Arsène Wenger est le parrain des Journées de l’arbitrage La Poste 2021. L’événement célèbre son 20ème anniversaire… Et pour l’occasion, le directeur du développement du football mondial à la FIFA a expliqué en détail ses projets de réforme du calendrier international. (Partie 2)
« Une Coupe du Monde féminine tous les 2 ans fera partie du programme que je proposerai pour 2024 »
Je propose une Coupe du Monde tous les 2 ans pour les filles. Alors, ça va vous étonner, mais quand je dis : « une Coupe du Monde pour les hommes tous les 2 ans », on me dit : « Ah non, ce n’est pas bien ! »… Mais quand je leur dis : « Et que pensez-vous d’une Coupe du Monde pour les filles tous les 2 ans », on me dit : « Ah, ça, c’est très bien ! » [rires]. Donc, je ne vois pas où est la différence… Mais je pense qu’une Coupe du Monde féminine tous les 2 ans fera partie du programme que je vais proposer pour réformer le calendrier de 2024. Et c’est Jill Ellis (sélectionneuse de l’équipe féminine des États-Unis entre 2014 et 2019) qui sera responsable de ce programme-là.
Arsène Wenger : « Le prestige d’une compétition n’est pas lié à sa rareté »
S’opposer à la Coupe du Monde tous les 2 ans, c’est un peu un jugement émotionnel basé sur la peur. Je l’accepte. J’ai été élevé moi-même à la Coupe du Monde tous les 4 ans. Je n’en ai loupé aucune, pratiquement, depuis que je suis adulte. Mais je pense que le prestige d’une compétition n’est pas lié uniquement à sa rareté… Sinon, il faudrait qu’on l’organise tous les 8 ans, et ça aurait un super prestige.
Je pense que le prestige est lié à la qualité de la compétition et à ce qu’elle représente comme symbole. Je vous dis : « Vous allez être champion du Monde, même pendant 1 an », vous allez dire : « Purée, je signe ! ».
J’ai discuté avec le président du handball : ils ont une Coupe du Monde tous les 2 ans… Et ils sont très contents : ils se sont battus pour l’avoir et ça n’a pas empêché le hand français de dominer le monde. Aujourd’hui, vous avez un joueur qui rate une Coupe du Monde, il aura peut-être attendu 8 ans avant d’en faire une deuxième…
La France, qui a gagné la Coupe du Monde en 2018, aurait pu la regagner en 2020. Pourquoi pas ? Regardez, on a joué dans la même année : l’Euro et la Ligue des Nations… Que tout le monde a célébré, dimanche dernier, parce que c’est un trophée, bien qu’il soit beaucoup moins prestigieux que la Coupe du Monde… Et l’année prochaine, il y a une Coupe du Monde. Et ça ne gêne personne !
« Le fossé entre l’Europe et le reste du monde s’accroît »
Il y a 133 pays qui n’ont jamais joué une Coupe du Monde sur 211. Il y a l’Europe qui marche magnifiquement bien… Mais le fossé entre l’Europe et le reste du Monde s’accroît. Moi, mon rêve, c’est « une chance pour chacun. » Je suis un fervent défenseur de cette idée. Je dis que : « Aujourd’hui, selon si je suis né en Namibie ou à Paris, je n’ai pas la même chance de développer mon talent ! ». Alors, vous pouvez dire : « Oui, on est en France, on s’en fout ! »… Mais quand vous êtes responsable à la FIFA, vous ne pouvez pas l’accepter !
Ce qui peut inciter les fédérations à faire quelque chose pour leur pays au niveau du foot, c’est de leur donner plus souvent accès aux grandes compétitions. Parce que tu prends une claque, tu rentres chez toi, tu te demandes : « Qu’est-ce qu’il faut qu’on fasse ? »
L’Afrique, c’est 54 pays, l’Europe 55. L’Europe a 13 pays à la Coupe du Monde et l’Afrique 5… Donc, il faut donner plus souvent l’accès aux grandes compétitions à ces pays… Et surtout en plus grand nombre, pour qu’ils fassent quelque chose pour leur football.
Arsène Wenger : « Je suis favorable à ce que les joueurs restent toute la saison dans leur club »
J’accepte les opinions de tout le monde. J’ai demandé aux gens du monde entier, qui sont dans le foot de haut niveau : « Est-ce que vous êtes pour le statu quo, pour qu’on reste dans l’état actuel ? », tout le monde me dit : « Statu quo, on ne veut pas. ». Par exemple, le PSG joue contre Angers, et la moitié de l’équipe ne va pas être là parce qu’ils ont joué en Amérique du Sud… ça ne peut pas durer éternellement ! Ils ne vont pas accepter de payer des fortunes à des joueurs qui ne peuvent pas jouer.
Donc, je propose de regrouper les matchs de qualification et de réduire le nombre de matchs de qualification. Ensuite, je suis favorable à ce que les joueurs restent toute la saison dans leur club… Qu’ils jouent une grande compétition à la fin de la saison… Puis, 25 jours de repos obligatoire. Le tout sans augmenter le nombre de matchs.
Concrètement, vous jouez au mois d’octobre les qualifications, puis, à partir de novembre : vous êtes au club et vous ne quittez plus votre club. Parce que là, les joueurs Sud-Américains, sur 4 ans, ils font entre 300 et 350 000 km de vol d’avion… Moi, avec mon système : ils en feront 130 à 150 000. On sait très bien aujourd’hui, que les vols répétés, les chocs climatiques et les différences de fuseau horaire de plus de 3 heures, le tout répété plusieurs fois dans la saison… C’est vraiment mauvais pour la récupération des joueurs… C’est mauvais pour la planète… Et pour la diffusion de la Covid, en plus.
« Le but du football ne doit pas être de ne pas jouer ! »
Personne n’a encore réussi à déterminer le nombre de matchs qu’un joueur peut jouer dans la saison. Moi, je m’appuie sur 2 exemples : le premier, en 2004, j’ai joué contre Manchester United, il y avait Cristiano Ronaldo dans l’équipe. On est en 2021, 17 ans après, et Ronaldo est toujours dans l’équipe, et tous les ans, il a joué 70 matchs. Le deuxième, en 2006, j’ai joué contre Barcelone, où il y avait Lionel Messi. On est en 2021, et 15 ans après, Messi joue au PSG en jouant 70 matchs tous les ans… Ce qui prouve que le foot ne tue pas ! Le but du football ne doit pas être non-plus de ne pas jouer. Il y a plus de 75 000 joueurs de foot pro dans le monde et 60% font moins de 40 matchs dans l’année.
ARSÈNE WENGER
Avec Nicolas PARANT
Retrouvez la 1ère partie de l’interview avec Arsène Wenger ici :
