MATHIEU MANSET – LES PÉRIPÉTIES D’UN FOOTBALLEUR, MALGRÉ LUI

La carrière footballistique de Mathieu Manset n’a pas été un long fleuve tranquille. Après 7 pays et 13 clubs, l’attaquant a trouvé une formation pour vraiment exprimer son talent : le mythique club du SC Bastia. Il raconte avec ses mots son parcours atypique.
Mathieu Manset
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

La carrière footballistique de Mathieu Manset n’a pas été un long fleuve tranquille. Après 7 pays et 13 clubs, l’attaquant a trouvé une formation pour vraiment exprimer son talent : le mythique club du SC Bastia. Il raconte avec ses mots son parcours atypique. (Crédit photo Une : SC Bastia)

LE FOOT ANGLAIS POUR LANCER MA CARRIÈRE

Mon premier club a été Créteil, ma ville d’origine. J’ai ensuite été recruté par Grenoble à 15 ans pour ne rester finalement qu’une saison et atterrir au Havre AC qui m’avait proposé un contrat pour finir ma formation. Au bout de quelque temps, j’ai commencé à côtoyer le groupe pro notamment lors de la préparation estivale et des matchs amicaux. Le jour où je devais être avec l’équipe première pour la première fois en match officiel, je me suis blessé. Je n’ai jamais été rappelé par la suite.

L’agent d’un ami m’a proposé de venir faire un essai en League Two (quatrième division anglaise), à Hereford United, c’était en 2009. On connait la réputation du football outre-Manche : la ferveur des supporters, le jeu intensif anglais, c’est tout cela qui m’a attiré. De plus, c’était professionnel donc ça rentrait dans mes objectifs.

Les six premiers mois n’ont pas été simples. C’était la première fois que je quittais la France pour vivre dans un nouveau pays. Je ne parlais pas bien la langue, je ne connaissais personne avant d’arriver et c’était donc un vrai challenge, celui où l’on sort de notre zone de confort. Le challenge était aussi complexe au niveau du football avec un jeu différent, et le fait de ne pas vraiment pouvoir communiquer avec mes coéquipiers a compliqué la tâche.

Une fois que j’ai réussi à m’acclimater, tout s’est mieux passé pour moi. J’ai commencé à mieux jouer, à marquer. C’est une des leçons que j’ai apprises et qui s’est confirmée par la suite, il y a un temps d’adaptation plus ou moins long selon les cas, mais qui est nécessaire, et cela veut dire qu’il faut être patient, que ce soit le club ou le joueur.

Une des différences qui m’a marqué est que les joueurs s’amusent plus en Angleterre. Tout le monde rigole beaucoup dans le vestiaire, mais une fois sur le terrain, la concentration est à son maximum et on sent le vrai fighting spirit. Les joueurs se donnent à fond et ne lâchent rien, même à l’entraînement. Cela m’avait beaucoup changé de la France.

En Angleterre c’est très intense, tous les joueurs appellent la balle, crient, encouragent, replacent, et ça court partout. Le public participe aussi bien évidemment, avec des acclamations pour les gestes offensifs, mais aussi pour un tacle défensif. Le rythme est plus intense comme je le disais, et c’est vrai de la première à la dernière minute, il n’y a aucun relâchement. En France le jeu est bien plus technique, mais nous manquons un peu de hargne parfois.

Pour résumer cette période anglaise, je ne retiens que du positif, ça a été un énorme changement pour moi, mais très bénéfique, aussi bien au niveau du football qu’au niveau personnel avec un enrichissement important rien qu’avec l’apprentissage de l’anglais.

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À la suite de ma deuxième bonne année en 2011 je suis approché par Reading qui jouait en Championship (seconde division anglaise). Le coach me connaissait déjà, et le club avait besoin de mon profil.À 21 ans je me suis dit que c’était un bon choix d’aller dans un club qui me désirait vraiment et dont le coach me suivait depuis un moment. Je me rappelle d’ailleurs du jour où il est venu me voir pour me recruter : il sort son téléphone et me montre une note, « Mathieu Manset, 18ans Le Havre, doublé contre Lyon en phase finale ». Ce petit détail m’a donné confiance en lui.

Tout a bien débuté, je suis rentré en cours de jeu pour mon premier match contre Hull City avec près 25000 spectateurs. 10 fois plus que dans le stade où je jouais quelques mois plus tôt.

