterre 92, où il participe notamment au TOP 16 de l’EuroCup.
Crédit couverture : Grand Canaria.
ICI le site internet de Nanterre 92, club de Ivan Février
LE BASKET… J’ÉTAIS VRAIMENT TRÈS NUL
Le basket, à l’origine, ce n’était pas du tout un coup de cœur. Jeune, j’en faisais un peu, mais je faisais aussi de la natation, du football… je suis tombé amoureux du vélo. Donc je touchais à plusieurs sports. A un moment, j’ai totalement arrêté le basket. Puis, vers 11 ans, mon meilleur ami est véritablement tombé amoureux de ce sport. Et moi, dans cette période-là, j’avais vraiment pris beaucoup en cm. Alors mon ami me dit : « Mais Ivan, refais du basket, je suis persuadé que tu peux être bon ». Donc j’ai réessayé, et j’étais vraiment très très nul au début.
En parallèle, je venais d’intégrer les jeunes sapeurs-pompiers (JSP). A cette époque, je voulais être pompier ou aller dans l’armée. Puis un jour, mon père m’a parlé de Kobe Bryant, et en regardant ses vidéos, c’est là que je suis vraiment devenu dingue de ce sport. Kobe, c’est devenu mon idole, c’est certainement celui qui m’a inspiré le plus. Je devenais meilleur en m’entraînant régulièrement. Grâce à ma grande taille j’étais suivi par les sélections benjamines du Nord Pas de Calais. Quelques mois plus tard j’ai été appelé pour en faire partie.
Mes parents étant beaucoup pris par le boulot, ça leur demandait des sacrifices de faire tous les trajets pour m’emmener aux JSP, au basket… je continuais aussi le vélo. Donc mon père un jour, m’a dit : « il faut que tu fasses un choix », et je lui ai dit que j’allais me lancer à fond dans le basket.
Ivan Février : “MON PÈRE M’A DIT : LE MOT D’OR C’EST « TRAVAIL »“
Au début, on m’a parlé du creps, à Wattignies (établissement spécialisé dans la préparation au sport de haut niveau) et pour moi, c’était déjà énorme. Donc j’ai tenté de m’y inscrire, mais je n’ai pas été pris… comme j’étais un élève perturbateur à l’école, avec mon bulletin, j’ai été refusé. Alors j’ai fait une première année au sport-étude de Liévin. J’ai intégré le club de la ville, le BC Liévinois, en minime. J’ai remonté mon bulletin, tout s’est bien passé, et lors de ma deuxième année minime, j’ai intégré le fameux creps à Wattignies. Et là, vraiment, la passion. Je suis tombé à fond dans le basket.
À cette époque-là, même si Tony Parker c’est le roi au niveau du basket français, je m’intéressais beaucoup à Evan Fournier. Parce que très jeune, mon père, qui était quelqu’un de très franc, m’a dit : « Je te vois jouer au basket. Je pense que tu peux devenir professionnel, je pense que tu es talentueux. Mais il y a certainement beaucoup plus talentueux que toi. Si tu veux réaliser ton rêve, il faut vraiment que le mot qui soit ancré dans ta tête, c’est « travail ». » Et un jeune qui était réputé pour travailler d’arrache-pied et être fort au basket, c’était Evan. Alors j’ai continué à m’entraîner, et on me disait souvent : « Ivan, tu sais, tu pourrais rentrer à l’INSEP ». Cette idée est arrivée dans ma tête, mais franchement rien n’était calculé.
À L’INSEP, LA SÉLECTION NATURELLE SE FAIT
J’ai eu la chance d’intégrer l’INSEP. J’ai fait 3 ans dans cette structure, véritablement incroyable… moi, je sortais d’un petit patelin du Nord, et là, j’arrive dans une structure où quand je sors de ma chambre, j’ai la cantine à gauche, l’école à droite, et encore à droite, j’ai la salle de basket, la salle de sport… Donc c’était vraiment incroyable et encore aujourd’hui, je retourne souvent m’entrainer avec Jean-Aimé Toupane (entraineur du Centre Fédéral Basket, INSEP) parce que la structure est top.
