JEAN-BAPTISTE GOBELET – 1ÈRE PARTIE : TOP 14, HCUP, PLUS GRANDS JOUEURS

Retour sur la carrière de Jean-Baptiste Gobelet, ailier du Biarritz Olympique de 2002 à 2011, avec le principal intéressé.

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Originaire du Limousin, d’ailleurs licencié dans un premier temps à Limoges puis Isle, Jean-Baptiste Gobelet est bien entendu connu dans le monde du rugby pour avoir occupé le poste indéboulonnable d’ailier du Biarritz Olympique durant la fastueuse période du club basque. Arrivé en provenance de Clermont en 2002, il décrochera en rouge et blanc deux titres de champion de France, dont le premier de l’histoire du Top 14, et atteindra par deux fois la finale de Coupe d’Europe. Avec nous, Jean-Baptiste Gobelet revient sur le phénomène Biarritz de l’époque, sur ses zéro sélection en équipe de France, et les joueurs qui ont marqué sa carrière.   

 – De la finale du Top 14 2005-2006 contre Toulouse (remportée 40-13), de quoi vous souvenez-vous ?

Je me souviens surtout d’une saison très longue, où on jouait sur deux tableaux avec la Coupe d’Europe et le championnat. C’était un gros soulagement, le fait de gagner largement et de pouvoir profiter vingt minutes avant la fin du match. On avait aussi joué une demie assez compliquée contre Perpignan et on avait vraiment une grosse fatigue mentale qui s’accumulait. Jusqu’à la mi-temps, c’était très serré (9-6 pour le BO). Et ça s’est déverrouillé en seconde mi-temps, avec l’essai que je marque après une percée de Damien (Traille) que je suivais à chaque fois. On avait un système où l’ailier était placé à l’extérieur du n°10, ce qui permettait à Damien de prendre les intervalles. Et ensuite, il y a eu un enchaînement d’essais, tout nous réussissait. Je me souviens de la réception de Nicolas Brusque dans les airs et de son coup de pied vers l’en-but pour Sireli Bobo avec sa vitesse de pointe considérable. On était sur un nuage. Gagner largement contre Toulouse en plus, un monstre du rugby, c’est une réelle performance.

– Le BO démarre la phase finale en 2006 quelques jours après la défaite contre le Munster en HCup. Comment le groupe est-il parvenu à la digérer rapidement ?

Cette défaite, elle a fait mal. C’était un match, au Millenium de Cardiff, face au Munster qui n’avait jamais gagné la Coupe d’Europe. Il y avait une ambiance indescriptible, folle. On perd de peu, c’est un match qui aurait pu tourner en notre faveur. Une finale c’est toujours dur à digérer. On a eu deux, trois semaines pour se remettre la tête à l’endroit avant les play-offs. On avait pas du tout envie de faire comme le Stade Français la saison précédente (qui avait perdu les deux finales), ça m’avait marqué. Je pense que le groupe, malgré la fatigue, a su trouver les ressources pour donner le dernier coup de collier et valider la saison 2006 qui était exceptionnelle. La phase finale avait été très compliquée, on a fait une préparation style stage commando pour préparer la demie contre Perpignan. Je me souviens des longues séances. Au coup de sifflet final de la saison, la réaction de l’équipe c’est beaucoup de soulagement.

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– Ce titre acquis en 2006, vous le considérez plus comme le deuxième de suite avec le BO ou le premier de l’histoire du Top 14 ?

Top 16 ou Top 14, pour nous c’est pareil. Ce titre-là, c’est celui du doublé du BO. C’était une fierté pour ce groupe-là parce qu’on avait toujours faim, et c’est l’envie collective qui faisait notre force. Il fallait se coltiner les Stade Français et Stade Toulousain, grosses écuries, en phases finales. On a construit l’histoire du BO avec le titre de 2002. Là, ça faisait trois titres en l’espace de cinq ans, donc c’était un marqueur fort.

– La finale 2004-2005 est restée dans l’histoire par son scénario et son dénouement en prolongations (victoire 37-34 contre le Stade Français). Comment la vivez-vous sur la pelouse ?

Alors-là, c’est vraiment un réel cauchemar. On vit une tension et un engagement féroces. Parce qu’il y avait un antécédent, un petit contentieux avec le Stade Français, d’un point de vue collectif mais aussi personnel. Trois semaines avant les phases finales, j’avais pris un très mauvais coup, je m’étais cassé les côtes sur un maul (contre Paris). Je n’étais pas censé faire les play-offs, mais j’ai quand même joué la demie et la finale avec une protection et une infiltration (anesthésique). Et pour la petite anecdote, l’infiltration devait uniquement faire effet pendant quatre-vingt minutes… La douleur s’est faite croissante à partir de l’heure de jeu, on voit que je suis victime de fortes crampes dues à l’anesthésie. Une victoire dans la douleur, on avait commencé la partie par une bonne bagarre générale. Il y avait beaucoup d’envie de revanche, on avait perdu contre le Stade Français en demie de HCup de façon ubuesque en prenant un essai à la 88e minute. L’envie était décuplée. La finale était engagée. On a eu la chance d’avoir un Dimitri Yachvili de haut vol. Je marque le premier essai sur une situation d’avants, puisque je poussais en 3e ligne en mêlée après le carton de Jérôme Thion. Ca m’a fait rentrer dans le match. De ce point de vue, ça reste un très bon souvenir. Je retiens aussi le drop de Julien Peyrelongue, on en parle pas assez, mais il nous permet de garder le score en prolongations. Tout le monde a haussé son niveau. 15 ans après, il y a toujours autant de plaisir à revoir cette finale.

