Foot – Gaël Angoula : « J’ai l’objectif d’être le premier à avoir joué et arbitré au plus haut niveau » (Journées arbitrage La Poste 2021)

Gaël Angoula, ancien joueur professionnel ayant évolué dans l’élite du football français, arbitre désormais en Ligue 2. L’interview ici :
Gaël Angoula
Gaël Angoula

Gaël Angoula, ancien joueur professionnel ayant évolué dans l’élite du football français, arbitre désormais en Ligue 2. Il était présent aux Journées de l’arbitrage La Poste pour nous évoquer sa reconversion, sa vision de l’arbitrage et ses objectifs.

« Mon passé de footballeur pro peut m’aider dans le relationnel avec les joueurs »

Mon passé de footballeur pro peut m’aider dans ma fonction d’arbitre. Il peut m’aider dans le relationnel avec les joueurs, puisqu’on se connaît avec les gars. Mais malgré ça, si tu te « trompes » dans une décision, ils vont te faire preuve de leur mécontentement… Peut-être différemment par rapport à quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, mais ils vont te faire preuve de leur mécontentement quand même. Et c’est justifié. Après, il y a des manières de le faire, bien sûr.

Avoir été joueur ne va pas me distinguer des autres arbitres sur le plan physique. Physiquement, tous les arbitres qui officient en Ligue 1 ou en Ligue 2… Je peux vous assurer que ce sont des vrais athlètes, et bien meilleurs que moi. Je vous assure qu’ils ont des capacités physiques énormes.

Si les joueurs que j’arbitre se comportent différemment avec moi, c’est parce qu’ils connaissent tous mon passé, il y a certains joueurs avec qui j’ai joué. Déjà, ça facilite les rapports. Mais en dehors de ça, ce qui facilite ces rapports, c’est de savoir reconnaître ses erreurs. Même à chaud, si un joueur me dit : « Non, monsieur, l’arbitre, il y a touche pour nous ! », au vu de la réaction de tout le monde, je vois que je me suis peut-être trompé, alors je dis : « Désolé » et c’est fini, le joueur est content. L’arbitrage, c’est du management aussi !

Gaël Angoula : « Ma reconversion a amené pas mal de nouveaux candidats au niveau de l’arbitrage »

Je suis le seul arbitre à avoir été joueur dans l’élite. Cette reconversion, je la dois à une rencontre, qui m’est arrivée et où je me suis dit : « Allez, pourquoi pas tenter l’expérience, écrire un nouveau chapitre de ma vie. ». Alors que je jouais, j’étais en pleine possession de mes moyens, j’aurais pu continuer, zéro souci… Mais j’ai rompu mon contrat pour faire ça.

Je pense que depuis ma reconversion, il y a 4 ans, j’ai amené pas mal de potentiels nouveaux candidats au niveau de l’arbitrage. Il y a une vague d’ex-joueurs… Je pense, d’une dizaine de joueurs professionnels, qui ont essayé de candidater.

Mon expérience a permis de mettre en lumière cette passerelle-là, qui n’avait jamais été mise en lumière avant… Parce que les gars n’avaient pas joué en Ligue 1. Le fait d’avoir joué en Ligue 1 a mis en avant cette passerelle.

« Avant cet été, je n’avais jamais été en vacances avec mes enfants »

Être arbitre demande des sacrifices, mais c’est plus difficile pour moi d’en parler car ça a été la continuité de ma carrière de joueur. Être joueur demande énormément de sacrifices, et les gens ne s’en rendent pas compte.

Il y en a pleins : faire attention à son hygiène de vie, à son alimentation, accepter le fait que tu n’iras jamais en vacances avec tes enfants. Moi, je n’ai jamais été en vacances avec mes enfants, mise à part cet été… Alors que le plus grand a 12 ans. Et encore, je les ai retirés de l’école en mai, en période Covid, pour pouvoir partir avec eux, jusqu’à ce que je reprenne le 17 juin. En étant arbitre, ça continue : à ce niveau-là, c’est une vraie continuité à mon passé de joueur.

