Editorial sur la situation actuelle de Jurgen Klopp à Liverpool. Le technicien allemand est-il en danger avec les mauvais résultats de son équipe?
Le Guiness
Pour les Reds, cette saison est celle de tous les records. À Noël, la tête du classement était dans le viseur et le principal rival, Manchester City n’était qu’à 5 points. Encore tout à fait dans le coup, l’équipe était lancée sur une folle série d’invincibilité à Anfield qui n’a pris fin qu’en janvier après 3 ans et demi et 68 matches (battu par Burnley 1-0 sur penalty à 10 minutes du terme). Mais depuis… Patatra, 6 défaites historiques dans son antre ont porté un lourd préjudice aux prétentions du champion en titre, désormais aux abois pour une qualification européenne la saison prochaine. City, quant à lui, a pris les commandes du Royaume d’Angleterre et vu son avance accrue à 22 unités sur celui qui osait le regarder dans les yeux ces deux dernières années.
Un gouffre. L’heure n’est donc plus aux ambitions grandiloquentes mais bien à sauver les meubles dans cette Premier League si compétitive. « La gloire vous offre du temps, mais rarement indéfiniment » ose même le Daily Telegraph la semaine dernière, tel un parrain de la pègre souhaitant mettre la pression à l’épicier du coin. Aujourd’hui, la question peut paraître ingrate mais elle commence, du bout des lèvres, à se murmurer : ce bon vieux Jürgen Klopp est-il encore l’homme de la situation ?
Jurgen Klopp et le come-back d’une institution
Saugrenue, pourraient penser certains, au vue de ce que l’homme a apporté au club. En effet, Sir Alex Ferguson lui-même serait forcé de l’admettre : Jürgen Klopp a remis Liverpool sur son ”p*tain de perchoir”, ou du moins parmi les écuries les plus ambitieuses de la Perfide Albion. En effet, à son arrivée à l’automne 2015, le club a été éjecté du top 4 depuis 2009. Une éternité. Enfin à une saison près, mais qui rappelle un souvenir dont la plaie n’est pas prête de cicatriser : 2013-2014 et une seconde place, emmené par un Luis Suarez déchaîné et un un Steven Gerrard de gala, jusqu’à ce match contre Chelsea, à quelques journées du terme…
Depuis que le technicien allemand est venu convertir les Scousers à son football, dire qu’il a réveillé tout un club et tout un peuple serait une sinécure, tant son bilan parle pour lui : 2015-2016 : 8e de PL, finaliste de League Cup, finaliste de C3
2016-2017 : 4e de PL 2017-2018 :
4e de PL, finale de C1
2018-2019 : 2nd de PL, Vainqueur de la C1
2019-2020 : Champion de PL, Vainqueur de la Coupe du Monde des Clubs
Scénario frustrant au possible, le titre national tant attendu depuis 3 décennies eu le malheur de tomber en pleine pandémie mondiale, et la fête fut partiellement gâchée. Mais l’essentiel est là, le Liverpool Football Club est à nouveau un cador, fraîchement auréolé d’une gloire retrouvée.
Une machine qui se dérègle
Seulement depuis quelques semaines, il semblerait que les riffs de guitare du Heavy Metal cher à Jürgen Klopp se fassent de plus en plus désaccordés. Une première explication tiendrait en 2 facettes, directement liées à ce football bien particulier. L’une tendrait à innocenter Klopp du mauvais sort qui touche ses hommes, l’autre à lui en attribuer la responsabilité.
Ainsi cette saison, c’est à croire que l’effectif entier aurait été marabouté : les blessures incessantes plombent immanquablement l’effectif et Klopp ne peut jamais compter sur son équipe type. En plus de Virgil Van Dijk, qui dispose d’une importance primordiale dans le système défensif ET offensif, l’entraîneur allemand a dû se passer pour des périodes plus ou moins longues de nombre de ses cadres : Salah, Mané, Henderson, Fabinho, Trent Alexander-Arnold, Chamberlain, Gomez… La liste est interminable.
https://www.instagram.com/p/CIwFTVWFc43/?utm_source=ig_embed
Il a ainsi dû composer pendant des semaines avec une défense centrale totalement expérimentale, faisant tour à tour redescendre Henderson, puis Fabinho. Deux joueurs dont l’abattage dans le cœur du jeu constitue l’une des principales forces de la machine qui a roulé sur l’Angleterre ces dernières saisons. Une obligation de s’adapter aux évènements contraires fatale dans la poursuite d’un second titre consécutif.
Un hasard, vraiment ?
Cette cascade de blessures ne peut pas être simplement imputée à la malchance. Il faut dire que ces hommes sortent de trois saisons pleines, deux les menant en finale de Champions League et la dernière au titre de Champion après une bataille acharnée avec Manchester City. Des parcours éreintants qui peuvent expliquer le fait que Jürgen Klopp ait pour principal cheval de bataille un allègement du calendrier et l’ajout de possibilités de remplacements en cours de match (la Premier League ayant maintenu ce nombre à 3, alors que les championnats voisins sont monté à 5 après la coupure du covid).
