YOHANN DINIZ – RIEN NE SERT DE COURIR, IL FAUT MARCHER À POINT !

Figure iconique de la marche, Yohann Diniz s’est confié sur l’amour qu’il porte à son sport de prédilection et sur ses derniers objectifs olympiques.
Yohann Diniz
(c) KMSP

Yohann Diniz – Athlète

#50 et 20 Km Marche #Champion du monde 2017 50km #Champion d’Europe 2006/2010/2014 50km #Recordman du monde 50km

(Crédit photo Une : KMSP).

Depuis tout petit, la marche rapide m’a toujours interpellé. Je suis natif d’Epernay dans l’est de la France où passait le fameux Paris-Colmar, course de marche sur plusieurs étapes. J’étais intrigué de voir passer ces personnes avec ce déhanchement un peu particulier et de les voir faire autant de kilomètres à pied.

Tout au long de l’année, il y avait d’autres épreuves organisées dans ma région et j’aimais bien les regarder. Je me rappelle encore mes premiers JO en 1988 où j’avais eu beaucoup d’intérêt pour cette épreuve. Mais j’étais loin de penser en faire un jour, j’étais un simple spectateur.

L’éducateur sportif, qui m’a appris à nager, Jean Claude Gouveneaux, en faisait dans ma ville et je le voyais s’entraîner par monts et par vaux, qu’il vente, qu’il neige, qu’il pleuve. Je trouvais cet effort à la fois atypique et beau dans le sens du dépassement de soi.

Mais j’avais des activités physiques plus classiques comme le running ou le hand. À la fin de mes études, je me suis de nouveau inscrit dans un club d’athlé qui proposait de la marche athlétique. Par curiosité, j’ai eu envie d’essayer et je ne saurais comment l’expliquer, mais le coach m’a tout de suite dit que j’avais une technique plus qu’avancée pour un débutant et que je devrais revenir pour quelques séances. C’était peut-être par mimétisme après tant d’années à regarder les marcheurs en compétitions.

Il y avait plein de choses à perfectionner, mais on pouvait partir d’une base et comme tout humain quand on se retrouve à être bon dans un domaine, on l’apprécie d’autant plus.

J’avais alors 22 ans.

J’ai continué dans une optique de plaisir, de loisir, en m’entraînant deux à trois fois par semaine et en cumulant un travail au sein de mon club. Je n’avais pas vraiment d’ambition précise, d’autant plus qu’à cet âge-là il est souvent un peu tard pour faire du haut-niveau dans un sport tout nouveau.

Je prenais goût à cette discipline particulière, je comprenais les éléments à prendre en compte pour la technique, la tactique, le mental, c’était du plaisir et à la fois un bon moyen pour se défouler, se vider la tête.

Puis en 2003 je suis allé à Paris pour encadrer les jeunes de mon club pour voir notamment notre athlète locale, Eunice Barber, aux championnats du monde d’athlétisme. J’avais fait une première sélection en Équipe de France un peu avant et je suis allé voir le 50 km de ces championnats le matin à Paris.

Là je me suis dit « ah oui… en étant un plus sérieux peut-être que je pourrais me retrouver de l’autre côté de la barrière avec eux… ».

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À partir de ce moment-là, quelques personnes m’ont confirmé que j’avais du potentiel et j’ai pris conscience que si je faisais quelques efforts (à l’époque j’étais jeune, je sortais beaucoup avec une hygiène de vie peu en adéquation avec une pratique de haut niveau), je pourrais atteindre des performances bien meilleures et peut-être faire des compétitions internationales.

L’ascension par la suite a été assez fulgurante, avec deux ans plus tard un titre de champion de France sur 50 km et une participation aux championnats du Monde. J’étais donc lancé pour de bon.

Je n’étais pas habitué au rythme du haut-niveau et à toutes les exigences que cela implique. C’est là où l’encadrement est important et mes premiers coachs Thierry Toutain et Denis Langois ont joué un rôle prépondérant et me l’ont fait comprendre. Ils m’ont appris la rigueur, la régularité et m’ont fait part de leur expérience personnelle afin de bien comprendre ce qu’était le haut niveau.

Par la suite on s’est séparé, c’est aussi la vie des sportifs, parfois des changements s’imposent pour relancer la dynamique, sortir de sa zone de confort et entamer un nouveau challenge avec des nouvelles têtes.

J’ai alors collaboré avec Pascal Chirat, jusqu’en 2013 avec des améliorations et de nouveaux titres. Mais il me manquait encore quelque chose, c’est difficile à expliquer. Je suis un peu fougueux et il fallait que je retrouve ce tempérament pour pouvoir m’exprimer au mieux et aller chercher encore plus loin.

