ÉLOYSE LESUEUR – LA PRÉPARATION MENTALE, UNE OBLIGATION POUR L’ATHLÈTE MODERNE

Après quelques années difficiles liées aux blessures, Eloyse Lesueur revient sur le devant de la scène du saut en longueur comme le prouve son récent titre de Championne de France en salle cette année. Elle partage avec vous les secrets de la réussite d’un athlète et un aspect souvent peu mis en avant, la préparation mentale
Eloyse Lesueur
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Après quelques années difficiles liées aux blessures, Eloyse Lesueur revient sur le devant de la scène du saut en longueur comme le prouve son récent titre de Championne de France en salle cette année. Elle partage avec vous les secrets de la réussite d’un athlète et un aspect souvent peu mis en avant, la préparation mentale.

Quand j’ai commencé l’athlé, peu de gens se penchaient sur l’aspect mental. Peut-être qu’on pensait que c’était uniquement pour les personnes qui avaient de gros problèmes. Pour beaucoup le mental est quelque chose d’inné chez le sportif de haut-niveau. Il sait comment régler ses tracas du quotidien, comment se comporter pendant une compétition : c’est un gagnant.

La plupart des dirigeants de nos fédérations sportives ne sont finalement pas plus avancés sur ce sujet. La psychologie est prise en compte trop tard, uniquement à partir du moment où tu commences à avoir des problèmes extérieurs à ta vie d’athlète. C’est seulement à ce moment-là qu’on te conseille d’aller voir quelqu’un qui pourrait avoir un impact dans ta vie personnelle et par conséquent dans ta vie pro.

ALLEZ VOIR UN PSY POUR AMÉLIORER SES PERFORMANCES

 J’étais moi-même dans un schéma de pensée où il est normal d’avoir un coach, un kiné, un médecin, mais pas d’avoir un psy. C’est un problème en France, alors que dans d’autres pays notamment les USA, ils ont souvent un staff énorme avec plusieurs personnes pour s’occuper de tout cet aspect.

D’ailleurs la première fois qu’on m’a parlé de consulter, j’avais vraiment cette image issue de la TV avec des patients fous et le fameux divan. Quand je suis entrée pour ma première séance dans un bureau normal avec deux chaises, je me suis dit qu’on était nombreux à être à la rue en termes de perception de ce métier, car j’imagine ne pas être la seule à avoir eu ces préjugés.

Aujourd’hui encore quand j’aborde le fait que je travaille avec une psy, je sens chez mes interlocuteurs ce petit moment de gêne, de flottement. Je dois souvent expliquer que ce travail n’est pas à faire seulement quand ça va mal. C’est compliqué pour notre entourage de comprendre qu’on est bien dans la tête et qu’on va là-bas pour aller encore mieux.

Pour revenir sur l’importance de l’aspect mental : il n’est pas possible de séparer la vie sur la piste du privé. Ceux qui te disent de laisser tes problèmes aux vestiaires me font rire, ça ne se passe pas comme ça. Pour être à 100% de tes capacités il ne faut pas que des problèmes extérieurs te bouffent de l’énergie.

Le saut en longueur est d’ailleurs particulier, dans le sens où il n’y a que quelques sauts par an qui comptent. Le mental est donc crucial et il est indispensable pour moi d’avoir un suivi là-dessus. De plus, le déroulement même de la compétition avec généralement des sauts toutes les demi-heures nous laisse le temps de décrocher, de vaquer à d’autres occupations dans ton esprit. Quand j’étais plus jeune, il n’était pas rare de penser à mes futures vacances en pleine compétition…

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C’est pour ça que j’insiste sur le mental, car l’athlète n’est pas forcément prêt à être mobilisé autant de temps, pas sur le concours, mais sur lui-même et sur chaque étape avant, pendant et après un saut.

UN TRAVAIL COMMENCÉ IL Y A 10 ANS

C’est durant une période compliquée de ma vie à l’INSEP que j’ai commencé à travailler avec ma thérapeute actuelle, Meriem Salmi, il y a plus de 10 ans. Collaborer avec elle m’a permis d’être plus indépendante, d’être capable de faire face aux problèmes, seule. Elle me donne de nombreux outils.

Plus jeune, j’étais vraiment introvertie et je gardais tous mes ressentiments en moi. Ces discussions m’ont vraiment permis de me libérer et d’enlever toute forme de rancœur que je pouvais avoir, car je n’osais pas exprimer mon avis.

Je suis en contact avec elle toutes les deux semaines, souvent plus si je suis dans une période de blessure.

Ce travail mental se fait toute l’année, mais quand une compétition arrive nous allons plus nous focaliser sur mon état physique. Je vais parler avec ma psy de beaucoup de choses : comment je me sens, ma relation avec l’entraîneur, mon avis sur la compétition en question, mon statut dans le circuit, mes concurrentes…c’est un travail où tu dois te focaliser sur toi-même et notamment sur les côtés négatifs que tu as pu ressentir pendant l’entraînement. C’est important pour désamorcer le stress qui monte et arriver sereine le jour J.