L’année se déroule bien, on arrive en play-off pour monter en Premier League et on perd contre Swansea. Pour ma deuxième année, cela s’est compliqué en arrivant vers décembre, je ne jouais plus trop et il y avait donc plusieurs options de prêt qui s’offraient à moi, en League One ou à l’étranger.

APPRENDRE AUX CÔTES DES PLUS GRANDS

Un club en Chine s’est montré intéressé pour un prêt, le Shanghai Shenhua. Nicolas Anelka jouait là-bas et je me suis dit que ce serait une superbe expérience d’apprendre à ses côtés pendant quelques mois.

Je ne connaissais pas grand-chose à la Chine. J’avais 4 mois à faire là-bas, mon objectif était de progresser à côté d’un modèle, et je n’ai même pas vraiment pensé au reste. En arrivant là-bas effectivement ça a été un petit choc culturel. Même si Shanghai est une grande ville, la différence avec l’Europe était importante. Je faisais face à la barrière de la langue encore une fois, car bien que maitrisant l’anglais après quelques années en Angleterre, ce n’était pas le cas de tous les joueurs ni des dirigeants. J’avais l’occasion d’échanger surtout avec deux coéquipiers qui parlaient anglais et Nicolas bien sûr. Il m’a d’ailleurs beaucoup aidé, m’a conseillé dès que je suis arrivé, que ce soit à l’entraînement, mais aussi en dehors du club.

C’était vraiment le début du championnat chinois, il a un peu plus éclos depuis, mais c’est vrai qu’en 2012 ce n’était pas encore très relevé ni connu. Malgré cela les installations étaient déjà dignes de grands clubs européens. Le stade faisait 40 000 places, on sentait qu’ils investissaient vraiment pour du long terme.

Il n’y avait pas une vraie culture foot présente comme en Europe ou en Amérique du Sud, mais plus d’un quart était rempli à chaque match. Cela reste correct, 10 000 spectateurs pour un Championnat qui commence sa phase de croissance. Il y avait même un kop, le stade ne sonnait pas vide.

En dehors du club, je passais beaucoup de temps avec Nicolas, ma famille qui venait me voir et les expatriés qu’on rencontre dans les endroits francophones. Mon passage là-bas a donc été une expérience enrichissante, j’ai eu du mal à m’adapter footballistiquement parlant sur du si court terme, 3 mois. Je garde d’ailleurs tous les conseils de Nicolas Anelka précieusement en tête, aussi bien sur le plan sportif que personnel.

Je reviens au bout de mon prêt en Angleterre, mais le Reading FC est monté en Premier League ce qui ne permettait pas d’être certain d’avoir du temps de jeu. J’ai eu des touches avec des clubs de division inférieure en Angleterre, mais c’est finalement le FC Sion qui m’a le plus séduit et j’ai signé 2 ans avec eux. Le projet était vraiment intéressant, le but était de se qualifier pour la Ligue des Champions et Gennaro Gattuso venait de signer. Encore une fois, apprendre et jouer au côté d’un joueur comme lui, champion du monde, est une chance inouïe.

En arrivant là-bas je me suis rendu compte que les infrastructures n’étaient pas à la hauteur des ambitions du club. Je me suis dit que ce n’était qu’un détail, ça ne changerait rien à ma façon de m’entraîner. Par contre, les fans étaient très actifs et mettaient une superbe ambiance dans le stade pour nous pousser vers l’avant.

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Avant d’arriver à Sion, on m’avait prévenu qu’il pouvait y avoir des soucis avec le président…Ça n’a pas manqué, les relations se sont rapidement dégradées et j’ai donc préféré changer d’air à la mi-saison.

Je reviens donc en League One en Angleterre à Carlisle United, un endroit que je connais, où je me sens bien et je suis en confiance. Pour me relancer, c’était l’idéal. J’avais signé 4 mois pour maintenir le club en League One et à la fin de l’année un club plus important est venu me chercher, Coventry City.

Tout a bien débuté et au fil des matchs j’ai perdu du temps de jeu et j’ai donc demandé à être prêté vers novembre, l’entraîneur ne voulait pas, car il comptait sur moi, mais en tant que remplaçant. Finalement l’ancien joueur de Chelsea, Floyd Hasselbaink était entraîneur en Belgique et il me connaissait depuis quelque temps. Après une discussion j’ai décidé de partir, et encore une fois la possibilité d’apprendre avec un ancien grand joueur m’avait séduite.

