MATHIAS COUREUR – LA RAGE D’ÊTRE FOOTBALLEUR

A 29 ans, Mathias Coureur a déjà arpenté les terrains de France, d’Espagne, de Bulgarie, de Géorgie et du Kazakhstan. L’attaquant martiniquais vous fait découvrir son parcours haut en couleurs et ses expériences qui l’ont fait grandir en tant que footballeur et qu’homme. 
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Le french flair et l’envie de découvrir le monde ont aidé nos athlètes à exporter facilement leurs talents sur le globe.

A 29 ans, Mathias Coureur a déjà arpenté les terrains de France, d’Espagne, de Bulgarie, de Géorgie et du Kazakhstan. L’attaquant martiniquais vous fait découvrir son parcours haut en couleurs et ses expériences qui l’ont fait grandir en tant que footballeur et qu’homme.

D’après les souvenirs de mes parents, je marchais à peine, mais j’étais déjà tout le temps avec un ballon entre les pieds. Dans ma famille tout le monde joue au football, j’imagine que j’ai baigné dedans sans même m’en rendre compte.

Je suis né en Martinique et je suis arrivé en métropole à 4 ans. Nous avons emménagé à Sucy-en-Brie et j’ai pris ma première licence dans le club de la ville à 5 ans. Ma mère ne voulait pas m’inscrire, mais j’étais tellement déterminé qu’elle a finalement accepté. Ce n’était que le début d’une longue histoire avec le football.

Je me souviens d’une cassette dédiée aux exploits de Ronaldo. On me l’avait offerte et je pense que c’est le cadeau le plus rentabilisé que je n’ai jamais eu. J’aurais pu la regarder toute la journée si ma mère ne m’avait pas mis de limites. J’étais un vrai fan de ce joueur.

Je me rappelle d’une bêtise que j’avais fait un jour : il y avait un reportage sur lui dans Téléfoot un dimanche matin, en voyant ça je me suis empressé d’appuyer sur le bouton enregistrer du magnétoscope, peu importe la cassette qu’il y avait dedans. Le problème c’est que des amis de mes parents leur avaient prêté la VHS de Titanic…Et c’est donc sur celle-là que j’ai enregistré le reportage sur mon joueur préféré. Vous vous doutez de la réaction de mes parents, mais pour moi leurs amis étaient gagnants au change !

Encore aujourd’hui je pense que personne ne peut reproduire ce qu’il était capable de faire, c’est le meilleur joueur de tous les temps. Bon je n’ai pas vu jouer Maradona ou Pelé donc c’est vrai que chaque époque a son meilleur joueur.

FAN DU PSG ET DE RONALDO, LE VRAI

Enfant, j’étais fan du PSG, j’allais voir de temps en temps les matchs. Je savais qu’à chaque anniversaire, c’était mon cadeau. J’ai surtout eu la chance de jouer un tournoi au Parc des Princes. Quand on est petit, c’est un rêve. Je me rappelle aussi d’être allé voir des matchs de préparation pas très loin de chez moi, à Bondoufle dans le 91. Mon rêve était de jouer dans ce stade avec ces supporters et cette ambiance de fou. Je me souviens d’un match pour l’anecdote, Paris-Gueugnon en finale de la coupe de la Ligue, Paris perd et j’ai pleuré comme si j’avais subi la défaite.

Comme beaucoup de jeunes fans de foot en région parisienne, je n’étais pas très assidu à l’école. J’y allais surtout pour jouer à mon sport favori pendant la récré. Je faisais les équipes pendant l’heure de cours. Mais je n’étais pas un enfant turbulent, j’étais juste obnubilé par le foot : si on devait faire une rédaction je la faisais sur le foot, on me demandait quel métier je voulais faire je disais footballeur, etc. J’ai marqué mes profs sur ce point, et j’en ai recroisé quelques uns et sans savoir ce que je faisais de ma vie ils m’ont dit : tu es footballeur. Ma détermination se voyait.

Mes années dans des clubs amateurs en jeune ont payé, et je suis arrivé rapidement du simple fan joueur, au centre de formation d’un club reconnu comme le HAC, à 12 ans. A la fin de cette formation de 6 années, j’ai eu des discussions avec l’entraîneur Jean-Marc Nobilo qui voulait encore attendre un an avant de me faire signer pro. Je l’ai mal pris, car j’étais jeune et impatient, donc je suis parti à Créteil car c’était proche de chez moi et que j’étais un peu déçu du monde du football. Au bout de six bons mois, je pars à Beauvais en National et suite à de bonnes performances j’ai plusieurs touches avec des clubs pros de nouveau et je signe finalement au FC Nantes.

