Jean-Baptiste Grange – Le Slalom, un défi de longévité

Jean-Baptiste Grange, la légende française du slalom nous raconte les difficultés pour rester performant après tant d’années sur les skis.
GRANGE Jean-Baptiste

Jean-Baptiste Grange – Ski

Slalom : #Équipe de France #Champion du Monde de Slalom 2011, 2015  #Petit Globe de cristal Slalom 2009 #Médaille de bronze aux Championnats du Monde de slalom 2007

(Crédit photo Une : Agence Zoom).

34 ans… je skie toujours avec la même passion.

Cela fait presque 15 ans que chaque année je repars avec des objectifs, des ambitions, des aspirations. Le Jean-Baptiste d’aujourd’hui est donc différent de celui qui a gagné le Globe du slalom en 2009.

Il y a eu pas mal d’évolution ces dernières années dans la pratique et il a fallu aussi se remettre en question de mon côté. Depuis 15 ans que je suis en coupe du monde, le style a évolué, les équipements aussi. L’éclosion de garçons comme Marcel Hirscher, Henrik Kristoffersen ou Clément Noël aujourd’hui fait également évoluer la discipline, car ils amènent tous quelque chose de nouveau.

C’est justement ce que j’aime, cette évolution que je peux voir au jour le jour, technique et matérielle, qui me fait encore progresser donc c’est toujours prenant et intéressant de voir que j’ai encore des nouvelles choses à expérimenter malgré mes années de compétition derrière moi. Pour être honnête, en 2014 j’étais encore dans le coup, je faisais une belle saison avec une 8ème place mondiale, pas loin de gagner une médaille aux Jeux. 2015 fut plus en dent-de-scie malgré un titre de champion du monde et les deux années suivantes ont montré une sorte de creux dans mes performances.

Il y a eu des évolutions, des jeunes qui sont arrivés, mon ski était obsolète sur certains points et ce n’était pas simple d’évoluer. D’autant plus que j’avais eu une période où j’étais dans le haut du classement et donc un peu en avance au niveau du ski, et là je me retrouvais un peu dépassé.

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UNE MATURITÉ AU SERVICE DE MON CORPS ET DES JEUNES SKIEURS

Il a fallu une vraie remise question, qui ne se fait pas du jour au lendemain. J’avais ma façon de faire qui avait très bien marché et là il fallait tout remettre à plat pour examiner ce qu’on pouvait changer, améliorer, garder, et repartir de là. Trois ans plus tard, je commence à récolter les fruits, car je me sens beaucoup mieux, et cela est vraiment visible lors de courses où je suis un peu moins en forme ou que la piste ne m’inspire pas trop. J’arrive à rester dans le coup et faire des places d’honneur là où j’aurais terminé au-delà de la 25ème place il y a deux ans.

Cette discipline nécessite beaucoup de dynamisme et d’explosivité, et forcément avec l’âge on en perd un peu. Julien Lizeroux aujourd’hui du haut de ses 39 ans faire figure d’ovni, car même les très grands comme Matt kostelic et Benjamin Raich commençaient à vraiment décliner vers 34/35 ans. Pour la descente c’est l’inverse, on se bonifie et on dit que l’âge idéal est aux alentours de 35 ans, alors qu’en slalom à 23/24 ans tu peux être le meilleur.

Le challenge est donc là, garder ces qualités de dynamisme et d’explosivité, car c’est difficile de compenser avec autre chose sur ce genre de course, on peut avoir plus de lucidité, mais ça ne nous fera pas totalement rattraper ce désavantage dû à l’âge. Donc notre entrainement est basé sur cela forcément.

J’ai toujours eu des problèmes de dos depuis tout petit. Ça a toujours été quelque chose qui m’a suivi dans ma carrière donc je dois prendre les précautions tout au long de l’année pour limiter les effets.

C’est sûr que j’ai eu des blessures, genoux, épaules, qui ont quelques séquelles à mon âge et qui font que je n’ai pas le même corps qu’à mes 20 ans. Je fais un gros travail de renforcement, d’assouplissement, et un travail en postural pour me permettre de diminuer ces douleurs. Les prépas sont en général difficiles, on sollicite beaucoup le corps et cette année j’ai innové et je suis resté dans ma ville, et j’ai fait beaucoup d’activités outdoors, VTT, randos, de la natation également. J’ai vraiment tenté une nouvelle approche sur cette préparation et ça m’a fait le plus grand bien.

J’ai rejoint le groupe France par la suite, ce qui était plaisant, car il me manquait quand même un peu ! Il faut absolument créer une dynamique avec tous les skieurs avant que la saison ne débute. Le stage à Ushuaia a aussi été un super moment avec les gars, pour la première fois on logeait en haut des pistes dans un chalet et ça peut paraître un détail, mais ça a son importante quand on ne perd pas quasi 2 h par jour pendant une vingtaine de jours dans le transport. Ça nous permet de nous relaxer plus, d’avoir des apéros plus longs entre nous, de créer des petits moments conviviaux tout simplement qui redonne de l’énergie à chacun.