– Lequel des deux titres nationaux vous rend le plus fier ?

La première fois, c’est toujours spécial. On n’était pas habitués à ce genre d’émotions. Je pense que 2005, par le scénario, ça décuple les émotions. 2006, c’est différent, parce qu’on avait profité sur le terrain. Là, la victoire n’était pas du tout acquise. On en reparle encore, c’est quelque chose qui a marqué.

– Laquelle des deux défaites en finale de HCup vous laisse le plus de regrets ?

Plus la première (contre le Munster en 2006, 19-23) que la seconde (face à Toulouse en 2010, 19-21). En 2010, je dirai qu’on avait un groupe moins fort que sur 2006. On va en finale mais on n’avait pas la même puissance et la même force. En 2006, le parcours était assez incroyable, on avait une force collective énorme. On est passé très très près face au Munster. Ca restera néanmoins un des plus gros moments de ma carrière, dans cette ambiance de folie. Il y avait eu un avant-match et un match exceptionnel. Je me rappelle, avec Serge Betsen, quand on rentre sur le terrain, d’avoir senti la pelouse vibrer. On ne savait pas trop ce qu’il se passait, on pensait presque que ça allait s’écrouler tellement il y avait de bruit. On avait eu de gros problèmes de communication avec Sireli Bobo et Nicolas Brusque, on avait du mal à se placer sur les jeux au pied. Il y avait quelque chose de très impressionnant.

– Pas de sélection en Equipe de France, est-ce une déception ?

Forcément, un petit peu. Mais pas de regrets par rapport à la situation. C’était une période assez dense, c’était la préparation de la Coupe du monde (il était dans la liste élargie pour le Mondial 2007). Il y avait beaucoup de joueurs à leur apogée, Dominici, Rougerie, Heymans, Clerc. Après 2007, il y a eu un nouveau sélectionneur et un nouveau groupe. J’ai fait toutes les sélections depuis le début, de France U18 aux Barbarians en passant par le VII, mais il me manque un peu cette reconnaissance internationale, c’est comme ça. Il n’y a pas de regrets là-dessus.

– Si vous deviez donner l’homme le plus fort avec qui  vous avez joué ?

J’ai eu la chance de jouer avec Thierry Dusautoir en France jeunes. Déjà à l’époque, il était au-dessus du lot. C’était un joueur très propre, ultra redoutable défensivement. Il a la carrière qu’il a eu, meilleur joueur du monde quelques temps, une valeur sûre, un mec en or. C’est un des joueurs qui m’a le plus marqué par sa constance à la fois physique et mentale. C’est du lourd. J’ai d’ailleurs joué contre lui après, puisqu’il est à Toulouse pour la finale de HCup en 2010. Après le match, il est venu à table avec la Coupe d’Europe, et on a bu un coup avec le trophée qu’on avait perdu en face de nous.

Au rugby à VII, j’ai fait quelques années avec Vakatawa, un phénomène. Il est arrivé sur la pointe des pieds du Racing et dès les premiers matches on a senti un gros plus côté français. On a vite vu qu’il fallait lui passer la balle, c’est un joueur qui traversait le terrain. Il faisait partie des meilleurs joueurs du monde. Son parcours à XV ensuite ne m’a pas du tout étonné.

– Et l’adversaire le plus fort ?

Sur un autre registre, un joueur comme Sergio Parisse. J’ai eu la chance de le côtoyer avec le Stade Français en 2011. C’est un numéro 8 des temps modernes, avec une qualité technique incroyable, un peu comme Imanol (Harinordoquy). Sa grosse force, c’est sa technique et son leadership. Il est ultra solide, il arrive à faire la différence sur une passe, sur du jeu au pied. Pour moi, il est dans le Top 10 des meilleurs joueurs de sa génération. Côté arrière, j’aurais dit Jason Robinson. J’ai joué contre lui lorsqu’il était à Sale, on se bataillait entre Bobo, Bidabé, Brusque et moi pour savoir qui prendrait qui, et à chaque fois je me coltinais ce genre de joueurs. J’ai fait deux-trois face à face avec Robinson. Il part en travers et tu ne sais jamais à quel moment il va te faire décrocher intérieur ou extérieur, très compliqué à défendre. On avait réussi un petit plan contre lui en HCup, en montant en pointe pour éviter qu’il ait les ballons. Il était ultra dangereux, il ne fallait pas lui laisser d’espaces.

A VII, il y a Dan Norton, un des meilleurs marqueurs du World Series. Il a des tests hyper rapides sur 60m. C’était un adversaire très redoutable quand je jouais, on se tirait la bourre. On avait des amis en commun, et avant les matches il y avait quelques challenges. On savait que si on lui laissait 5m de couloir, c’était mort “.

La suite demain…

Propos recueillis par Mathéo RONDEAU

 

 

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