FLORENT LECOANET : DE LA NES AUX CHAMPIONNATS DU MONDE DE MARIO KART

Florent “Neo” Lecoanet, sextuple champion du monde de Super Mario Kart revient sur sa passion pour les jeux vidéo mais également sa vie de joueur de haut niveau. 3, 2, 1, top départ ! 
FLORENT-LECOANET
(c) Bartosch Salmanski
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Florent “Neo” Lecoanet, sextuple champion du monde de Super Mario Kart revient sur sa passion pour les jeux vidéo mais également sa vie de joueur de haut niveau. 3, 2, 1, top départ ! (Crédit photo : Bartosch Salmanski) 

A quel âge ta passion pour l’univers vidéoludique a commencé  ?

J’ai commencé à jouer aux jeux vidéo quand j’avais 6 ou 7 ans environ, vers 1990.

Tu consacrais beaucoup d’heures à tes jeux favoris ?

Mes premières parties ont eu lieu sur la Gameboy (Tetris, Super Mario Land), la NES (Super Mario Bros, Duck Hunt) et la Master System (Alex Kidd) de façon assez occasionnelle puisque je jouais surtout chez mes voisins. Puis mes parents m’ont offert la Super Nintendo à Noël en 1994 et je suis tombé amoureux de cette console, ainsi que de certains des jeux proposés sur celle-ci, en particulier Super Mario Kart. J’y passais beaucoup de temps, parfois des après-midis ou des soirées entières, même si j’étais relativement cadré par mes parents à ce niveau. Dans la mesure où tout se passait très bien à l’école, ils étaient plutôt cool avec le fait que j’occupe mon temps libre comme je l’entendais.

Avais-tu d’autres activités jeune ?

Je faisais aussi beaucoup de sport durant mon adolescence (tennis, badminton et tennis de table notamment) et je jouais de la batterie, ce qui occupait aussi énormément mon temps libre. Je lisais également beaucoup de romans et je sortais souvent avec mes potes. On peut dire que je ne m’ennuyais jamais !

Les jeux-vidéos ont pu impacter tes études durant ton cursus ?

Pas à ce moment-là. Avant de découvrir l’existence des compétitions de jeux vidéo, je jouais de façon assez mesurée et irrégulière, et uniquement pour le plaisir. N’ayant pas d’objectifs à atteindre en particulier, je ne m’investissais pas à fond dans ce domaine. J’étais vraiment orienté vers la compétition sportive à l’adolescence.

À quel moment t’es-tu dit que tu allais faire des compétitions ? 

C’est totalement par hasard en surfant sur internet, que j’ai découvert en 2005 qu’il existait un championnat de France de Super Mario Kart. Ayant un lien particulier avec ce jeu depuis mon enfance et ayant beaucoup joué dessus, j’ai immédiatement décidé de m’inscrire. C’est là que tout a commencé : j’ai pu mesurer le niveau des meilleurs joueurs français de l’époque (j’en étais loin), et je me suis tout de suite investi à fond dans le but de devenir un de ces top players. Deux ans plus tard, je devenais champion de France (2007). Puis champion d’Europe en 2008 et champion du monde pour la première fois en 2009.

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Comment un joueur de très haut niveau se prépare pour Super Mario Kart ?

Les méthodes peuvent varier selon les joueurs. Personnellement je me fais un programme avec des objectifs à atteindre en termes de chrono sur l’ensemble des circuits. Je pratique les différents raccourcis possibles dans le jeu pour optimiser mon pourcentage de réussite. J’essaie également de travailler sur mes points faibles et de renforcer mes points forts, de réfléchir à de nouvelles stratégies de course potentielles, j’analyse les vidéos de mes matchs et de celles de mes concurrents directs.

Mon programme d’entraînement est plus light ces dernières années : après 12 ans de pratique assidue, je peux me permettre de me concentrer sur quelques points d’entraînement particuliers tandis qu’au début de ma carrière, j’avais tout à apprendre ou presque et cela mobilisait énormément de temps et d’énergie. Plusieurs heures par jour, des week-ends entiers, et cela pendant plusieurs années. Je pense avoir joué plus de 10.000 heures sur ce jeu.

Y a-t-il une préparation physique spécifique ?

Le physique rentre clairement en ligne de compte. Le Championnat du monde de Super Mario Kart se déroule sur 4 journées entières, durant lesquelles on joue environ 7 à 8 heures quotidiennement. Il faut donc tenir la distance, rester frais au maximum et conserver sa concentration. Je n’ai pas de préparation spéciale, mais j’essaie toujours de dormir le plus possible pour arriver reposé et dans les meilleures dispositions mentales possible.

Est-ce que ces 6 titres de champion du monde ont changé quelque chose pour toi ?