En tant qu’étudiant, la première année, c’est la plus dure parce que tu prends vraiment une gifle. Le creps, c’est encore tendre, mais l’INSEP ils veulent que tu te prennes en main dès le début. À la base, j’étais un garçon qui aimait bien faire le con, mais là, on n’avait pas le temps [rires]. Tu sors des cours, tu es crevé, tu dois te lever à 6h30 le lendemain matin. Tu commences les cours à partir de 7h15… après tu as entrainement. Ensuite tu manges à midi, de nouveau 2h de cours, puis de nouveau entrainement. Donc c’est un rythme très soutenu.
C’est là que la sélection naturelle se fait : il y a ceux qui vont continuer à faire les cons, à ne pas être respectueux au niveau des horaires ; et eux, ils vont commencer à se blesser. Parce que c’est un rythme tellement chargé que si tu n’es pas « carré » avec ton corps, il va te le rendre mal.
L’ÉQUIPE DE FRANCE ME MANQUE
J’ai fait les équipes de France jeunes, des -16 ans aux -20 ans. Et à l’heure d’aujourd’hui ça me manque. Quand tu fais partie des meilleurs de ta génération, tu es habitué à retrouver cette ambiance « Equipe de France » : entendre la marseillaise, te retrouver en face des meilleurs joueurs des autres pays, comme les espagnols, les serbes… Aujourd’hui j’ai vraiment envie de performer pour retourner en équipe de France, avec les A. Parce que cette sensation, elle est magique en tant que sportif : représenter ton pays, voir les gens qui te sont les plus chers te regarder porter le maillot de l’équipe de France, il n’y a rien de mieux. Et quand en plus de ça, tu gagnes des trophées, comme le titre de champion d’Europe, avec les U18, c’est encore plus magique.
Ivan Février : “MAGNIFIQUE DE VOIR NOTRE TRAVAIL RECOMPENSÉ“
L’EuroLigue juniors 2016-2017, c’était particulier, parce qu’il y avait un premier tournoi de qualification avant de participer à la phase finale. Et on fait un bon tournoi, on finit premier de poule… mais en finale, on se fait éliminer. Donc on était vraiment dégouté parce qu’il y avait vraiment une équipe qui s’était créé : il y avait Théo Maledon, Joël Ayayi, Sofiane Briki. Ce groupe avait « un truc ». Donc, on reprend les entrainements après la compétition. Un jour, le coach Aimé Toupane vient nous voir et nous dit qu’on a été repêché pour le tournoi finale de l’EuroLigue, qui va se jouer à Istanbul.
C’était incroyable, à chaque match, on sentait qu’on grandissait, j’ai rarement pris autant de plaisir à jouer avec mes coéquipiers. On n’était pas favori, on ne pensait pas aller au bout ; on avait quand même confiance en nous, mais il y avait vraiment des grosses équipes en face. Puis, on enchaîne les matchs, on met une claque au Barça, et on se retrouve en finale contre Mega Bemax, avec leur très bon intérieur, Goga Bitadze, qui joue aujourd’hui en NBA. Gagner la finale, c’était magique, parce que durant cette année, on en a chié. Aimé Toupane, c’est un coach fabuleux mais très dur, donc voir notre travail récompensé, avoir cette médaille et cette coupe, c’était magnifique.
C’était d’autant plus chaud en émotion qu’au cours de ma deuxième année à l’INSEP, je commençais vraiment à être bon, et lors de ma 3ème année, Aimé m’en demandait vraiment beaucoup : il voulait que je sois un leader pour l’équipe, il me demandait donc encore plus d’efforts et ça n’a pas tout le temps été facile. Avoir le trophée de MVP du tournoi, à la fin, c’était une belle récompense pour moi ; mais je ne l’aurai jamais eu sans Aimé et mes coéquipiers.