Mon objectif était de devenir professionnel et de jouer en Ligue 1, je l’ai fait à demi comme je dis souvent dans le sens où j’ai réussi à signer mon premier contrat pro à Nantes, mais je n’ai pas joué. Après comme pour beaucoup de jeunes, on nous fait des promesses qui ne sont pas forcément tenues et en même temps de notre côté on ne se donne peut-être pas tous les moyens pour y arriver.

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Après une expérience comme celle-ci, il est vrai qu’on se demande ce qu’on va faire et ce qu’on peut faire. Me concernant je n’avais pas de diplôme ayant consacré ma jeunesse au foot, donc je n’avais d’autres choix que de persévérer dans ce que je sais faire, ce que je maîtrise : le foot.

Il y a beaucoup d’anciens coéquipiers qui ont tout abandonné et c’est un des dangers des centres de formation, on néglige un peu le côté scolaire en pensant qu’on deviendra tous pro, et quand on fait face à la réalité, on est tellement déçu qu’on arrête tout.  Il y a plusieurs facteurs qui rentrent en compte également, la chance, être là au bon moment au bon endroit. Les blessures entrent en jeu également, celles des autres et les nôtres. Parfois tout se passe bien avec un coach, il part et la tendance s’inverse, et vice versa.

NE RIEN LÂCHER POUR RÉALISER MON RÊVE

Mon passage à Nantes a été mitigé. J’ai eu un souci extra sportif, le club l’a mal interprété et m’a sanctionné en me prêtant à Gueugnon. Le début était difficile, mais ma situation s’est améliorée par la suite. Je suis revenu à Nantes où j’ai fait une saison blanche en Ligue 2, et je n’ai joué qu’en CFA avec l’équipe réserve. À partir de ce moment-là, j’étais rayé de la liste pour tous les autres clubs de Ligue 2 et Ligue 1. Donc je n’avais pas le choix que de tenter l’aventure à l’étranger.

L’échec c’est un leitmotiv. Un de mes coachs, Yoan Louvel, me disait tout le temps « qu’il faut savoir perdre pour ne plus jamais vouloir connaître ce sentiment ». Le problème est qu’à l’inverse on dit souvent que l’important c’est de participer en France, mais ce n’est pas ma vision des choses.

J’ai fait quelques essais, notamment en Grèce où tout s’était bien passé, à Dubaï également et au Maroc. Mais j’avais un ami, Florian Taulemesse (qui est actuellement meilleur buteur du championnat de Chypre) qui m’a dit que si je n’avais pas d’activité, je pouvais m’entraîner avec son club. Il jouait en Espagne en troisième division au Orihuela CF, et ce que je ne savais pas c’est que j’étais en train de passer un test. Le coach venait souvent me voir en me parlant de signature éventuelle, je n’étais pas trop intéressé et mon ami Florian faisait le traducteur mais il modifiait mes propos en disant que j’avais besoin de réfléchir, sans fermer la porte. Je suis resté presque un mois à m’entraîner avec eux en attendant de voir si un contrat d’un autre club allait arriver et finalement en ne voyant rien de concret j’ai préféré jouer la sécurité et j’ai signé dans ce club pour 3 ans.

Au départ ça s’est très bien passé, j’ai repris confiance et j’ai fait une bonne saison, on a même parlé de moi dans un club de première division. Donc je suis passé de rien à tout ça en quelques mois.

Au bout de quelque temps, j’ai eu quelques soucis personnels et j’ai voulu faire une pause. Ma mère était en Martinique et je suis parti la rejoindre. Dans ma tête le foot était mis de côté, mais une fois en Martinique j’ai joué aux Golden Lions pour le plaisir, c’était une ambiance très conviviale, j’ai été très bien accueilli et cela m’a vraiment redonné goût au football.