Mais d’autres écuries ne se voient pas aussi durement touchées par des conditions quasi similaires…
Le football pratiqué par les équipes de Klopp est terriblement excitant à voir. Toutes ces courses, tous ces appels… rendent ce football d’une verticalité orgasmique mais il est aussi fatigant à regarder qu’à pratiquer. Klopp aime s’appuyer sur un socle de joueurs plutôt restreint, dont le dévouement pour l’équipe est sans faille, par une débauche d’énergie de chaque instant. Mais à force de tirer sur la corde…
Jurgen Klopp et les fantômes du passé
Du temps de Dortmund déjà un phénomène similaire s’était produit après que Jurgen Klopp ait tiré la quintessence de son groupe avec ce même football enthousiasmant. Après de nombreuses saisons à se tirer la bourre avec le grand Bayern, la machine s’était mise à tousser, comme il arrive parfois quand on parle de Klopp (…). Vainqueur à deux reprises du titre de champion devant l’ogre bavarois et parvenant à emmener ses hommes jusqu’en finale de C1 (encore face à lui), Jurgen Klopp vit lors de sa dernière saison tout l’édifice qu’il avait bâti s’effriter jusqu’à figurer à la dernière place de la Bundesliga à la mi-saison. Il parvint à sauver sa saison en remontant à la 7e place mais le constat était là, au delà de la position particulière des Marsupiaux sur le marché des transferts, l’effectif sortait éreinté de 7 ans de Kloppisme. Et on touche là une des limites de ce Hellfest permanent.
À Liverpool, après l’évidente Van Dijk dépendance quand on voit les résultats obtenus avant son arrivée/depuis sa grave blessure, et les géniaux latéraux Alexander-Arnold et Robertson, une triplette s’avère quasi inamovible.
Le plus discret aurait pu jouer dans Apocalypto de Mel Gibson, le plus Ballon d’Or pour Habib Beye possède l’une des calvities les plus intéressantes du circuit, et le dernier a encore oublié de résilier sa licence au club de judo du sensei Sergio Ramos… À un Origi contre Barcelone près, la ligne d’attaque liverpuldienne truste le devant de la scène depuis bientôt 4 ans. Et si certaines dissensions sont parfois apparues, elles n’ont jamais empiété sur les intérêts de l’équipe. Et le trio Firmino-Mané-Salah s’est évertué à foutre le boxon dans les défenses britanniques.
Explosions In The Sky
La mort de Brian Epstein, l’arrivée de Yoko Ono… Si certains évènements marquants peuvent conduire à l’éclatement d’un groupe à Liverpool, le simple passage du temps peut avoir les mêmes conséquences.
Une stat pouvait faire bondir il y a quelques jours, au délà des 6 défaites à domicile depuis janvier, plus de 10 heures s’étaient écoulé sans que Liverpool ne parvienne à inscrire un but dans le jeu. Cela fait un moment que l’on prête à l’Egyptien des envies d’ailleurs, une tendance à l’individualisme qui a causé quelques remous avec Mané. De plus, depuis leur prise de pouvoir, aucune concurrence digne de ce nom n’est parvenue à remettre en cause leur statut d’indiscutables. Shaqiri, Origi… On parle là plus de joueurs de complément. Aujourd’hui seul Diego Jota pourrait à terme combler un départ majeur l’été prochain.
Le crédit acquis par Jurgen Klopp depuis son arrivée, fruit d’un travail exceptionnel pour réhabiliter sur le devant de la scène un club légendaire, ne saurait être entamé par les quelques résultats récents. De plus, les dirigeants se sont engagés avec lui jusqu’en 2024. Cependant, les doutes ne sauraient être levés en cas de non-qualification européenne à la fin de la saison. Malgré toute l’importance et toute l’attention accordée au championnat par les fans, un club de la stature retrouvée de Liverpool ne pourrait se permettre de retrouver un anonymat européen qui le guettait grandement au début de la dernière décennie.
Jurgen Klopp All You Need Is Love
Lorsqu’une relation amoureuse connaît quelques soubresauts et qu’on veut la sauver, il arrive souvent qu’on s’inspire de la manière dont elle a commencé. Alors on réfléchit et l’on tente de se rappeler de ce qui nous a permis de séduire notre dulcinée, bien avant toutes ces erreurs et mauvaises habitudes qui ont pu faire tanguer notre relation. Parfois, ces efforts sont vains. Mais d’autres fois, ils ravivent une flamme jamais vraiment éteinte et permettent de repartir de l’avant.
Fait de passion, de fougue, de déséquilibre assumé et déroutant, l’ADN d’une équipe de Klopp ne peut que s’exprimer pleinement dans la magie et l’irrationnel des joutes européennes. Si l’on remonte à la saison 2015-2016, celle de son arrivée à Liverpool, le souvenir est évident. Rappelez-vous…
Quart de finale d’Europa League, Jürgen affronte son ancien amour, le Borussia Dortmund. En Allemagne à l’aller, match nul : 1-1. Résultat encourageant à l’extérieur mais au retour, le BVB prend l’avantage et mène 3-1 à 25 minutes du terme. On croit l’affaire pliée. La suite se passe de mots, elle n’est que folie, celle que seule la Coupe d’Europe est capable de procurer.
Vous l’aurez compris, en ballotage défavorable en championnat, il reste un moyen à Liverpool d’assurer sa présence la saison prochaine dans la reine des compétitions de clubs. Aller au bout. Et bien que mal en point en Premier League, il semble que les hommes de Jürgen Klopp aient l’intention de tenir leur rang en C1. Le RB Leipzig aurait pu être un adversaire piège, mais l’obstacle a été franchi la semaine dernière (0-2/2-0). Les Reds peuvent donc attendre patiemment vendredi pour savoir qui seront les prochains à vouloir mettre un terme à leur saison, ni plus ni moins. En ce qui concerne Jürgen, quoi qu’il arrive, vu ses accomplissements pour le peuple rouge, une chose est sûre…
Esteban Lemonnier
Retrouvez le rififi à l’OM ICI