Je découvre un nouveau championnat, une nouvelle ville, un nouveau pays pour la quatrième fois à seulement 24 ans. J’ai vraiment aimé, il y avait un bon groupe, ma petite vie me plaisait, mais le seul problème qui a tout gâché est que je n’étais payé. C’est vraiment la seule chose négative de cette aventure…en fin de saison le coach est parti ainsi que les joueurs aux gros salaires, dont je faisais partie.

Je retiens malgré tout beaucoup de choses de ces trois expériences aux côtés de très grands joueurs. J’ai appris à leurs côtés, au niveau du football, mais aussi en dehors. Il n’y a pas de secret, les grands joueurs sont avant tout des grands professionnels. Ils m’ont appris à en faire toujours plus, ne serait-ce que rester 10 minutes supplémentaires après un entraînement pour trouver le bon mouvement, la bonne gestuelle face aux buts par exemple. Je me rappelle que Nicolas Anelka me disait qu’il fallait se procurer cinq occasions par match, et l’une d’elle rentrerait. Et je pense qu’être à leurs côtés au quotidien m’a donné confiance également.

LES ALÉAS D’UN GLOBE-TROTTER DU SPORT : BLESSURES, PROBLÈMES DE PAIEMENT ET DESTINATIONS INHABITUELLES…

Finalement je retourne une nouvelle fois, en Angleterre, en League One à Walsall. Après de bons débuts, je perds du temps de jeu et je décide de retourner en League Two à Cheltenham TFC pour obtenir du temps de jeu. À la fin de la saison je suis ouvert aux propositions, car je souhaite remonter d’un cran niveau football.

Quand on est jeune, on veut jouer tout le temps, on est impatient. On pense que ne pas jouer quelques matchs va nous porter préjudice pour la suite de notre carrière. C’est une erreur, on le voit avec des grands joueurs qui passent parfois un ou deux mois sur le banc avant de revenir en trombe. Il y aura toujours une opportunité pour inverser la tendance, une suspension ou une blessure d’un autre joueur, ou même un changement tactique. Il faudra juste répondre présent à ce moment et prouver qu’on mérite d’être titulaire. Ça ne se fera pas en un ou deux matchs bien sûr, mais en gardant un état d’esprit positif il y a de grandes chances que ça tourne en notre faveur.

Un agent est venu me voir pour me proposer la Bulgarie. Il s’agissait du Slavia Sofia qui évoluait dans la première division ou l’on peut trouver 2 ou 3 clubs de haut-niveau. J’avais deux amis qui avaient joué là-bas et pour qui tout s’était bien passé. Je me suis simplement dit que c’était une nouvelle aventure dans ma longue liste.

Malheureusement je me blesse très vite, et les problèmes n’arrivant jamais seuls nous n’étions pas payés. J’ai repris pour quelques matchs avant la trêve et à cette coupure nous avons décidé avec plusieurs joueurs de partir, car ils ne pouvaient pas nous payer.

Les problèmes de paiements sont assez courants dans le football, encore plus à l’étranger où les règles sont parfois plus souples. C’est dommageable pour les joueurs qui se retrouvent souvent démunis, ne sachant pas vraiment comment agir dans ce cas ou vers qui se tourner. La solution la plus simple qui s’offre à nous est de finir la saison en espérant que le club finira par payer, et en cherchant des solutions pour quitter le club au prochain Mercato. On continue donc l’entraînement et les matchs pour garder la forme et se faire voir par les autres clubs. Ces moments sont très difficiles et ce serait bien que les clubs soient plus contrôlés à ce niveau-là.

MATHIEU MANSET : SC BASTIA 2017/2018

La vie là-bas était agréable, j’ai été surpris dans le bon sens, car j’étais dans une grande ville, très belle, nous avions des bonnes installations, mais c’est vrai qu’autour c’était complètement différent. Les gens étaient assez ouverts, au contraire des villes de campagnes donc cela s’est bien passé pour moi.

En partant de Bulgarie, je signe à Marseille Consolat en National qui jouait la montée. Ce retour en France m’a fait du bien après tant d’années à l’étranger et tant de péripéties. Retrouver un groupe qui parle français, avec qui on a les mêmes références pour se chambrer, les mêmes délires, ça m’avait manqué.