L’ambiance de groupe est aussi quelque chose qui j’apprécie, un mélange d’expérience et de jeunesse. C’est donc un groupe hétérogène, mais où règne une superbe ambiance, avec les coachs également. Et ça nous fait aimer ce qu’on fait et c’est pour cela qu’on continue.

En tant qu’ancien avec Julien Lizeroux, nous sommes là pour partager ce qu’on a vécu si les jeunes le demandent. Mais quelqu’un comme Clément a sa méthode, qui fonctionne super bien et il faut qu’il la garde, sa fraicheur également. S’il y a des moments de doutes pour certains, c’est là où l’on doit être présent pour eux, il faut constamment qu’on encourage les gars. Il est indispensable d’avoir du lien entre les générations pour ne pas commettre les mêmes erreurs et pouvoir s’appuyer sur des soutiens. Mais au final c’est un apport dans les deux sens, Clément par exemple m’a beaucoup apporté, techniquement notamment j’ai bien appris de lui.

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APPRENDRE À PROFITER

Mes objectifs aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’il y a 5 ou 10 ans. J’ai moins de pression que le temps où j’étais un des, voir le, leader français. Il y avait une agitation autour de moi qu’il n’y a plus, donc je peux me concentrer principalement sur mes performances avec pour but de revenir au haut-niveau et d’essayer d’accrocher le top 10 autant que possible et refaire des belles courses.

Le plaisir est pris différemment également. J’ai des proches qui me disent « allez fais toi plaisir », mais je ne peux pas descendre le parcours en me disant tiens je fais une belle courbe, etc.… , je finirais dernier. Ce plaisir est dans le combat, dans le fait de ne rien lâcher et d’arriver en bas en ayant fait le moins possible d’erreurs et en accrochant un top 10. Avant il me fallait un top 3 minimum pour être satisfait de ma course.

Cette année j’ai fait une 5ème place à Levi. Et cela avait un gout de victoire. Ou lorsqu’on était 5 français dans les 12 premiers à Adelboden. C’est aussi du partage de bonnes performances avec le reste de l’équipe, on se réjouit pour les copains.

Par contre lors d’une compétition je vais plus profiter de l’évènement en lui-même. Quand avant j’étais très focus non-stop aujourd’hui je vais lever la tête en arrivant et regarder ce qu’il se passe, avec un peu plus de recul et de temps pour moi.

Au niveau mental forcément on évolue. Je suis dans une discipline, le slalom, où la densité des prétendants est très importante et très internationale, car il est pratiqué partout à la différence d’autres disciplines où il faut parfois des infrastructures plus importantes. On peut retrouver des anglais, des russe, qui sont capables d’aller très vite en slalom.

Mentalement une compétition, ce n’est pas évident, on ski sur deux manches, c’est vrai que la première manche conditionne forcément la 2ème, c’est donc là ou l’aspect mental rentre en jeu. Savoir se servir de ce qu’il s’est passé, positivement ou négativement dans cette première manche pour en faire une force dans la seconde, s’en servir comme motivation.

Aujourd’hui je pars souvent entre la 15eme et la 20eme place. Si je fais une bonne première manche, je peux me placer 10ème, mais je vais repartir pour la seconde à la 20ème place et le problème c’est que les personnes qui sont parties devant envoient comme des fous et je me retrouve dans un ventre mou.

SUIVRE SES ENVIES

La fin de carrière, j’y pensais en début de saison, mon sentiment changeait d’une course à l’autre. Parfois je me disais que ce serait trop que c’était ma dernière année, puis à d’autres moments j’avais cette sensation que skier c’est fabuleux et que je voulais continuer.

Je n’ai pas de pression particulière, il y a des jeunes qui arrivent, le corps qui vieillit.

Mes objectifs étaient difficiles à définir en début de saison, je savais que je n’aurais pas une médaille au bout, mais donc je décrirais plutôt cela comme un challenge, qui est de finir au maximum dans le Top 20 à chaque course et aller chercher quelques tops 10 dans la saison comme j’ai déjà pu le faire ces premières semaines.

Malheureusement je me suis blessé à nouveau au genou, un nouveau coup dur, et pour l’instant pas de décisions prises pour la suite de ma carrière. Ce sont des risques malheureusement inhérents à notre sport. Je retiens, malgré tout, tout le chemin parcouru pour revenir à un bon niveau, l’évolution technique, et tout ce travail qui commençait à payer. Les mois qui viennent vont me permettre de décider si je souhaite relever ce nouveau défi, et si l’envie est toujours présente au fond de moi !

JEAN-BAPTISTE

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