Vincent Mathieu – Apnéiste
#Apnée statique #Champion du Monde d’apnée statique 2016 #Absalone
Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.
Vincent Mathieu, champion du monde d’apnée en 2016, lève le voile sur un sport encore méconnu et inexploré. (Crédit photo Une : Vincent Niegeri )
Ça peut paraître cliché, mais ma passion puise une grande partie de sa source dans la dimension poétique du film « Le Grand Bleu ».
J’ai démarré l’apnée un petit peu par hasard, en entrant dans un club associatif aux alentours de février 2013. J’ai tout de suite été très à l’aise à lâcher prise dans l’eau. Dès la première séance d’entraînement et sous l’étonnement des bénévoles, je reste sous l’eau pendant près de 5 minutes : un temps relativement élevé pour un débutant.
Avec le recul, cela était tout sauf une coïncidence : j’ai toujours ressenti au fond de moi que j’étais fait pour ça ! Dans la foulée, je décroche un DEJEPS (Diplôme d’État de la Jeunesse, de l’Éducation) mention plongée subaquatique qui, à l’époque, était le seul diplôme reconnu en France pour une professionnalisation dans les activités subaquatiques.
UNE EXPLOSION DU NOMBRE DE PRATIQUANTS
Au fil de mes enseignements, j’ai observé une explosion chronique du nombre de licenciés en France. Preuve en est, les clubs associatifs ont du mal à répondre à la demande croissante dans certaines villes. Il faut savoir que l’apnée est en pleine explosion partout dans le monde, à tel point que nous avons eu 24 nations représentés aux championnats du monde cette année.
Plusieurs facteurs sont en mesure d’expliquer ce soudain pic d’intérêt. Tout d’abord parce que l’apnée s’inscrit dans ce phénomène de « révolution mentale » que l’on observe depuis quelques années : les gens font de plus en plus attention à eux, à leurs corps, à ce qu’ils mangent et donc également à leur activité physique.
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L’apnée répond justement aux vertus d’une vie saine. Il est recommandé de manger sainement, de travailler sa posture, sa respiration, sa souplesse. C’est aussi une activité méditative et introspective, qui permet de se retrouver face à soi-même dans un univers que l’on ne maîtrise pas forcément. C’est une sorte de confrontation forcée qui pousse à la réflexion.
Autre élément d’attractivité et non des moindres, ce sport est accessible à tous quel que soit son âge ou sa situation. Étant un sport à maturité tardive, Il est d’ailleurs hasardeux d’y fixer une limite d’âge. Certains athlètes que je côtoie ont la soixantaine passée.
UN SPORT INHÉRENT À LA NATURE HUMAINE
Sous un angle strictement scientifique, l’être humain est parfaitement adapté pour un maintien prolongé sous l’eau et pour évoluer en profondeur. Ces réflexes physiologiques – observés chez les mammifères marins – sont encrés en nous, la résultante génétique d’un passif oublié. C’est pourquoi je n’ai jamais perçu l’apnée comme un sport extrême, puisqu’il n’y a pas de risques inconsidérés. A l’heure actuelle, la communauté scientifique n’a jamais pu mettre en évidence les dangers de la pratique, même intensive et prolongée.
La condition humaine est tout à fait respectée, bien au contraire. Une pratique régulière permet justement de créer des adaptations cardiaques et vasculaires, d’optimiser la ventilation et donc d’avoir un corps mieux oxygéné et en meilleur santé.
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Néanmoins, une pratique aux delà du respect du corps peut aller jusqu’à provoquer une syncope : lorsque la détresse d’oxygène est trop importante, le cerveau enclenche automatiquement un mécanisme de protection en provoquant un malaise (il coupe le son, la lumière et le tonus musculaire) en vue d’économiser les dernières ressources d’oxygènes au profit des organes vitaux. Si l’évanouissement a lieu dans l’eau, le risque à court terme peut être la noyade.
Raison pour laquelle l’apnée ne doit jamais se pratiquer seul.
DES ENTRAÎNEMENTS EXIGEANTS
D’un point de vue purement compétitif, les événements se sont vite enchaînés. Je deviens vice-champion du monde dès ma première titularisation en équipe de France, en 2015. Le titre mondial et la médaille d’or viendront l’année suivante, dans la catégorie « apnée statique ».
Ma rencontre, à Brest, avec Christian Vogler a été un véritable catalyseur. Dans son rôle de coach en équipe de France, il a su développer mon potentiel rapidement. Je lui dois l’intégralité de mes médailles. Comme un symbole, je deviens champion du monde la semaine de son anniversaire.
Mes entraînements se concentrent essentiellement sur la natation, la musculation et les étirements. L’aérobie ainsi que la course et autres sports à endurance sont généralement à éviter, car optimisant la consommation d’oxygène par le corps.
Lorsque je m’adonne à la profondeur, les journées de préparation se décomposent en deux séances intensives, entrecoupées d’assouplissements. J’adopte un rythme avec 2 jours d’entraînement, puis 2 jours de repos et ainsi de suite. En parallèle je mange équilibré avec beaucoup de légumes. En théorie, les apports d’aliments acides ou contenant lactose et gluten sont à minimiser. Ayant pratiqué les arts martiaux pendant 10 ans, j’ai toujours été à l’écoute de ce que mon corps me renvoie.
UN FUTUR SPORT OLYMPIQUE EN 2024
L’apnée a longtemps été perçue comme un sport nuisible et pernicieux, pouvant mettre en danger le pratiquant. J’observe, avec bienveillance, que cette mauvaise image ternissant ce magnifique sport s’estompe peu à peu. Preuve en est et selon moi, l’apnée pourrait être représentée aux Jeux Olympiques en 2024 . Et ce, même si l’apnée peine à s’imposer dans le paysage sportif français. Contrairement à certains pays comme la Croatie ou l’Italie par exemple, il n’y a pas d’apnéistes professionnels en France. N’étant qu’amateur, je rêverais d’une professionnalisation. Briser la barre des 9 minutes au prochain championnat d’Europe est mon prochain objectif.
Nous sommes aux prémices de notre sport. Les méthodes d’entraînement sont à expérimenter, une dynamique de recherche est en marche. Beaucoup de choses restent à découvrir, à explorer et à démontrer. C’est aussi ce qui le rend unique et si passionnant.
VINCENT
Avec la collaboration de Corentin Jouathel