FRANÇOIS BARRER : RENAISSANCE SUR LA PISTE

François Barrer, spécialiste du 5000m, se livre aujourd’hui Sans Filtre sur son parcours. Alors qu’il était en passe d’arrêter sa carrière, il a retrouvé l’envie de se dépasser et d’exprimer son potentiel grâce à son nouveau groupe d’entraînement et à son coach Farouk Madaci. Une nouvelle aventure couronnée de succès avec le titre de champion de France 2017 et champion du monde universitaire 2017 sur sa distance fétiche.
François Barrer
(c) FFSU
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

François Barrer, spécialiste du 5000m, se livre aujourd’hui Sans Filtre sur son parcours. Alors qu’il était en passe d’arrêter sa carrière, il a retrouvé l’envie de se dépasser et d’exprimer son potentiel grâce à son nouveau groupe d’entraînement et à son coach Farouk Madaci. Une nouvelle aventure couronnée de succès avec le titre de champion de France 2017 et champion du monde universitaire 2017 sur sa distance fétiche.

J’ai commencé l’athlétisme à l’âge de 12 ans lors de mon entrée en 5ème au DAC Reims qui est encore mon club actuel. J’ai d’abord fait du tennis de 4 ans à 10 ans et suite à cela, j’hésitais entre le basket et l’athlétisme. C’est finalement le titre mondial de Ladji Doucouré à Helsinki sur 110m haies qui m’a donné envie d’aller dans cette direction.

Mon parcours est assez classique, j’ai pratiqué toutes les disciplines lors des catégories jeunes. J’avais tout de même été repéré lors de mes premiers cross avec le DAC par mon premier coach Alain Montay. C’est pour cela qu’en minime 2 (14 ans) je consacrais un entraînement au demi-fond et l’autre aux diverses disciplines de l’athlétisme. Ce n’est qu’à partir de cadet 1 (15 ans) que je ne faisais plus que des entraînements de demi-fond avec deux entraînements par semaine. Je ne me suis donc pas trop spécialisé dans le demi-fond à mon sens même si sans le vouloir j’ai l’impression d’y avoir un pied dedans depuis tout petit lors des cross des écoles que j’affectionnais beaucoup.

Il faut savoir qu’avant d’être passionné par le demi-fond, je voulais être sprinteur, mais j’ai rapidement compris que mes aptitudes se dirigeaient plus vers les courses à longues distances. J’ai toujours aimé courir, mes parents disent souvent que j’ai su courir avant de marcher et je pense que plus on est performant dans une discipline plus on va l’apprécier.

Suite à ma première année de cadet j’ai été repéré par le CREPS de Reims, et je suis donc entré au pôle espoir à Reims avec comme entraîneur un binôme composé de Vincent Phelizot et Julien Xiberras bien que Farouk Madaci fût à la place de Julien les deux premiers mois.

Je suis resté au CREPS de Reims jusqu’à fin juillet 2012 avant d’arriver à Lille en septembre. Je me suis dirigé vers Lille, car mes deux coachs arrêtaient d’entraîner et après avoir étudié plusieurs possibilités avec eux et ma famille, le choix de Lille s’est avéré le plus cohérent d’un point de vue sportif et scolaire.

Quand je suis arrivé à Lille, j’ai découvert une toute nouvelle méthode d’entraînement. Tout était plus dur, mais la première année cela m’a plutôt bien réussi. Le gros point positif que je retiens de cette expérience au niveau performance sportive ce sont mes résultats lors des Championnats d’Europe de Cross (3ème par équipe en 2015). Alain Lignier m’a fait passer à mon sens un gros cap sur cette compétition puisque chaque année je n’ai cessé de progresser lors de cette compétition. Avant d’arriver à Lille j’avais terminé 52ème en junior 1 en 2011 puis une fois arrivé à Lille j’ai eu comme résultat une 23ème place en junior 2 en 2012, 15ème place en espoir 1 en 2013, 8ème place en espoir 2 en 2014, 17ème place en espoir 3 en 2015 et des podiums par équipe quasiment chaque année. Cependant, j’ai deux regrets, le 1er est de ne pas avoir gagné l’or par équipe lors d’une édition et le 2ème d’avoir raté ma dernière année espoir car avec une 8ème place en espoir 2 on peut légitimement ambitionner une médaille en espoir 3.