Au bout de 6 mois, j’ai donc décidé de retourner en Espagne au Huracan CF, toujours en 3ème division. Ma dernière saison ne se passe pas très bien. J’avais des touches en Bulgarie depuis un petit moment et comme c’était une 1ère division j’étais tenté par cette expérience. J’ai donc joué au Tcherno More Varna. Les débuts ont été difficiles, je ne jouais pas beaucoup, on parle toujours de cette expression, mais c’est vrai, la période d’adaptation existe et il faut être patient. Un nouveau coach est arrivé au bout de quelques mois et m’a laissé une chance. Il m’a dit avant le match contre une équipe de 2ème division, Sozopol, “si tu joues bien je te garde, si tu joues mal tu prends tes affaires en décembre et tu pars“. Moi je dis ok, pas de soucis, j’aime les challenges et l’honnêteté.

J’ai joué, j’ai marqué et j’ai fait une passe décisive. Les quelques matchs d’après se soldent par des buts ou des passes décisives pour moi, j’avais gagné la confiance du coach et la mienne par la même occasion. Je termine meilleur buteur de l’équipe, on gagne la coupe de Bulgarie et je mets le but décisif en finale. Je termine d’ailleurs meilleur buteur de mon équipe toutes compétitions confondues.

Lors de ma période au Tcherno More Varna

Comme je vous disais parfois la chance joue un rôle, il aurait pu ne pas me laisser ma chance et me transférer à la trêve. Bien sûr il faut aussi saisir cette opportunité au bon moment, j’ai eu la chance et le mental pour le faire. L’année d’après, on gagne la Supercoupe et je termine 3ème meilleur buteur du championnat, alors que j’étais à deux doigts de faire mes valises un an plus tôt. Le football va très vite dans un sens comme dans l’autre. J’avais une super relation avec les supporters et eux aussi ont contribué à mon bonheur. Être acclamé dans un stade est quelque chose de vibrant. Pour l’anecdote il y a eu un souhait du club de baptiser une des tribunes à mon nom, ça ne s’est pas fait au final, mais c’était déjà un honneur qu’ils y aient pensé.

Ma vie en Bulgarie était plaisante. J’avais des amis dans l’équipe bien sûr, des Serbes, des Espagnols, mais aussi des Bulgares en dehors. Je sortais beaucoup prendre des cafés, manger au restaurant, tout est plus abordable qu’en France et l’ambiance est bonne. Il y avait plein d’activités possibles donc j’en profitais au max surtout l’été.

Suite à mes bonnes performances, j’ai eu quelques contacts avec des clubs de pays différents, mais dans certains pays il y a des problèmes de paiement et il faut faire attention. Un club de Ligue 2 en France m’a également contacté, mais avec une offre qui n’était pas digne.

A LA DECOUVERTE DE L’EUROPE ORIENTALE

J’ai choisi Tbilissi, car en visitant le club j’ai constaté qu’ils avaient des installations comme jamais je n’avais vu et un projet sportif ambitieux. Ils avaient gagné la coupe d’Europe des vainqueurs de coupes il y a une trentaine d’années et ils voulaient renouer avec ces bonnes performances européennes. Ils jouaient le tour préliminaire de la Ligue des Champions et comme n’importe quel fan de foot ça a toujours été mon rêve d’entendre cette petite musique en entrant sur la pelouse. Nous avons joué deux tours et nous avons été éliminés par le Dynamo Zagreb. Nous avons été reversés en Europa League et éliminés par le PAOK Salonique. Par la suite ça ne s’est pas passé comme prévu, il y avait des problèmes de paiements dès le début avec les étrangers notamment et tout cela a précipité mon départ au bout de deux mois. Le président voulait se débarrasser des étrangers, vu que nous n’étions plus en coupe d’Europe.

J’ai eu de nouveau quelques touches qui ne se sont pas concrétisées au dernier moment. Finalement, la lanterne rouge du championnat bulgare m’a offert ma chance avec un contrat contenant un accord pour me laisser partir en décembre si un autre club se manifestait, en l’échange du remboursement des salaires.

Quelques mois plus tard, on sort de la zone de relégation, je suis meilleur buteur de l’équipe et en décembre le FC Kaysar Kyzylorda (au Kazakhstan) me veut et j’y suis depuis. Tout se passe bien, j’ai un coach, Stoycko Mladenov, qui a joué la coupe du monde en France avec la Bulgarie justement et avec qui j’apprends beaucoup.

