ESPORTAINEMENT, FORTNITE: ATTENTION AUX JEUNES JOUEURS

Après Zack Nani qui consacrait l’avènement de l’esportainement, c’est au tour de Tweekz de donner son avis sur l’une des faces sombres de ce phénomène. Le casteur et présentateur du BeIN eSports nous éclaire sur le besoin de garde fous pour protéger les plus jeunes joueurs de certaines dérives.

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Casteur, animateur : #BeIN SPORTS #O’Gaming #Ancien Millenium, Eclypsia

Les progamers ont beau être le coeur de l’eSport , ils ne sont pas les seuls à faire rayonner nos disciplines préférées. Plongez dans les coulisses du sport électronique professionnel en découvrant les histoires de dirigeants, de coachs, du staff médical, des fans…

Après Zack Nani qui consacrait l’avènement de l’esportainement, c’est au tour de Tweekz de donner son avis sur l’une des faces sombres de ce phénomène. Le casteur et présentateur du BeIN eSports nous éclaire sur le besoin de garde fous pour protéger les plus jeunes joueurs de certaines dérives. (Crédit Photo Une : DR).

C’est en suivant les pas de mon grand frère que je suis tombé dans la marmite des jeux vidéo. Après une enfance de simple joueur, je suis devenu alors très actif dans l’univers des MMORPG en jouant avec des amis issus de structures comme Millenium.

Encore en études supérieures, je passais mes fins de journée à commenter des compétitions sur League Of Legends, toujours chez Millenium, grâce aux connexions que j’avais nouées avec eux dans ces guildes. Après une progression naturelle, c’est le lancement du schéma officiel des LCS, devenu LEC ces derniers jours, qui m’a décidé à me lancer définitivement dans l’esport.

Si je ne me considère pas comme un ancien, c’est peut-être le regard des autres qui va me le faire sentir. Mais même avec 10 ans d’expérience dans ce milieu, je suis loin des mythes qui sont à l’origine des jeux vidéo compétitifs comme Ozstriker sur Counter-Strike.

C’est peut-être toutes ces années dans ce milieu qui me permettent d’appréhender un phénomène qui démocratise notre milieu : l’esportainment.

L’ESPORTAINMENT, UNE NOUVELLE VOIE QUI PERD CERTAINES VALEURS COMPÉTITIVES AU PROFIT DE L’ARGENT

En tant que casteur ou présentateur, je me suis toujours inspiré de ce qui se faisait dans le monde du sport. Et pour moi, l’esport possède une caractéristique commune, celle de proposer un vrai cadre compétitif avec un titre de champion au bout. C’est ce genre d’environnement structuré, comme il existe dans le genre MOBA ou le Versus Fighting, qui me fait cliquer.

L’avènement de l’esportainment peut être un danger quand on s’intéresse à son public : une jeune génération qui n’a pas toutes les clés pour comprendre ce phénomène.

La limite entre la vraie compétition et le fan service est beaucoup trop mince. C’est un peu racoleur, car on attire les joueurs amateurs non pas avec un titre de Champion du Monde, mais par le fait de gagner un maximum d’argent. C’est à l’encontre des bases de l’esport qui promeut l’esprit compétitif. En prenant exemple sur Street Fighter, les gens vont admirer les pros et s’identifier à un Luffy, car il a gagné l’EVO.

Mais un jeu comme Fortnite change complètement la donne. Quand je vois les réactions après les Skirmish qui constitue l’une des plus grandes compétitions du jeu, on ne ressent pas l’émotion de la performance accomplie. Finalement on parle avant tout des gains après chaque tournoi et tout tourne donc autour de l’argent.

L’absence de classement réel montre que la principale carotte donnée aux joueurs est uniquement le cashprize. Et les sommes colossales investies par Epic Games* permettent à des joueurs d’amasser plus de 50 k dollars en quelques minutes. Avec une communauté de joueurs souvent très jeunes, j’ai l’impression que ce message de banalisation de l’argent est dangereux.

*L’éditeur du jeu a investi 100 millions de dollars sur la première saison compétitive.

FORTNITE, UN SUCCÈS À DOUBLE TRANCHANT QUI POURRAIT MODIFIER LA FACE DE L’ESPORT

Aujourd’hui, Fortnite a toutes les clés en main pour créer un vrai circuit cohérent. Ce qu’ils ne font pas pour le moment.

Est-ce qu’ils sont encore dans une attente de l’évolution de leur communauté ? Certainement. Ce qui leur permet aujourd’hui de ne pas s’inspirer des autres modèles comme les franchises sur LoL ou Overwatch.