Elle m’aide aussi sur des aspects plus sportifs. Je me suis récemment séparée de ma coach et je me retrouvais seule dans le sud : mon coach spécifique longueur étant basé à Paris et mon préparateur physique à Lyon. J’étais énervée par la situation, car j’avais l’impression qu’on m’obligeait d’arrêter, mais finalement nous avons trouvé une solution avec Meriem. Elle est là pour me conseiller, mais elle active aussi en moi une sorte d’autonomie que je ne soupçonnais pas. Pour régler cette situation, je suis allée acheter un trépied et un activateur à distance d’appareil photo. Avec ce dispositif je pouvais envoyer des vidéos de mon entraînement à mon coach spécifique afin qu’il me fasse des retours qualitatifs. Finalement j’ai acquis encore plus d’autonomie, ce qui me permet de mieux analyser mes performances.

J’en suis presque au point de ne plus avoir besoin d’avoir quelqu’un avec moi durant une compétition. Bien évidemment, ce n’est pas ce que je souhaite, car il est important d’avoir mon coach avec moi afin qu’il puisse me confirmer ou m’infirmer les ressentis techniques que je peux avoir.

UN STAFF TECHNIQUE COMPLET

Au-delà de ma préparatrice mentale, j’ai tout un staff technique derrière moi qui est à l’origine de mon retour au premier plan.

Tout d’abord mon préparateur physique, Jérôme Simian, qui travaille aussi avec Kevin Mayer et Mélina Robert-Michon. Des athlètes peu blessés et performants, c’est ce qui m’a poussé à travailler avec lui. Il est l’acteur central de ma performance, et je me déplace à Lyon pour le voir assez souvent. Le processus est assez simple, après un débriefing de ce que j’ai pu faire depuis notre dernière rencontre et un check-up physique complet, il me fait faire quelques exercices. Si j’y arrive, on les intègre dans un circuit spécifique, mais dans le cas contraire ça veut dire que j’ai un déficit physique. Il va donc me trouver d’autres exos pour pallier à ces problèmes.

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Je travaille également avec un posturologue-ostéopathe, Vincent Estignard, que j’ai connu grâce à mon mari qui me voyait souvent me blesser. Allez voir ce spécialiste a vraiment été une forme de révélation : il regarde la façon dont tu te tiens, ce qui va avoir des influences multiples notamment sur les cervicales qui ont elles-mêmes une influence sur ton cerveau. Ces exercices m’ont bluffé et il m’a ainsi fait découvrir un peu mieux mon corps.

Enfin il y a mon coach, Renaud Longuèvre, qui s’occupe de tout l’aspect saut en longueur. Il est sur Paris et je vais donc le voir une fois par mois durant des stages qui durent une dizaine de jours. J’ai connu Renaud quand j’avais 15 ans à l’époque où j’étais une jeune espoir. Mon coach de l’époque, Bertrand Valcin, ne se sentait pas alors les capacités pour me faire progresser et il est parti demander de l’aide à Renaud qui s’occupait déjà d’athlètes de très haut-niveau comme Ladji Doucouré. Il est donc venu voir mon groupe lors d’un Championnat de France et j’ai très vite intégré ses athlètes avec une autre coéquipière. Il a réussi à me faire progresser pour devenir en quelques saisons une athlète de niveau international. J’ai forgé une relation père/fille avec lui, je le voyais comme la personne qui devait m’emmener au bout de mes rêves. À cet âge je buvais ses paroles sans le remettre en question et je passais plus de temps avec lui que chez moi. J’avais ce besoin de créer un lien avec mon groupe d’entraînement, une sorte de deuxième famille, car j’étais l’une des plus jeunes : Renaud comme papa, Ladji comme grand frère.

Finalement notre collaboration s’est interrompue en 2015. Avec tout ce travail mental, je prenais plus d’assurance en donnant mon avis sur certains exercices que je ne voulais plus faire, car ils me faisaient mal…Ce sont des choses comme ça qui ne sont pas bien passées pour Renaud, c’était dur pour lui de me voir autant m’exprimer. Meriem avait pu en parler avec lui pour lui dire que je n’étais plus une enfant, mais une femme désormais. J’avais vraiment besoin de partir, car je ne me sentais plus à ma place.

Mais l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs. Après 2 années, on s’est revu et on a pu discuter en profondeur. Il m’avait vu évoluer avec un regard extérieur, mon avis comptait aujourd’hui et il voulait donc m’accompagner pour redevenir une championne. Renaud est le meilleur technicien français et fait partie du gotha mondial. J’avais cette envie de m’entourer du meilleur pour me permettre d’aller chercher des performances inaccessibles dans d’autres conditions.

Sans toutes ces personnes, je n’aurais pas pu faire mon retour avec ce titre de Championne de France et cette finale aux Championnats du Monde.

ÉLOYSE

La deuxième partie sur le titre européen de 2014 sera à découvrir ce jeudi sur Sans Filtre

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