Gaël Angoula : « Il y a beaucoup de psychologie dans l’arbitrage, c’est ce qu’il me plaît »

Aujourd’hui mon rapport aux arbitres et à l’arbitrage a totalement changé. Déjà, à l’époque, l’arbitre… Je sortais d’un match, j’étais incapable de dire qui était l’arbitre, quelle était la couleur de son maillot, etc. Et pourtant je les contestais. L’arbitre ne me faisait ni chaud ni froid. J’avais une ignorance totale de l’arbitre.

Pour moi, être arbitre, c’est faire appliquer un règlement, faire appliquer les lois du jeu. C’est l’essentiel ! On parle de pédagogie, etc… Mais tout ça, ça vient après. Un bon arbitre fait appliquer le règlement, comme un bon policier fait appliquer la loi. La pédagogie fait aussi partie de la fonction, forcément.

La pédagogie, pour moi, c’est bien cerner qui on a en face, et agir en fonction de la personnalité de cette personne. Il y a beaucoup de psychologie… Et moi, c’est ce qui me plaît.

Pour être un bon arbitre, il ne faut pas forcément avoir été joueur comme je l’ai été. Comme pour être un bon entraîneur, d’ailleurs. Je peux vous assurer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir joué au foot.

« Les critiques ne me touchaient déjà pas beaucoup en tant que joueur »

Personnellement, les critiques, ça ne m’atteint pas. Je les ai vécus en tant que joueur et ça ne me touchait déjà pas beaucoup. Alors je peux assurer qu’aujourd’hui, ça ne me fait ni chaud ni froid. J’ai joué devant des 70 000 personnes… Au Stade de France, 80 000 personnes, tu n’entends rien, en fait. Tu es dans ton truc, dans ta bulle, tu occultes tous les à-côtés. Dans l’arbitrage, c’est un peu la même sensation.

Les moments où je vais ressentir l’atmosphère, ça va être sur un changement de joueur, où je vais pouvoir un peu « me relâcher »… Et encore, dans le football d’aujourd’hui, même sur un simple changement, tu ne peux pas te relâcher : pour l’avoir vécu, pendant une sortie, un joueur peut aller se battre avec un supporter de son équipe… [rires] En fait, tu ne peux jamais te relâcher.

Gaël Angoula : « Aller demander aux Anglais ce qu’ils pensent de l’arbitrage anglais… »

À partir du moment où tu prends des décisions, tu es amené à faire des heureux et des malheureux. Tu es forcément sujet aux critiques. Que tu sois français, anglais ou ouzbek, c’est la même chose. Après, l’arbitrage c’est dur, il y a tout de même des aides qui sont apportées aux arbitres de l’élite, ce qui n’est pas mon cas. Mais ça reste de l’humain et les critiques font partie du boulot. Les Français peuvent être durs avec l’arbitrage français, mais allez demander aux Anglais ce qu’ils pensent de l’arbitrage anglais…

« Quand il faut trouver un coupable : le premier désigné est souvent l’arbitre »

Les comportements de certains joueurs envers les arbitres… Ce sont dans les mœurs ! J’ai du mal à l’expliquer, mais je faisais partie de ces joueurs-là : même quand tu es fautif, il faut trouver un coupable et le premier désigné, c’était souvent l’arbitre. C’est comme ça… Et c’est comme ça depuis tout petit.

Aujourd’hui, on le voit même avec des parents de U9, autour du terrain, qui vont insulter un arbitre. Pourquoi l’enfant ne reproduirait-il pas la même chose ? Il y a une passion autour du football qui est démesurée. Une solution pour enrayer ces mauvais comportements serait d’éduquer les jeunes, de les sensibiliser à l’arbitrage… Et je ne suis même pas convaincu que ça arrangerait tout, mais ça peut être une solution. Grâce à des journées comme ça (Journées de l’arbitrage), et à des sessions d’arbitrage, je pense que ça peut évoluer.

