(Crédit photo Une : DR).
Le mercato.
C’est le moment où se joue la suite de la saison. C’est l’aspect qui va déterminer si l’année sera réussie ou pas. Un mercato réussi ou raté change radicalement la vie d’une équipe.
Pour un agent, le mercato se prépare toute l’année. C’est un suivi journalier avec les joueurs et bien évidemment avec les clubs. Il faut être à l’écoute des deux pour pouvoir être actif extrêmement rapidement en cas de volonté de transfert.
Un mercato réussi pour USM c’est lorsque tous nos joueurs ont un club, en fonction de leur niveau. Nous ne voulons personne sans club. Et nous y arrivons.
Connaître les différentes volontés est donc le point de départ. En cas de commun accord, les choses sont simples, c’est dans le cas inverse que les difficultés arrivent : si le club veut conserver ou vendre le joueur et que celui-ci a un avis opposé. Dans ces conditions, il est nécessaire de trouver le meilleur compromis possible.
Il faut toujours tenter d’éviter le conflit.
Toujours.
L’exemple du cas Rabiot qui a alimenté les discussions toute l’année n’est bon pour personne. Il faut tenter de rapprocher les volontés des deux parties. Parfois on arrive à raisonner les proches ou la famille et parfois on n’y arrive pas. Il faut savoir faire preuve de beaucoup de philosophie. Savoir écouter, comprendre et argumenter sur la solution qu’on estime la meilleure.
Il arrive que le transfert soit inévitable. Il faut savoir s’y prendre le plus tôt possible. Il faut être actif et non pas réactif. Plus on anticipe le transfert, plus de temps on aura pour trouver le bon club et satisfaire toutes les parties.
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UN CLIMAT QUI A CHANGÉ AVEC L’EXPLOSION ÉCONOMIQUE DU FOOTBALL
Les chiffres nous montrent qu’une immense partie des transferts a lieu dans les derniers jours du mercato, je n’ai jamais été en charge d’un club, mais c’est assez incompréhensible pour moi. Je ne me l’explique pas. Il y a des clubs extrêmement structurés et d’autres qui le sont beaucoup moins et qui ne sont que dans la réaction et jamais dans la projection. Quelque part, oui, c’est de l’amateurisme.
Les difficultés sont souvent liées à 2 aspects :
– Les 2 clubs n’arrivent pas ou tardent à se mettre d’accord sur le montant des indemnités de transfert.
– Pour la partie qui me concerne, la difficulté de trouver un accord salarial et contractuel avec le nouveau club du joueur que je représente.
Le climat a énormément changé ces dernières années. Le métier n’est plus le même. Lorsque j’ai débuté, le marché était national et il y avait 20 agents en France. Aujourd’hui il est international et il y a 500 agents sans compter les milliers de personnes qui ne le sont pas, mais qui se présentent comme tels : la famille, les conseillers, les oncles, les cousins des joueurs…
Souvent ces « pseudos » conseillers pensent plus à faire des coups qu’à gérer une carrière. Une carrière se contrôle, se prépare, s’anticipe. Il ne faut pas brûler les ailes d’un joueur, mais au contraire lui trouver les meilleurs clubs pour accompagner sa progression et l’amener au plus haut niveau possible en ayant parfaitement optimisé ses qualités et ses choix de clubs.
Les sommes ont augmenté, mais les joueurs ne volent pas ce qu’on leur offre. C’est une négociation. Personne ne peut forcer l’autre partie à signer. À partir du moment où l’accord est scellé, c’est qu’il convient aux 2 parties. Je vois les choses un peu différemment et c’est l’économie du sport en général et du football en particulier qui a augmenté. Les droits TV dépassent le milliard d’euros et tout le monde en profite : les clubs, les joueurs…
Il y a 30 ans, il y avait un match de foot par semaine à la TV. Aujourd’hui on peut quasiment regarder du foot du matin au soir chaque jour de l’année.
Pour revenir sur les spécificités de mes tâches, il faut des contacts téléphoniques et physiques tout au long de l’année. Pas uniquement au moment de la période des transferts. Des milliers de mails, d’appels, de SMS, de messages sur Whats’App. C’est forcément encore plus intense durant la période fatidique, notamment au téléphone. C’est difficile de quantifier.
Je traite en général avec les directeurs sportifs, les directeurs généraux et/ou les présidents.
Pour tous nos joueurs nous avons des profils personnalisés regroupant vidéo et toutes sortes de données. Il est indispensable d’avoir des outils sur lesquels s’appuyer lors de négociations, l’argumentation doit être fondée sur du concret.
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LE MÉTIER D’AGENT, ENTRE FANTASMES ET RÉALITÉ
Une négociation c’est avant tout une volonté commune d’aboutir à un accord. Sans cette condition il est difficile d’arriver à bon port. Ensuite il y a des échanges de mails et des discussions pour rapprocher les parties et trouver le juste milieu. On discute de la durée des contrats, des aspects salariaux, des primes à la signature, des primes d’objectifs…
En revanche je n’ai aucun rapport avec la presse durant ces périodes. Je ne communique pas par rapport à mes joueurs. Je ne veux pas diffuser des fake news. Aucun intérêt pour nous et pour nos joueurs. C’est néfaste, car si un joueur est annoncé à Porto, Dortmund ou Liverpool tous les jours et qu’il atterrit comme c’est souvent le cas dans un club bien moins huppé, on sait très bien que c’est le joueur et l’entourage qui ont fait fuiter des informations pour tenter de se vendre mieux. Le foot étant un microcosme les décideurs vont se rappeler de cette situation plus tard et n’accorderont plus de crédit aux informations qui entoureront le joueur.
Nous, les agents, sommes essentiels tout au long de l’année, car il y a un suivi quotidien à faire concernant le bien-être de nos clients. Mais en période de mercato, le rôle de l’agent est déterminant. Il faut rassurer nos clients, leur prodiguer les meilleurs conseils possible et obtenir les meilleurs contrats.
J’aime négocier. Après ce n’est qu’une partie du métier d’agent. La signature ou la reconduction d’un contrat font partie du métier, mais ne sont pas tout le métier. Loin de là.
Il y a d’ailleurs nombre de fantasmes sur les sommes qui circulent. Beaucoup pensent que les agents sont très riches. Il y a effectivement des personnes qui gagnent bien leur vie, mais il y en a surtout énormément qui n’en vivent pas. Sur 500 agents en France seuls 20 ou 30 en vivent, 10 en vivent bien et 2 ou 3 très bien. Il ne faut pas faire ce métier en rêvant de la poule aux œufs d’or. Car pour l’immense majorité il n’y a pas d’or et bien souvent il n’y a pas de poule non plus.
J’ai tellement de souvenirs que je pourrai écrire non pas un livre, mais des livres sur ce métier d’agent. J’ai une tendresse particulière pour certains personnages atypiques comme l’était Gérard Bourgoin, président de l’AJA, qui apprenant mon retard à un rendez-vous du fait de la longueur de nos échanges, se proposa de m’y conduire avec son avion. Ce qui fut fait sans qu’il tienne beaucoup le manche, préférant lire des magazines au milieu des perturbations (rires)…Inoubliable. Je me souviens également de Guy Roux voulant me payer une commission en caisses de Chablis. Proposition refusée avec le sourire.
Pour terminer si je pouvais changer une chose aujourd’hui, je supprimerais avec effet immédiat le mercato d’hiver.
On ne peut pas sous prétexte qu’on estime s’être trompé, que l’on soit un joueur ou un club, vouloir changer au bout de 4 mois de compétition.
On se doit d’assumer.
CHRISTOPHE