Sur le reste de mon passage à Lille mes performances étaient un peu en dents de scie, je manquais clairement de régularité avec le recul. Je n’oublie pas que j’ai réussi à faire 13min47 lors de ma troisième année. Quelques jours après cette performance je me fais diagnostiquer une fracture de fatigue au niveau du second métatarse du pied gauche donc encore une fois j’ai un sentiment mitigé, car même si j’avais sorti une jolie performance cet été-là, je n’ai pas été au bout des choses à cause de cette blessure.

SATURATION SALUTAIRE

Au bout de 4 ans et surtout après ma dernière année « catastrophique » je me suis dit qu’il était temps de changer quelque chose, car une carrière passe très vite et que si je devais réagir, cela devait se faire maintenant.

Avant de me décider à changer de coach, je me suis demandé si en effet je n’allais pas arrêter l’athlétisme, car j’étais arrivé à un stade de saturation.

Je dis saturation, car je me trouvais sérieux dans ma pratique sportive à travers mes heures de sommeil, mon alimentation et que je réalisais de bonnes, voire de très bonnes séances, mais sans que cela se concrétise en compétition. J’étais un peu en quelque sorte devenu ce qu’on appelle dans notre milieu « un champion du monde de l’entraînement ».

C’est donc lors de mes vacances que je me suis posé la question d’arrêter ou pas. Je n’en avais pas particulièrement parlé avec ma famille, ils savaient que j’avais décidé d’arrêter l’entraînement avec Alain.

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J’en ai longuement discuté avec Antoine un ami à moi qui me considère un peu comme son petit protégé et le nom de Farouk Madaci est apparu. J’avais déjà rencontré Farouk en juillet lorsque j’étais revenu à Reims le temps d’une semaine et nous avions pu échanger et il m’avait fait un petit bilan de ce qu’il pensait de mes saisons.

Je me suis donc décidé à lui téléphoner fin août pour lui demander s’il voulait bien travailler avec moi et il a tout de suite accepté. Le groupe d’entraînement m’a accepté également, car Farouk pense toujours de manière collective, c’est-à-dire qu’il pense à la bonne ambiance entre les athlètes. Je suis allé vers lui, car je le connaissais déjà et le « personnage » qu’il est m’attirait dans sa conception de l’entraînement et de l’athlétisme. Quand je dis « personnage » ce n’est pas à prendre d’une manière négative au contraire, il dégage quelque chose d’attirant dans le milieu athlétique notamment chez les jeunes athlètes. Je sais qu’il a pas mal de demandes de personnes voulant rejoindre la Team Madaci et même nous, athlètes du groupe, on nous demande parfois. Quand des amis du monde de l’athlétisme me parlent de Farouk, ce qui en ressort est qu’ils le trouvent « cool » et très proche de ses athlètes.

J’ai donc fait un choix de facilité, mais que j’assume complètement, car je ne voulais pas tout recommencer depuis le début avec un nouvel entraîneur. Bien évidemment, la présence de Vincent Luis (triathlète) a joué également comme celle de Benjamin André (3000m steeple). J’ai appris par la suite que Tarik Moukrime (1500m) rejoignait également le groupe ce qui était une fois de plus un point positif. Puis quand Mahiedine Mekhissi-Benabbad est revenu en février j’en étais très heureux, car il ne peut qu’apporter avec son expérience.

