STÉPHANE DIAGANA – LE SPORT, UNE MATIÈRE INDISPENSABLE DANS L’ÉCOLE DE LA VIE

Stéphane Diagana est une des figures emblématiques de l’athlétisme français et promeut le sport pour former des citoyens responsables et engagés.

Crédits Photos : Peace and Sport

Coupe du Monde de football 1978.

C’est la première image marquante de sport qui me vient en tête. Je vois encore défiler les images en noir et blanc de la finale entre l’Argentine et les Pays-Bas. Le foot c’était presque une histoire de famille, mon père entraînait et moi je jouais.

J’aimais bouger étant jeune, à l’école, tous les jeux où il y avait de l’engagement physique me plaisaient. Et avec le sport, j’ai trouvé le moyen de bouger plus.

L’athlétisme m’attirait également mais j’ai dû attendre la mutation de ma mère, institutrice, dans une nouvelle ville pour enfin trouver un club et m’y inscrire. J’avais 10 ans, et depuis ce moment je n’ai plus quitté ce monde.

SE RESPONSABILISER À TRAVERS SES PERFORMANCES

Au départ, je ne voulais même pas faire de compétition. J’aimais courir et retrouver des amis qui partageaient la même passion. C’est en évoluant, à la fois en tant que personne qu’en tant que sportif, que j’ai commencé à aimer l’apprentissage et le dépassement de soi pour ce qu’il avait de formateur. L’athlétisme te permet de faire une corrélation entre les efforts que l’ont fait et les résultats obtenus car le jour J, le chrono si je prends les épreuves de courses ne dépend que de nous-même.

C’est donc un sport individuel puisqu’on court seul, mais aussi collectif, car on s’entraîne en groupe. Il y a quand même une dynamique collective et une dimension sociale. Mais il est vrai qu’hormis les compétitions par équipe, on est souvent face à soi-même. Tout cela m’a appris très vite le sens des responsabilités. Le « no pain, no gain » des Anglo-Saxons, on le vit et on le comprend très vite. On le transfère ensuite sur d’autres domaines.

Le fait de sentir ses performances et de les comprendre, de saisir l’aspect physique et technique sur nos courses par exemple… on se rend compte de ce qu’il faut plus travailler et ça vous fait dire que c’est peut-être aussi comme ça sur des cours de maths. Lorsque l’on est mal noté en cours, on peut toujours se soustraire à sa propre responsabilité en se disant que le prof est injuste … difficile d’en dire autant du chrono ou du mètre qui mesure vos performances !

Je n’avais pas l’objectif d’être un champion. Mais je suis devenu champion, à force de m’entraîner par passion. J’ai atteint un niveau supérieur à des gens qui avait un plus gros potentiel que moi, mais pas la même envie.

J’ai alors eu l’opportunité d’intégrer l’INSEP à 19 ans. J’ai été accompagné pendant 16 ans par Fernand Urtebise, un coach expert, tant sur le plan technique que sur le plan humain, et j’étais dans des infrastructures de qualité. Tout me laissait à penser que je pouvais un jour devenir champion du monde ou champion olympique. C’est devenu un objectif qui s’est dressé devant moi de manière assez claire. Au moment où j’ai pensé à l’idée de devenir champion du monde ou champion olympique, j’ai tout de suite su que ce n’était pas un rêve, mais bel et bien un objectif.

ÊTRE CONSCIENT ET RECONNAISSANT DES OPPORTUNITÉS QUE NOUS AVONS ICI

Je suis un privilégié, dans le sens où j’ai pu vivre de ma passion.

Le premier privilège, c’est avoir une passion qui vous parle fortement. J’aime énormément de sports mais dès le début, il y avait l’athlétisme et le reste des sports dans ma tête. Il faut savoir écouter cette passion, la susciter. Il faut que les enfants pratiquent une multitude d’activités pour qu’un jour, ils trouvent cette étincelle. Tout devient plus simple par la suite, les efforts fournis ont une autre saveur, et sur un point plus globale notre vie change également, grâce à ce bonheur produit par la pratique de cette activité. Nous avons la chance d’avoir une multitude de choix en France, ce qui n’est pas le cas dans plein d’autres pays où Peace and Sport agit. C’est un privilège.

Concernant la pratique plus professionnelle, cependant, je ne me suis jamais senti privilégié d’un don exceptionnel. Je sais que j’avais les qualités nécessaires, mais beaucoup d’autres en avaient plus et n’ont pas réussi, car ils leur manquaient un don essentiel, la passion. J’étais capable d’accomplir beaucoup même si derrière le résultat n’était pas là, car cela me nourrissait, je prenais du plaisir et je n’étais pas que dépendant de ce résultat.

J’ai commencé à avoir quelques résultats à 21 ans au niveau européen et deux ans plus tard avec une quatrième place aux JO. Je me suis installé progressivement dans le paysage de l’athlétisme en intégrant l’équipe de France jusqu’au jour où j’ai été champion du monde en 1997. J’ai pu gérer tout ça au fur et à mesure, ce n’est pas arrivé brutalement.