En fin de saison j’étais arrivé en fin de contrat, mais je n’avais plus beaucoup d’options pour des problèmes de contrat fédéraux, et Chypre s’est présenté à moi.

À DEUX DOIGTS D’ARRÊTER MA CARRIÈRE…

Cette fois la destination faisait un peu plus rêver que les précédentes en termes de qualité de vie, et cela me permettait de retrouver le statut pro. Malheureusement les choses ne se sont pas passées comme prévu une nouvelle fois : les promesses sur l’appartement et la voiture par exemple ont mis longtemps avant d’être tenues, je n’ai été payé qu’au bout de deux mois, et dans ces conditions c’est toujours difficile de faire bonne figure.

Quelques souvenirs me viennent en mémoire : il restait deux matchs avant la fin du championnat, un contre le premier du championnat et un derby. Les dirigeants sont venus me voir et m’ont alors dit : “il faut absolument faire des bons résultats, si tu joues bien tu auras une récompense, etc..” Je me suis dit encore des promesses, mais bon, de mon côté je n’avais rien à perdre. J’allais tout donner pour ces deux derniers matchs rien que pour mon plaisir personnel.

Pour le premier match contre le leader du championnat, j’ai réussi à marquer et nous faisons un match nul qui satisfait tout le monde. Finalement vient l’heure du derby que le club n’avait plus gagné depuis 11 ans. Avec un but et une passe décisive, j’ai vraiment contribué à cette victoire, c’était l’euphorie.

Ils sont venus me voir le lendemain en me disant qu’ils voulaient me proposer un nouveau contrat. Dans ma tête à ce moment-là ce n’était pas possible, ils ne me paient pas pendant des mois et là ils veulent me faire signer un nouveau contrat. Je me suis dit que c’était terminé, je rentrais à Créteil et j’arrêtais le foot.

C’est un ensemble de choses qui m’ont conduit à cette décision, être footballeur n’est pas tout rose. Il y a beaucoup de dirigeants, d’agents, d’entraîneurs qui ne comprennent pas que derrière chaque joueur, il y a un être humain. On ne peut pas arrêter de payer quelqu’un du jour au lendemain, lui promettre des choses et faire l’inverse. C’est un vrai métier et des familles en dépendent derrière…J’étais un peu dégouté du foot à ce moment-là pour être honnête.

En rentrant à Créteil, je voulais reprendre le futsal, en amateur dans le club de mon frère, juste pour le plaisir. Finalement le club de Bastia est rentré en contact avec moi et j’ai été séduit par le projet. J’ai aimé leur façon de faire : ils m’ont invité à venir les voir, sans me pousser à signer tout de suite, j’ai eu le temps de visiter les installations, voir les équipes, discuter avec eux, visiter la ville et j’ai aimé. J’ai signé deux jours après pour un an plus deux autres années en option et depuis j’ai retrouvé le gout du football. On joue à Armand Cesari et il y a quelques milliers de spectateurs à chaque fois. D’un point de vue sportif, j’ai retrouvé mon niveau, avec des statistiques solides pour le moment qui me permettent d’amener ma pierre à l’édifice dans le projet du Sporting.

L’objectif est de remonter le plus rapidement au plus haut niveau. Tout est mis en œuvre pour, nous avons les mêmes conditions que l’équipe pro de l’année dernière.

Comme tout se passe bien tant au niveau personnel (14 buts en 17 matchs) qu’avec toute l’équipe. Je n’ai pas de raison de changer, aujourd’hui j’ai envie de stabilité, d’avoir la confiance du coach, pas de soucis extra sportifs, et de pouvoir profiter sereinement des quelques années qui me restent au haut niveau.

J’ai fait des erreurs parfois, j’ai été trop pressé peut-être, comme quand je suis parti en Suisse, car il y avait la possibilité de jouer la ligue des champions. Mais il faut  garder en tête que nous faisons ces choix souvent seul à un âge peu avancé sans vraiment avoir beaucoup d’expérience. C’est facile aujourd’hui avec du recul de juger tout ça, mais sur le moment on se fie plus à notre instinct qu’à autres choses.

Si je dois donner un conseil aux jeunes qui pensent à partir jouer à l’étranger, je dirais qu’il faut être sûr à 100% de la destination où vous allez que le club est stable, il faut avoir des garanties, c’est le seul moyen pour être dans les meilleures conditions sur le terrain.

MATHIEU

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