J’AI REMIS TOUTE MA VIE EN QUESTION
Après le titre en équipe de France U18, je quitte l’INSEP et je signe mon premier contrat pro à Levallois. Je m’entraîne comme un fou durant l’été, mais vraiment trop. Et le jour où je rentre pour faire les tests médicaux de pré-saison à Levallois, les médecins me diagnostiquent une arythmie cardiaque. Forcément, tu remets toute ta vie en question. Les docteurs, ils sont très direct, le premier me dit « pendant le temps que tu as là, commences à te poser des questions sur ce que tu veux faire d’autres dans ta vie. C’est grave ce que tu as. »
Donc tu sors de là, tu viens enfin de signer en professionnel, tu as pleins de rêves en tête, et on t’annonce ça. C’était dur. Mais en fait, ce problème était dû à un effet de fatigue, j’avais juste fait mes examens le mauvais jour, au mauvais moment. Alors je me suis bien reposé, et je suis reparti m’entrainer avec l’équipe, quelque temps après. À Levallois, j’ai croisé des joueurs qui m’ont vraiment impressionné, comme Boris Diaw. Et même si c’était sa dernière année en pro, il avait vraiment une facilité dans tout ce qu’il faisait : lecture du jeu, intelligence de jeu, tout était facile pour lui. Il y avait aussi Julian Wright, qui était très fort.
UNE ANNÉE « COVID-19 »
L’année dernière, en période de Covid, ça a été compliqué pour moi, avec ma mère qui a eu des problèmes de santé. Je n’ai pas passé le confinement à la maison pour ne pas prendre le risque de la contaminer. Je suis parti chez l’un de mes meilleurs amis, qui avait un terrain de basket derrière chez lui, donc ça se passait plutôt bien. On respectait les gestes barrières et on allait jouer au basket.
J’ai vraiment découvert les applications comme WhatsApp, Facetime… je discutais beaucoup avec mon préparateur physique et j’essayais de m’entraîner un maximum. Ensuite, mon ami a dû partir, pour voir de la famille ; donc je suis allé chez un autre ami, qui avait aussi un terrain de basket à côté de chez lui. En fait, j’ai fait tout le confinement en jouant au basket avec mes meilleurs potes [rires].
Je n’ai pas beaucoup de temps libre, car je suis à fond basket. Quand je ne suis pas sur les terrains, je suis à la salle, je regarde des matchs… Quand j’ai un peu plus de temps, comme pendant le confinement, je m’intéresse à d’autres choses comme la photographie ou le cinéma. À la fin de la saison 2019-2020, je signe à Nanterre 92. Je suis allé dans ce club notamment pour rejoindre un grand coach, Pascal Donnadieu. Il a réussi quelque chose d’incroyable avec Nanterre, de très respectable. Et quand tu regardes les trophées gagnés par le club, en haut du stade, tu te dis que ça serait bien, moi aussi, d’en remporter un jour. Ça te motive en tant que compétiteur.
Ivan Février : “JE PEUX APPORTER PLUS“
Cette saison, au vu des résultats, c’est un peu compliqué. On essaie vraiment de retrouver notre rythme, notre identité de jeu : se passer la balle, retrouver du shoot, de bien jouer les contre-attaques. Là on est tombé contre des grosses équipes en coupe d’Europe : Monaco, Badalona. Donc on va essayer de se battre dans ce top 16 pour aller chercher les meilleurs résultats et pour grandir collectivement. Mais le plus important, c’est la Jeep Elite.
Je sais que je suis capable d’apporter plus, après c’est comme ça, j’ai du mal à trouver du rythme. Mais je continue de travailler pour apporter le maximum à mon équipe, mais ça passe par beaucoup d’apprentissage et de vidéos. Comme toujours, c’est le travail : c’est ce que m’a appris mon père, et le numéro 7 que je porte aujourd’hui, c’est pour lui rendre hommage. Il est né le 7 février, et je me suis toujours dis qu’arriver en pro, je prendrai ce numéro.
QUEL AVENIR ?
Dans quelques années, je me vois en EuroLigue, si c’est possible. Mon objectif principal, c’est de devenir un vrai professionnel, être titulaire, être un joueur majeur de mon club, puis du championnat. La NBA ? Ça reste toujours dans un petit coin de ma tête. Mais à l’heure d’aujourd’hui, je pense que j’ai encore beaucoup de progrès à faire pour devenir un joueur important en Jeep Elite. On verra par la suite ce qui s’ouvrira à moi.
Les JO 2024, c’est évidemment une opportunité que beaucoup de sportifs voudront saisir, mais voilà… que le meilleur gagne. Le sélectionneur fera les meilleurs choix pour l’Equipe de France et il faudra respecter ses choix. Forcément j’y pense, c’est un rêve, mais on est beaucoup à le partager.
IVAN FÉVRIER
Avec Nicolas Parant
Retrouvez ICI notre interview de Jean-Baptiste Maille.