Je me suis associé avec Gilles Rocca qui n’est pas un spécialiste du milieu de la marche, mais avec qui j’avais déjà eu des discussions en 2003 au moment de prendre mes décisions pour le haut niveau.

Depuis tout se passe très bien avec deux records du monde et des beaux titres. C’était donc la bonne décision. Gilles est la personne qui me connaît le mieux, car nous nous côtoyons depuis 20 ans. Il m’a vu éclore et connaît mon tempérament. C’est quelqu’un qui a de beaux bagages sur l’entraînement et qui est en perpétuelle recherche de solution adéquate pour l’athlète. Il a réussi à me redonner de la confiance et du plaisir tout en étant rigoureux et appliqué afin d’aller chercher le meilleur de moi-même.

LA CONSECRATION MONDIALE EN 2017

SE FIXER DE NOUVEAUX OBJECTIFS EST UN REMÈDE CONTRE LES ÉCHECS

Les JO 2016 ont été très difficiles. J’ai eu des soucis, mais je voulais absolument finir la course, je n’étais plus trop lucide et la seule chose que j’avais en tête était de ne pas abandonner. Suite à ça, j’avais pris une bonne claque c’est vrai, mais je savais que ce n’était pas ma stratégie qui m’avait fait défaut, c’était vraiment ce problème de santé. Il était important pour moi de me remotiver vite pour la compétition d’après et de remettre les pendules à l’heure, entre guillemets. Pas forcément envers les personnes extérieures qui avaient pu critiquer ou juger ma performance, mais plutôt envers moi-même.

À chaque fin de compétition, que le résultat soit bon ou mauvais je pense tout de suite à l’avenir. Je ne veux pas tergiverser et le meilleur moyen est donc de se fixer un nouvel objectif.

Et surtout après une compétition, je coupe pendant 3 semaines – 1 mois. Sans sport. J’ai besoin de retrouver mes amis, prendre des verres, aller à des concerts, bien manger, sortir… J’ai ce besoin de convivialité. Se retrouver avec les amis et la famille car je suis souvent seul lors des entraînements et des compétitions, c’est un sport individuel qui est très prenant et demandant. Je ne pourrais pas rester connecté 12 mois sur 12 là-dedans.

Je me prépare actuellement pour la Coupe d’Europe qui aura lieu le 19 mai, je sais que le 20 mai je suis en vacances et je reprendrai la marche un mois plus tard, sans doute juste après la fête de la musique ! Pour préparer les championnats du monde à Doha. C’est un sport très difficile mentalement et physiquement, je ne suis pas une machine donc nous avons tous besoin de recharger les batteries de temps en temps.

J’ai 41 ans, un âge assez avancé pour un athlète, mais j’ai commencé très tard le haut-niveau ce qui me permet d’avoir encore de la fraîcheur, de l’envie, et ne pas être usé encore par le rythme intense. Je sais aussi mieux gérer mon corps et ma tête et c’est donc pour cela que je m’accorde de longues pauses après les compéts.

L’engouement pour la marche progresse. Lors d’une compétition récente, des spectateurs me disaient qu’ils avaient apprécié notre course, car ils nous voyaient passer devant eux à une allure de marche rapide ce qui leur permettait de plus apprécier notre performance comparée à un marathon ou une épreuve cycliste. Sans compter les rebondissements, la tactique et l’aspect physique qui rentre en jeu en fin de course également, donc rien n’est joué.

Au niveau des pratiquants je pense qu’il faut proposer les marches dans tous les clubs d’athlé, mais il ne faut pas spécialiser les enfants trop tôt dans une discipline. C’est bien qu’ils touchent à tout et aient l’occasion de choisir eux-mêmes ce qu’ils aiment par la suite.

Il y a des pays plus avancés dans cette discipline avec notamment des structures plus importantes, comme l’Italie, l’Espagne, le Japon, la Russie, mais nous arrivons à glaner des médailles ce qui est encourageant.

Mon dernier objectif va être les JO 2020 à Tokyo. Je n’ai jamais remporté de médaille aux Jeux donc c’est quelque chose qui me tient à cœur. J’ai 41 ans, c’est ma dernière chance et je ferai mon possible comme toujours pour en remporter une. Mais si je n’y arrive pas, je pourrais vivre sans regret, car j’aurais tout donné.

Tout ce qui m’est arrivé depuis bientôt 20 ans a été exceptionnel et inattendu.

YOHANN

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