D’abord au niveau de l’estime de soi, se dire qu’on a été 6 fois champion du monde dans une discipline, ce n’est pas rien ! Lorsque je serai vieux et que je regarderai en arrière, je pourrai me dire : “Waouh, j’ai quand même réalisé ça dans ma vie !” J’ai laissé une marque dans l’histoire de ce jeu et dans les compétitions de jeux vidéo en général. Ça me rend très fier.

Ensuite, de façon plus terre à terre, être champion sur ce jeu m’a permis de voir du pays, de voyager en France, dans plusieurs pays d’Europe et même aux États-Unis pour les différents tournois ou événements auxquels j’ai participé. Cela m’a aussi fait rencontrer plein de gens formidables, dont certains sont devenus des amis très proches. J’ai également gagné une petite notoriété, avec les différents articles, interviews ou reportages qui sont parus à mon sujet, et le regard des autres a un peu évolué au passage.

Plus récemment, mes résultats m’ont même permis de devenir le premier joueur de Mario Kart à être sponsorisé ! Le Meltdown, qui est une chaîne internationale de bars eSport, me soutient ainsi depuis 3 ans et m’a permis de faire partie d’une team de pro gamers, aux côtés de joueurs comme Luffy, Stephano, Mister Crimson…

Tes proches ou tes collègues te regardent différemment ? 

Les réactions ont été et sont encore très majoritairement positives. Mes proches et mes connaissances sont généralement fiers de moi lorsque je gagne un nouveau titre ou lorsqu’ils me voient à la télé ou dans la presse. Mes collègues de travail au rectorat n’ont pas su tout de suite que j’étais champion du monde de Mario Kart, ce n’est pas quelque chose dont je parle spontanément. Il a fallu attendre que l’un d’entre eux me voie dans un article sur internet pour que la mèche soit vendue et que l’information se répande immédiatement, jusqu’au recteur de l’académie à l’époque apparemment ! Cela les a amusés et ils me demandent régulièrement mes résultats depuis. Quant à mes parents, ils ont eu des inquiétudes lorsque je me suis lancé dans la compétition, car cela a débuté lorsque j’étais étudiant en 3e année de Licence STAPS, et ils avaient peur que cela nuise à mes résultats universitaires. Maintenant que j’ai une activité professionnelle stable depuis plusieurs années, ils regardent cela d’un œil bienveillant !

SMK World Championship 2016 GP Final Florent Lecoanet vs Julien Holmiere

As-tu essayé d’autres jeux en compétition ? 

Non, pas encore du moins. Devenir un top player dans un jeu demande énormément de temps et d’investissement personnel. Si j’ai pu m’investir autant et depuis si longtemps dans Super Mario Kart, c’est que je suis littéralement amoureux de ce jeu, et qu’il a en outre une durée de vie illimitée. J’ai pu y jouer autant, car je n’ai tout simplement pas vu le temps passer. Tous mes efforts d’entraînement étaient couplés à du plaisir à l’état pur. Tenter de devenir compétitif dans un autre jeu à haut niveau impliquera forcément pour moi de trouver un autre titre pour lequel j’aurai un énorme coup de cœur. Ce n’est pas évident, mais j’en suis à un point de ma carrière où j’y réfléchis de plus en plus. Me lancer dans une discipline spécifique comme le speedrun (discipline vidéoludique ou le but est d’atteindre un objectif en un temps record, souvent de finir le jeu le plus rapidement possible) sur un certain nombre de jeux me plairait peut-être également.

Appartiens-tu à la culture geek ? 

Que je le veuille ou non, je pense que oui, car je réponds à certains de ses codes. Pour autant, je me situe plutôt à l’opposé du stéréotype du gamer : j’ai joué à peu de jeux vidéo dans ma vie, et ma culture vidéoludique est proche de zéro ! Je suis vraiment resté nostalgique des années 1990 en termes de consoles, et 95% de mon activité a été consacrée à la Super Nintendo, dont une immense partie sur Super Mario Kart. Je joue très peu aux jeux récents, et les seules consoles dernière génération que je possède sont celles que je gagne lors des tournois. Je préfère d’ailleurs en offrir une partie à mes neveux, ils en profitent bien plus que moi !

Quelles sont tes futurs projets ? 

Redevenir champion du monde de Super Mario Kart, car mon dernier titre date désormais de 2015. J’aimerais également tester certains jeux, qui pourraient me tenter côté compétition ou me lancer dans le speedrun. Pourquoi pas faire des vidéos explicatives sur Super Mario Kart, pour démocratiser certaines techniques, stratégies ou raccourcis. Et bien évidemment, garder la motivation et le plaisir de jouer.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes qui veulent devenir pro gamer ?

Avant tout de garder à l’esprit cette notion de plaisir, qui est primordiale à mon sens. Si j’ai joué autant à ce jeu, si j’ai pu autant m’entraîner sans me lasser, c’est que j’y ai pris énormément de plaisir et que je n’ai pas vu les milliers d’heures passer. Il faut également avoir une certaine discipline : la répétition des techniques, des combos, encore et encore, jusqu’à réussir.

 

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