UNE RENAISSANCE GRACE À FAROUK ET AU GROUPE

Ma relation avec Farouk se base sur une relation de confiance. C’est quelqu’un qui aime beaucoup le côté humain dans l’approche de l’entraînement, on rigole beaucoup ensemble et on s’entend très bien. Je me souviens juste d’une fois où on s’est un peu fâché avant une séance quelques jours avant le meeting de Carquefou où je réalise 13’27. Mais on s’apprécie et je pense qu’on est en train de construire quelque chose qui peut nous amener de belles performances.

En allant vers Farouk, je me suis retrouvé dans un groupe composé d’une trentaine d’athlètes de tout niveau et tout âge et c’est ce qui fait une des forces de notre groupe. Bien sûr, je suis plus souvent avec ce qu’on pourrait appeler le groupe « élite », mais ce ne sont pas que des partenaires d’entraînement. À mon sens ce sont des amis, nous sommes tout le temps ensemble, tous les jours, même lors de notre période de coupure à la fin de la saison on passe du temps ensemble.

Je suis très content de me trouver dans ce groupe d’entraînement, mais je le suis encore plus pour ma découverte de belles personnes et c’est surement ça le plus important.

Mes premiers pas avec eux se sont très bien passés, mais au début j’étais encore à Lille donc je m’entraînais à Lille avec un ami qui est en équipe de France également, Hugo Hay, et je revenais à Reims pour les vacances ou lors de grand week-end.

Ce n’est seulement qu’à partir de début mars que j’ai posé mes valises à Reims. J’étais tout de même parti en stage en janvier au Portugal avec Vincent, Benjamin, Raoul et Anthony un ami triathlète de Vincent et Raoul. J’en garde d’ailleurs le souvenir de mon meilleur stage au niveau de l’ambiance.

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Je ne trouve pas les séances difficiles avec Farouk, mais je pense que cela vient du fait que j’ai connu de bien plus dures séances à Lille et je peux même dire qu’au début j’avais le sentiment que l’on ne faisait rien. Mais je m’entraîne tout de même 12 fois par semaine et je me rajoute une à deux sorties vélo par semaine, donc dans le fond il n’y a rien de facile là-dedans.

Qu’on ne se méprenne pas, on ne fait pas 13’27 au 5000m comme cela. Il y a beaucoup de travail derrière, mais la philosophie de Farouk est que l’entraînement est une fête, mais à ne pas prendre au 1er degré. Il faut juste que l’on soit content d’aller à l’entraînement, de retrouver les copains. C’est ce côté que j’avais perdu à Lille, l’envie d’aller m’entraîner. J’étais content de retrouver mes amis lillois, mais pas d’aller m’entraîner. Et j’ai retrouvé cette envie avec Farouk et le groupe, et les objectifs que l’on s’était fixés avec le coach.

J’ai retrouvé pleinement confiance lors de ma réelle rentrée en compétition à Oordegem en Belgique lorsque je bats mon record et réalise 13’42. Je savais ce que j’avais réalisé à l’entraînement et donc ce que je n’avais pas encore fait. Et je me retrouve donc à faire 13’27 un mois plus tard à Carquefou. J’étais vraiment heureux, car c’était une belle revanche sur les années précédentes.

Je me souviens de cette soirée, car Farouk a versé quelques larmes et quand il a appelé mes parents pour leur dire mon chrono, mon père lui a dit « attends tu t’es trompé là c’est pas possible ».

J’avais trouvé ça assez drôle sur le coup.

CHAMPION DE FRANCE ET CHAMPION DU MONDE UNIVERSITAIRE

Le titre de champion de France Elite est venu confirmer ce chrono et le fait que je pouvais être bon également en championnat et pas seulement lors des meetings. Il s’agissait du gros objectif de l’année, car c’est toujours bien de sortir un gros chrono, mais ce qui importe à mon sens ce sont les médailles. Les records sont faits pour être battus hors les médailles elles restent quoiqu’il arrive. Vincent m’avait dit la semaine de la course « François je te respecte déjà, mais si tu gagnes t’auras encore un peu plus de mon respect car vouloir gagner c’est bien, mais savoir gagner c’est différent ». Ce titre m’a apporté de la confiance, car je réalise vraiment une bonne course au niveau stratégique. Je m’étais fixé un schéma de course dans ma tête et tout s’est passé comme je l’avais imaginé donc ce n’était que du positif et j’avais réussi à finir assez fort pour la première fois. Je me souviens avoir pris un plaisir énorme pendant quelques semaines car tout ce que j’entreprenais se réalisait donc c’était assez jouissif comme ressenti.