Ils préfèrent s’appuyer sur de gigantesques influenceurs qui maintiennent cette hype. Ne pas entrer pour le moment dans des formats qui permettraient aux meilleurs de remporter les tournois est une solution pour que les streameurs renommés restent au sommet de l’univers compétitif de Fortnite, ce qu’on ne voit pas sur d’autres esport.

Même les mécaniques du jeu entretiennent ce système, car la place de l’aléatoire est très importante. Le meilleur joueur du monde aura beaucoup de mal à montrer sa supériorité vu ces éléments random à chaque partie.

Mais il ne faut pas penser que c’est un jeu simple, le skill des meilleurs joueurs est important notamment en ce qui concerne les constructions. L’action sur Fortnite se joue souvent à la fraction de seconde en termes de mécanique, mais on peut regretter un manque de stratégie par rapport à des jeux comme Dota ou CS GO.

 

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On parle souvent de jalousie de la part des acteurs des autres esport lorsqu’ils émettent certaines réserves sur Fortnite. Tout le monde aimerait avoir un tel engagement sur son jeu de prédilection. De mon côté, j’ai une haute estime de ce que peut faire Fortnite sur l’univers du gaming. Il a réussi à toucher toute une génération comme peut-être aucun jeu ne l’avait fait avant et je serais toujours heureux de voir des personnes se rapprocher autour d’une même passion.

De plus, l’importance colossale de ce succès qui touche les médias traditionnels et les non-gameurs est une chance pour professionnaliser encore plus notre milieu et nos institutions.

UN ENCADREMENT DES PRATIQUES VIDÉOLUDIQUES NÉCESSAIRE POUR LES JEUNES JOUEURS

Le fait que de nombreux jeunes passent des heures inimaginables à s’entraîner sur leur jeu favori afin de percer le monde compétitif n’est pas nouveau. Seulement sur certaines scènes esportives comme CSGO ou LoL, il existe un début de structuration.

Afin de progresser, le joueur devra commencer par rejoindre une petite équipe, se faire remarquer par l’écosystème et suivre une sorte de montée progressive sur plusieurs années. Pour Fortnite, on peut presque du jour au lendemain arriver au sommet en compilant son niveau sur le jeu avec un peu de Twitter Game pour être sélectionné pour les plus prestigieux tournois.

Mais ça reste un écran de fumée, car une portion microscopique atteindra ce Graal.

Trop peu de gens se positionnent sur ce genre de problèmes, mais nous avons la chance d’avoir des équipes comme Vitality ou Team Liquid à l’international qui ont réussi à responsabiliser la pratique de leurs propres joueurs. Le problème de Fortnite c’est que l’individu est bien plus mis en avant que les teams et qu’il est donc plus vulnérable, car moins encadré.

Ce problème concerne tout le monde de l’esport, car l’abus en termes de temps de jeu existait bien avant les battle royale. C’était peut-être plus noble, car la vision était celle d’être le meilleur, mais les conséquences restent les mêmes.

Les pouvoirs publics et les institutions esportives doivent donc réagir. Ils pourraient d’ailleurs s’inspirer de ce qui se fait au Japon avec le JeSU* ou en Corée du Sud avec le KeSPA.

*Japan Esports Union/Korea e-Sports Association.

Il faut qu’on se penche sur les bases essentielles qu’a posées le sport (éducateurs, accompagnement dans la pratique, aspect psychologique) tout en l’adaptant aux propres besoins du jeu vidéo compétitif.

Pourquoi ne pas créer une entité neutre, car le fait que les éditeurs définissent la pratique professionnelle peut être dangereux. Les volontés et les intérêts des géants comme Riot, Epic ou Valve sont déjà différents, alors imaginez avec les plus petits.

Le monde de l’esport n’est pas encore mature, mais il commence sa lente structuration.

Pour le moment, ce sont les marques qui l’ont compris en renouant ainsi avec un public jeune. Certains sponsors sont là pour utiliser cette proximité qu’ont les équipes, pro-gamers et influenceurs. D’autres investisseurs veulent simplement rafraichir leur image (Drake, Michael Jordan) plutôt que de vivre de véritables aventures entrepreneuriales.

Alors que tout ce côté économique s’est largement professionnalisé et structuré, il faut en faire de même pour les joueurs qu’ils soient professionnels et surtout amateurs.

Si on peut voir de nombreux pas en avant du côté des scènes esportives plus anciennes et des structures, l’esportainment doit aussi trouver sa voie pour ne pas permettre que certains abus progressent.

Et peut-être renouer un peu plus avec la notion même de compétition.

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