SANDRINE GRUDA : LE PÈRE NOËL AIME AUSSI LE SOLEIL

Sandrine Gruda a l’un des plus beaux palmarès du basket féminin français. Mais ce qu’on ne sait pas c’est qu’elle excelle également en dehors des courts, notamment sur son blog où elle laisse s’exprimer son talent caché, l’écriture : http://www.sandrinegruda.fr . Elle nous partage ses souvenirs des noëls ensoleillés de la Martinique.

Sandrine Gruda – Basketball

Pivot : #Equipe de France #familaschio #Yakin Dogu #Lyon ASVEL #Fenerbahçe # UMMC Ekaterinbourg #Los Angeles Sparks #Connecticut Sun #US Valenciennes #Championne d’Europe 2009 #Médaille d’argent JO 2012 #Vice-championne d’Europe 2013,2015 #Championne WNBA 2016 #Vainqueur de l’Eurolique 2013, 2016 #Championne Superligue russe 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 #Championne de France 2007 #Meilleure joueuse européenne 2009 FIBA Europe

Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Sandrine Gruda a l’un des plus beaux palmarès du basket féminin français. Mais ce qu’on ne sait pas c’est qu’elle excelle également en dehors des courts, notamment sur son blog où elle laisse s’exprimer son talent caché, l’écriture : http://www.sandrinegruda.fr . Elle nous partage ses souvenirs des noëls ensoleillés de la Martinique. (Crédit Photo : DR).

On est bien loin des bonshommes de neige, des trottoirs verglacés, du trio moufles-écharpe-bonnet, ou même du chapon farci et sa ronde de marrons grillés. Et pourtant, on est bien en France… Mais, en Martinique, Noël a une toute autre saveur !

Comme tout enfant, j’aimais m’amuser, rire, chanter et danser. Dès lors, les fêtes annuelles que j’affectionnais le plus étaient Noël et Carnaval ! Toutefois, les célébrations du Réveillon ont occupé la première place dans mon cœur après un incident malencontreux. Lors d’un de mes défilés de rue. Les vacances de Carnaval durent une semaine en février, au cours de laquelle quatre jours sont bloqués/monopolisés par tous les adeptes du vidé. Courir le vidé consiste pour certains à se pavaner ou danser déguisés derrière un camion sur lequel est posé dix enceintes de 100 décibels minimum ! Pour d’autres, c’est faire partie d’un groupe musical, assisté d’un orchestre qui entonne les refrains les plus populaires.

Je devais avoir onze ans, quand je dansais et chantais à tue-tête derrière l’unique char qui animait ma commune de Saint-Joseph…“woulé, sé woulé mwen ka woulé, tout’ kôté mwen ka fè mwen mal, mwen pé pa woulé enkô*.” J’étais alors en liesse quand des émanations de gaz lacrymogène se sont déposées sur mon visage outrageusement maquillé pour l’occasion. J’ai aussitôt ressenti une rapide sensation de brûlure puis une incapacité à ouvrir les yeux.

J’étais épouvantée !

Tout d’un coup toute seule, désemparée et aveugle ! Il m’a fallu un petit quart d’heure pour retrouver la vue à force de larmes. Moins d’une demi-heure plus tard, j’étais sur le palier de ma maison à raconter mes déboires à mes sœurs !
Après avoir entendu plusieurs personnes de mon cercle proche évoquer les tumultes du carnaval de cette année-là, j’en avais conclu que courir le vidé devenait de plus en plus risqué pour la jeune ado que j’étais. Au moins, les Fêtes autour de la naissance du Christ transpiraient la compassion sans débordement périlleux. Je dis bien « autour de la naissance du Christ » car dès le 1er décembre, les groupes qui chantent noël organisent leur tournée dans des hangars, sur les places publiques, à la plage ou dans des salles de concert. J’aime chanter les cantiques de Noël sur le rythme embrasé des tambours où mon déhanché accompagne les changements de mesure. À ce moment précis, je ressens comme un envoûtement qui me procure une sensation de légèreté.

J’ai toujours aimé les promenades nocturnes mais celles de la mi-décembre, étaient remarquables ! J’étais proprement émerveillée devant les illuminations qui enrubannaient les maisons. Des guirlandes lumineuses rampaient sur les troncs d’arbres et dans les arbustes des jardins. D’autres dégringolaient le long des toitures, des portes et des fenêtres. Je passais devant un Père Noël et son traineau, un parterre de lutins rieurs, une crèche et ses rois mages… Un défilé de féérie une fois la nuit tombée. À croire que les habitants s’ingéniaient à faire mieux que l’année précédente… ou que leurs voisins !

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LE PLAISIR D’ÊTRE ENSEMBLE

Le dernier jour de classe de l’année tournait autour du 22 décembre. Je trépignais ! Ce Noël-là, j’avais environ treize ans et j’avais décidé de le passer chez ma cousine Véronique, son mari Thierry, et ses deux filles, Michelle et Florence. Chez Véronique, il y avait toujours une ambiance festive et je savais de fait à quoi m’en tenir. Les quatre frères et sœurs de son mari Thierry étaient également présents. Les préparatifs ont commencé au Pipiri chantant*** et la répartition des tâches s’est faite de façon très naturelle…

Les hommes se sont chargés de tuer et de découper le cochon et les femmes de s’accorder en cuisine. Oui, il y a encore de nombreux Martiniquais qui font de l’élevage et, à l’époque, l’abattage à domicile était encore autorisé. Je dois reconnaître qu’il est compliqué pour un Musulman pratiquant de passer Noël à la Martinique : le porc est mangé à toutes les sauces ! L’animal est grillé, roussi, préparé en chiktay, c’est à dire haché dans une sauce pimentée pour l’apéritif et également rehaussé aux quatre épices pour le boudin. Le boudin, c’est des mètres d’intestins de porc garni de sa viande ou au pain émietté, au lambi ou encore au poisson etc.

Mais depuis quelques années, le menu traditionnel de Noël est souvent complété par nos influences françaises… Foie gras, saumon fumé, fruits de mer, et même caviar parfois. En entrée, nous servons des tranches de jambon épicé, cuit au four, du boudin, des pâtés salés farcis à la viande de porc et des crudités pour nous donner bonne conscience ! Le plat de résistance coutumier est un ragoût de cochon entouré de pois d’angole et de choux de chine****. Et en dessert, c’est la fameuse bûche glacière ou pâtissière revisitée aux saveurs de chez nous !

Tous ces plats, de la première assiette à la dernière, nous les avons préparés en chantant et en dansant ! En écoutant les potins aussi, les ragots, les commérages… Entre les poêles et les faitouts, voilà qui ajoutait du condiment aux préparatifs. Ah ! il s’en dit de belles dans les cuisines ! Et j’étais trop occupée à en rire…

Entretemps, le surplus de viande de porc frais est alors pesé et vendu à toutes les personnes intéressées. Pas besoin de prospectus ni de spot publicitaire ! Juste le bouche à oreille suffit pour assister à un défilé de personnes venues des quatre coins de Saint-Joseph. Le soir, de retour à mon domicile, j’ai raconté ma journée à qui voulait l’entendre. Et mes sœurs étaient les premières à vouloir en connaître les détails. Ce jour-là Véronique avait gravé dans ma mémoire l’un de mes meilleurs souvenirs de Noël… Parce que deux ans plus tard, je m’envolais à bord d’un Boeing 777 pour intégrer le centre fédéral de basket de Toulouse. Mon Noël de basketteuse commençait mais comment oublier le Noël martiniquais…

Bon et joyeux Noël à tous !

SANDRINE

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