Toutes ces choses ont confirmé tous les choix que j’avais faits, et je ne peux avoir aucun regret suite à toutes ces performances.

Je me souviens d’une discussion que j’ai eue avec une amie athlète après ces championnats de France où elle me disait « c’est dingue tu as 24 ans t’as fait des choix sans hésiter et tout est en train de te réussir alors que moi à 30 ans je n’arrive pas à me décider pour certains choix ».

Un mois après je me retrouvais à Taïpei (Taïwan) pour les Universiades 2017, pour représenter le sport universitaire à travers la faculté de Lille 2 où j’étais en Master Management du Sport, ce qui correspond à des championnats du monde universitaire, mais avec un fonctionnement typique JO (flamme, omnisport, deux semaines de compétition, un village, etc.).

On avait coché cette compétition pour plusieurs raisons avec Farouk à savoir que ça permettait de réaliser une vraie saison (être en compétition jusqu’au mois d’août), de connaître le fonctionnement des Jeux Olympiques, de courir série et finale sur 5000m. Tout cela dans l’optique de s’habituer pour les prochaines années.

Cela avec tout de même un objectif de performance, car mon pic de forme était prévu pour le mois d’août et que j’étais parti en stage les deux premières semaines d’août afin de préparer cette compétition. Cependant bizarrement le jour de la finale lors de l’échauffement je pense que j’ai eu les pires sensations de ma saison.

En fait cela faisait 10 jours que je ne me sentais pas très bien à l’entraînement. Je réalisais les chronos demandés, mais au niveau des sensations ce n’était pas ça du tout. Je commençais un peu à en avoir marre de la longueur de la saison et de l’influx nerveux qu’on laisse pour une telle compétition. Je me souviens ne plus dormir les 3 dernières nuits et pendant mon échauffement me dire vivement que ce soit terminé parce que je commençais à saturer nerveusement.

Mon coach m’avait dit au téléphone « tu as réalisé une saison superbe, mais tu peux la rendre exceptionnelle en devenant champion du monde ». Ce à quoi j’avais répondu « coach, si je suis avec eux à la cloche attends-toi à un gros dernier tour » et j’ai donc gagné la course.

Pour conclure, selon les paroles de mon coach, on peut qualifier ma saison d’exceptionnelle. Ce que j’apprécie également dans ma saison c’est que je peux quand même me dire que je ne suis pas allé au bout des choses encore, car je n’ai pas fait les championnats du monde IAAF à Londres. De plus niveau chrono je pense que si on avait fait le choix de recourir et si tous les facteurs nécessaires à la performance étaient réunis (conditions climatiques, bonne course, etc.) j’aurais pu baisser encore le chrono. Mais pour le coup je ne suis pas resté non plus sur ma faim, mais on sait qu’il y a encore pas mal de choses à pouvoir aller chercher cette saison.

Je ne suis pas professionnel, car je ne gagne pas encore ma vie grâce à l’athlétisme, mais dans ma démarche sportive oui je suis professionnel. Ce qui me pousse à continuer c’est l’envie de gagner je suis un compétiteur dans l’âme, je veux ramener le plus de médailles internationales possibles.

Cette saison 2018, je suis focalisé sur les championnats d’Europe à Berlin au mois d’août et sur un projet à plus long terme je pense bien évidemment au JO mais je pense n’être qu’au début de ma carrière et je ferai ce que je peux pour la rendre la plus belle possible.

FRANÇOIS

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