Gaël Angoula : « On assiste quand même à une amélioration des agressions envers les arbitres »

Il y a déjà des choses mises en place pour améliorer les relations avec le corps arbitral : nous, les arbitres, on se déplace dans les clubs, on rencontre les joueurs et les staffs afin de leur expliquer les nouveaux règlements, sur quoi on va être attentif, cette saison… Mais ça ne change pas ! Les émotions prennent le dessus. C’est la gestion émotionnelle qui est compliquée, je pense.

Je pense qu’on assiste quand même à une amélioration des « agressions » envers l’arbitre car le jeu va de plus en plus vite. Le football d’aujourd’hui n’est pas le même que celui d’il y a 20 ans. Il y a 20 ans, on avait le temps de contester la décision… Aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on a moins le temps de faire cela. Tu contestes, pendant que tu contestes, l’équipe adverse elle avance et tu peux te prendre un but. Donc, je constate une amélioration, je dirais. Néanmoins, il y a toujours des écarts de comportement qui peuvent arriver, notamment dans les matchs à enjeu, dans certaines conditions… Mais pas autant qu’avant, je trouve.

« Amener un arbitre en conférence d’après-match n’apporterait rien »

Ça sera compliqué de voir, un jour, un arbitre en conférence d’après-match. Je l’ai vécu en tant que joueur. Prenez un joueur qui a causé un penalty ou qui a marqué contre-son-camp et qui a fait perdre son équipe… Aller demander à l’attaché de presse de l’emmener en conférence d’après-match et vous allez voir s’il va venir. Un arbitre qui prend une décision à chaud et qui doit la commenter publiquement après… C’est très difficile… Et le grand public a du mal à le comprendre.

Je pense que c’est un changement qui n’apporterait rien. Ça apportera si l’arbitre visionne les images et qu’il vienne ensuite s’expliquer. Ça, ça peut apporter. Mais il faut lui laisser le temps de revoir les images à froid : le lendemain, ou le surlendemain peut-être. L’arbitre prend une décision, il ne sait pas si c’est jaune ou vert, ça ne sert à rien de lui demander d’aller la commenter. À l’instant T, il n’a pas de ralenti, donc c’est dur.

Gaël Angoula : « J’ai l’objectif d’être le premier homme à avoir joué et arbitré au plus haut niveau dans le foot »

Il n’y a pas de limites d’âge dans le foot, tant qu’on réussit les tests physiques, on peut arbitrer. J’ai 39 ans aujourd’hui et j’espère aller jusqu’à 45 ans. Après, je pourrais laisser ma place aux plus jeunes. J’ai l’objectif d’être le premier homme à avoir joué et arbitré au plus haut niveau dans le football. Ça ne s’est jamais fait.

Dans mon quotidien d’arbitre, je m’impose déjà 1 entraînement le lundi : un travail de remise en jambe pour récupérer du match du week-end. Le mardi, une séance de course et de renforcement musculaire. Le mercredi, pareil. Le jeudi, je fais un truc très léger. Le vendredi, pour bien préparer le match du samedi : c’est exercices de vitesse ou de vivacité. Et c’est également le jour du départ sur les lieux du match, puisque je dois toujours arriver la veille de la rencontre. Et évidemment, je me dois d’avoir une bonne hygiène de vie… En tout cas, je fais au mieux.

« Si on a un peu d’éducation, on ne s’adresse pas à une femme comme à un homme »

La féminisation dans l’arbitrage est une bonne chose. Moi-même je me considère comme une femme, puisque je fais partie d’une minorité : celle des anciens joueurs. Je fais partie des personnes « qu’on n’a pas l’habitude de voir » dans l’arbitrage.

Mais c’est une bonne chose de voir de plus en plus de femmes arbitrer les matchs. Je pense que ça peut aussi arranger les rapports avec l’arbitre. Puisque forcément, si on a un peu d’éducation, on ne s’adresse pas de la même façon à une femme.

GAËL ANGOULA

Avec Nicolas PARANT

Retrouvez notre interview avec Arsène Wenger ici (Part 2) et ici : (Part 1)

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