La vie au Kazakhstan n’est pas si facile. Les gens ne parlent pas tous anglais. Heureusement nous sommes cinq francophones, dont un, Abdel Lamanje, qui parle russe. J’essaie d’apprendre également quelques mots bien-sûr. Je ne peux pas me plaindre, car tous les gens du club prennent soin de moi. Ils sont tous très gentils. C’est un pays bien différent, avec une culture à l’opposé de notre culture occidentale. Étant un homme de couleur, je sais que leurs paroles ou actes peuvent me blesser, mais ce n’est pas forcément du racisme comme on peut le connaître parfois en France ou en Espagne etc… Là c’est plus de l’ignorance qu’autre chose. Ils ne sont pas habitués et donc je sais que ce n’est pas méchant. J’ai des amis français qui viennent me voir et j’ai toutes les chaînes françaises donc au final j’arrive à vivre ma petite vie, en étant focus sur le football.

Ma première expérience en Espagne m’a beaucoup appris. Il fallait s’adapter à un nouveau pays, une nouvelle langue et un autre football. Après ce pays reste similaire à la France sur plein d’aspects, c’est vraiment en Bulgarie que je me suis forgé un mental et ça m’a appris à ne pas avoir peur de l’inconnu. Il n’y a aucun pays où je n’irais pas maintenant. Au contraire même, j’ai envie d’en découvrir toujours plus. J’ai rencontré des gens formidables dans toutes les villes où je suis passé. Je n’aurais sans doute jamais connu tout cela sans le football, moi le petit Martiniquais de Sucy, qui n’allait à l’école que pour s’amuser à la récréation. Maintenant je parle plusieurs langues, j’ai appris énormément de toutes les cultures que j’ai découvert au fil de mes expériences. Et ce n’est pas terminé.

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Quand j’étais petit, j’avais eu des touches au PSG pour rejoindre les équipes jeunes. J’ai déçu mon père, car j’ai préféré signer au Havre. Il ne comprenait pas ma décision, car c’était mon club de cœur, celui dont je rêvais. Je lui avais dit : « je jouerais en pro au PSG un jour ». Je n’ai pas eu cette carrière, mais au final mon père est venu en Bulgarie un jour. Il a vu le stade scander mon nom et m’acclamer et ça l’a rendu fier comme jamais j’aurais pu l’espérer. Ma mère est venue également et ce qui l’a rendu fière, c’était les gens qui lui disaient « merci pour avoir mis au monde et élevé votre fils ». Mon niveau de football lui importait peu, mais quand les gens lui disaient que j’avais des valeurs, que j’étais bien élevé, c’est là que ça la touchait.

C’était un beau cadeau dans le sens où quelques années plus tôt ils ont eu peur quand je suis parti à droite à gauche pour le foot. Les parents s’inquiètent et c’est normal. Mais il faut faire confiance et nous soutenir, le reste, nous les jeunes on peut le surmonter.

Avec des amis d’enfance de mon quartier nous avons d’ailleurs créé une association dans le but d’aider tout le monde, peu importe le pays d’origine, la religion ou la couleur de peau. L’origine de cette association vient de la mort d’un de nos amis, Toumani Sako. Sa famille n’avait pas les moyens pour rapatrier son corps au Mali et avec les habitants du quartier nous nous sommes cotisés afin de rentre cela possible. Nous avons voulu prolonger cette idée d’aider les personnes dans le besoin avec l’association Umma’Nité.

Comme je vous disais je sais d’où je viens, mes amis également, et nous trouvons ça normal de contribuer à notre façon en retour. Nous avons déjà fait des actions pour les jeunes de notre quartier ou les personnes dans le besoin, pour des sans-abris en France, pour des réfugiés syriens et quelques missions à l’étranger également au Cameroun et au Mali notamment.
Il y a beaucoup d’entraide dans les quartiers en France et c’est une image qu’on ne montre pas souvent mais qui me tient à cœur. Au départ nous faisions cela avec notre propre argent, et de l’argent récolté dans le quartier mais nous avons grandi et nous avons maintenant besoin de dons de toute le monde.

J’ai bientôt 30 ans et je souhaite continuer à jouer, profiter de découvrir des nouvelles choses, pour ne pas avoir de regret. J’ai la chance de faire ce que j’aime, pour la suite, je pense rester dans ce milieu. J’ai fait pas mal de passages télés et j’ai eu de bons retours, donc pourquoi pas évoluer dans ce milieu-là. J’adore parler football, je suis un passionné comme je l’ai dit donc dans 10, 20, 30 ans je serai toujours là, à vous parler de football, encore et encore.

MATHIAS

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