Rugby, VI Nations – XV de France – Un feu à couvrir

Le XV de France, deuxième du Tournoi des VI Nations, semble promis à un très bel avenir. Eclairage sur ce soudain changement.
notes

En ce dimanche de fin des VI Nations, jouons au renommé « Tu préfères ». Tu préfères gagner le Tournoi en ne montrant rien, du moins pas grand chose, ou finir deuxième après avoir éclaboussé de talent les rencontres face aux trois équipes (Angleterre, Galles, Irlande) ayant trusté douze des treize dernières éditions ? On se permet là – sachant que, très probablement, Eddie Jones ne lira pas ce papier – d’emmètre une belle critique au XV de la Rose, récent finaliste du Mondial, qui aurait très bien pu terminer quatrième du classement. Il doit sa victoire au point de bonus défensif arraché à Saint-Denis, à un match offert littéralement par l’Irlande de Sexton et Stockdale à Twickenham et on ne retiendra pas les piètres déplacements en Ecosse puis en Italie hier. La France a fini deuxième de ce Tournoi, et cela nous laisse des regrets !

Le meilleur résultat depuis des lustres

Et pas besoin de paire de lunettes futuristes à la Fabien Galthié pour s’apercevoir des criants progrès du XV de France en l’espace de quelques mois. Il y a un peu plus d’un an, les Bleus nous gratifiaient d’une nouvelle défaite encourageante en quarts de finale de Coupe du monde, tombant après avoir outrageusement dominé les Gallois (19-20). L’élimination, synonyme de retraite internationale pour l’emblématique Guilhem Guirado, avait permis à ce dernier de lâcher son ultime phrase de capitaine dans L’Equipe : « Tout le pain noir a été mangé ces dernières années ». Aujourd’hui, on a bien envie de croire le montpelliérain. Un nouveau staff, un nouvel effectif, pour une nouvelle vie. Du Stade de France au Stade de France, cette équipe tricolore a épaté la galerie par ses velléités offensives et retrouvé des aptitudes défensives épatantes. Le tout pour atteindre son meilleur résultat final depuis son Grand Chelem en 2010.

Tout d’une grande équipe ?

Ce n’est pas que du blabla, il y a de vraies, de réelles qualités dans ce groupe. Elles sont telles que, sur les deux précédentes victoires, les Bleus ont rendu une pâle copie disciplinaire, quatre fois plus pénalisés contre les Gallois (16-4), doublement plus que les Irlandais (14-7). Un total de fautes rédhibitoire – ou presque ! – à ce niveau-là, qui pourtant n’a pas gêné cette équipe. Il y a d’abord un immense travail effectué dans les têtes. Contrairement aux prédécesseurs, abonnés aux échecs dans le temps additionnel, la génération actuelle des Bleus semble d’un tempérament calme, celui qui façonne les grandes équipes (les All Blacks déroulant paisiblement contre l’Australie hier matin, ou l’Afrique du Sud imperturbable championne du monde il y a un an). C’est un calme qui permet à ce XV de France de rebondir collectivement lorsqu’il est désormais mené au score.

Des comportements exemplaires, dignes du maillot bleu

C’est aussi un comportement irréprochable sur le terrain. Celui d’Anthony Bouthier hier soir, les mains sur la tête, s’excusant de sa bourde au lieu d’aller négocier une clémence de l’arbitre. Celui de François Cros, plaqué sans ballon sur son action d’essai, qui tente de poursuivre sa course tant bien que mal, alors qu’un anglo-saxon ou un néo-zélandais (Farrell, Sexton, Biggar, McCaw, A.W. Jones), pardon, disons bien d’autres, auraient levé les bras au ciel et pesté. Toujours rester dans le match, dans le combat, même dans un temps faible, pour mieux repartir ensuite. Car avec un tel talent individuel, digne très probablement d’une quatrième nation mondiale – nouvelle place aujourd’hui – les Bleus peuvent voir venir. La défense fonctionne, les sécateurs Bernard Le Roux, François Cros ou Grégory Alldritt font fureur. N’oublions pas Julien Marchand et son instinct gratteur, imité hier par l’épatant Dylan Cretin.

Les possibilités offensives paraissent inépuisables

Si la défense va, comment dire pour l’attaque ? Elle vole ? Plus de 30 points inscrits en moyenne contre l’Angleterre, l’Irlande et Galles (les deux matches) et des essais de toute beauté. Le tout est lié à une connexion d’enfer entre l’ensemble des lignes. Les gros n’hésitent pas à lancer les courses, passer les bras et servir après contact. Le jeu va beaucoup plus vite, c’est clair et net, et tout le monde semble tenir physiquement. Les 3e ligne percutent, raffutent, courent, sont au soutien. La charnière Dupont-Ntamack est capable de tous les coups, crochets ou coups de pied par-dessus imprévisibles à l’appui. Gaël Fickou et Virimi Vakatawa possèdent une vision dévastatrice du jeu, libérant toujours plus d’espaces par leurs attitudes plus ou moins près des défenses. Il y a une émulation et quelque chose qui pousse à faire mieux à chaque fois.

Un XV de France tout feu tout flamme

Les discours d’en face paraissent unanimes, il subsiste peu de regrets au coup de sifflet final, symbole d’un XV de France qui met constamment la pression. Elle est plutôt rugueuse en défense, et surtout foudroyante en attaque. Qu’elle se retrouve à remporter des matches avec un nombre de faute encore beaucoup trop imposant, cela ne peut pas être que par des mauvaises prestations adverses. Les Bleus font mal, les Bleus font de nouveau peur. Les quatre matches à venir en seront, espérons-le, de nouvelles preuves. L’étincelle qu’ils ont allumée un après-midi de février lors du Crunch a fait naître plein d’autres petites braises qu’il faut dorénavant protéger.

Mathéo RONDEAU               

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