Dans un sport où les choses se mesurent, vous êtes très vite face à vous-même. Le chrono reflète vos efforts. La performance dépend de vous, le choix du coach aussi. Cela montre aussi votre capacité à inscrire votre engagement dans le temps. À comprendre que l’excellence, c’est toujours un sport d’endurance mais un sport collectif aussi dans le sens où on doit faire appel à des gens qui vont vous aider à améliorer des aspects que vous ne maitrisez pas. Tout cela vous fait avancer et cela se retranscrit aussi dans votre vie professionnelle, vos projets. Cela aide à assumer votre responsabilité au quotidien.

UN ENGAGEMENT ÉVIDENT AVEC PEACE AND SPORT

Avec la façon dont j’ai vécu le sport, je sais que c’est un outil de développement personnel pour tous les jeunes. Si on sait les accompagner dans la pratique du sport, on forme des citoyens responsables et engagés. Le but est de s’inscrire dans une démarche de compétition en respectant l’adversaire. Qu’il soit excellent ou non, il faut le respecter. Ce sont des valeurs qui sont utiles dans la vie en société. En dehors du sport on se retrouve aussi dans des situations de concurrences, de travail collectif où l’on doit assumer ses responsabilités.Je suis convaincu de tout cela encore plus lorsqu’on se retrouve sur des terrains où les gens sont fragilisés par des contextes de difficultés diverses et variés comme la guerre, des problèmes de migrations ou autre. Je suis convaincu qu’on peut faire beaucoup de choses avec le sport.

Je me suis retrouvé face à quelques situations délicates notamment en allant voir des enfants des rues à Casablanca. J’étais avec Jean Galfionne (champion olympique 1996 de saut à la perche) mais les enfants ne nous connaissaient pas bien. Ils ont vu quelques images de nos carrières et le regard a changé. En termes de contact avec le sport, on gagne du temps. Nous avons joué au foot avec les enfants et ça a permis de briser une barrière. Un adulte qui pratique le sport éveille les consciences.

Ça fait plaisir d’être considéré comme un exemple. Passer 15 ans de sa vie à partir d’un point sur une piste pour rejoindre ce même point avec 400m à courir et 10 haies à franchir, en soi ça n’a pas beaucoup de sens. C’est quelque chose d’assez égoïste. Mais ce qui lui donne du sens c’est la symbolique et le chemin pour y arriver. Tout ce qui a été nécessaire pour atteindre ses objectifs au niveau comportemental, développement personnel.

La deuxième chose qui lui donne du sens c’est quand je vois des gens de me dire « je me souviens en 1996 vous étiez blessé à Atlanta et puis l’année d’après je vous ai vu gagner les championnats du monde …et vous ne pouvez pas savoir à quel point cela m’a fait du bien, car je me battais contre ma maladie ». Si ça peut inspirer et aider les gens à se dire que rien n’est jamais perdu, cela donne directement plus de sens à ce que j’ai pu faire. Le sport c’est de la symbolique. C’est l’école de la persévérance.

Aujourd’hui je me retrouve beaucoup en Rafael Nadal, car c’est un champion qui a beaucoup été blessé et qui n’a jamais rien lâché. C’est quelqu’un qui doit beaucoup au travail comme moi.
Quand vous ne réussissez que par le talent, cela peut prêter à confusion sur le reste de votre vie.

Nadal a une longévité et une capacité à rebondir. Son engagement auprès des jeunes est aussi intéressant. Des valeurs qu’on essaie de retransmettre à travers Peace and Sport d’ailleurs.

En tant que Champion de la Paix avec Peace and Sport je m’engage à porter le message de l’association, notamment lors du Forum International Peace and Sport auquel j’ai participé en 2015.

Cette année, dans le cadre du Forum International Peace and Sport 2019 du 11 au 13 décembre à Monaco, le club des Champions de la Paix fête ses 10 ans, faisant de cette édition du Forum un événement mémorable. En dix ans, notre action combinée, notre engagement et notre détermination ont montré que le sport va au-delà des performances sportives et joue véritablement un rôle au service de la société.

Les actions de Peace and Sport ont de nombreux avantages et on voit que le sport crée une passerelle avec des gens que tout oppose. Le sport est un langage commun qui réunit les personnes dans les mêmes joies, les mêmes peines, le même stress. On devient semblable, indépendamment de la religion, de la couleur de peau ou des origines.Pour des enfants, avoir l’opportunité d’échanger avec des Champions de la Paix, partager des activités avec d’autres enfants, avec des personnes d’horizons différents, c’est enrichissant. Notamment dans une période de tension, apporter un peu de joie et de vie à ces jeunes est primordial. Il faut construire autour du sport. Ce langage commun permet d’accomplir des choses formidables.

Peace and Sport ce n’est pas seulement aller sur des terrains compliqués, mais ça peut être dans des sociétés où de nombreuses difficultés apparaissent, même en Europe. Peace and sport à un rôle à jouer partout.

STÉPHANE

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