ELODIE MOUTHON : AVOCATE HORS PISTE

Elodie Mouthon, snowboardeuse freeride, nous raconte son parcours hors-norme. Entrez dans son monde où les mots hors-piste, athlétisme, blessure, freeride et études de droit forment son patchwork personnel.
ELODIE MOUTHON
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Elodie Mouthon, snowboardeuse freeride, nous raconte son parcours hors-norme. Entrez dans son monde où les mots hors-piste, athlétisme, blessure, freeride et études de droit forment son patchwork personnel.

Plus que quelques jours avant de prêter serment et de devenir avocate…mais pourtant je suis bien loin des sentiers battus. Pratiquant le snowboard depuis ma tendre enfance, je me suis mise au Freeride (hors-piste) après avoir vu des vidéos de l’XTREM de Verbier.

Avec ma sœur jumelle, nous avons commencé le ski très tôt à l’âge de 2 ans dans le jardin de nos grands-parents. Puis lorsqu’on a eu 5 ans, notre père, nous a initiées au snowboard. Nous avons effectué nos premières descentes sur son snowboard alpin, les pieds attachés par des tendeurs. L’année suivante, on a eu notre première planche.

À l’âge de 12 ans, on a commencé la compétition au sein du Club de La Clusaz. C’était la grande époque du snowboard, les sponsors pleuvaient !

À chaque compétition c’était Noël, on en revenait avec le coffre rempli de cadeaux, comme après la « kids snowboards » à Villard-de-Lans. Il y avait de multiples épreuves, dont l’épreuve en famille ; on devait inventer une chorégraphie en snowboard ! C’était vraiment marrant quand j’y repense !

Avec ma sœur on a enchaîné les compétitions et les épreuves, du slalom au boardercross ( parcours avec des bosses et des virages relevés où l’on s’élance à 6 en même temps) en passant par le half pipe (demi-tube en neige où il faut faire des figures) et le big air (énorme saut)!

Malheureusement à l’âge de 15 ans et alors qu’on était déjà à titiller les grandes championnes comme Karine RUBY, nous nous sommes faites virer du club des sports de La Clusaz aux motifs que nous ne respections pas les règles et allions faire du hors-piste durant les entraînements !

Notre monde s’écroulait, mais loin d’être abattues, nous nous sommes tournées vers l’athlétisme et avons participé cette même année aux championnats de France cadets de cross-country à Salon de Provence. A notre grande surprise avons terminé 3ème et 4ème. C’était le début d’une nouvelle vie.

DU HORS PISTE AUX PISTES

J’ai touché un peu à tout en athlétisme, j’aimais le saut à la perche et le javelot, mais au fil du temps je me suis spécialisée en demi-fond (1500 mètre et 3000 mètres steeple). J’aimais cette sensation de résistance à l’effort et avoir l’impression de repousser ses limites. Même lorsque je gagnais, je voulais toujours faire mieux et réaliser un meilleur chrono.

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J’ai eu de nombreuses sélections en équipe de France jeune et eu tous les records de France de ces catégories sur le steeple.

En 2005, avec ma sœur jumelle, nous sommes parties dans une université américaine, Florida Atlantic University. Cette expérience ne m’a pas véritablement permis de progresser puisqu’on commençait à 6 heures du matin et j’avais du mal à encaisser cette nouvelle méthode d’entraînement, mais elle m’aura permis de m’endurcir. Je n’oublierai pas les minutes de gainage par minute de retard lorsqu’on arrivait à l’entrainement ou la phrase « Never Give Up » inscrite sur chaque mur des vestiaires.

En 2008, j’ai changé d’entraîneur, car je souhaitais m’entraîner encore plus et tenter de me qualifier pour les JO de Pékin. En quelques mois j’ai énormément progressé puisque j’ai remporté les championnats de France sénior sur cross court. Malheureusement mon corps n’a pas suivi et je me suis rompu le tendon d’Achille au début de la saison estivale. Mon rêve olympique et surtout ma carrière en athlétisme s’écroulaient !

Malgré mon envie de revenir, la douleur au tendon était trop forte, j’ai passé 3 années à me réveiller chaque matin en ayant l’impression d’avoir un bout de bois à la place de la cheville tellement mon articulation était raide.

RETOUR A MON PREMIER AMOUR

Finalement c’est le snowboard, mon premier amour qui m’a permis de sortir de ce calvaire.

Malgré la réticence de nos parents, avec ma sœur jumelle, nous nous sommes mises aux compétitions de Freeride avec pour ambition de remporter l’XTREM de Verbier. Cette compétition mythique sur le Bec de Rosse nous faisait rêver !

Nous avons fait nos premières compétitions en 2010, puis en 2011 je termine 2ème d’une étape du Tour mondial à Nendaz en Suisse.

Lorsqu’on a commencé, c’était le système D ; contrairement à l’athlétisme où tout est pris en charge par les clubs ou la fédération, en freeride, on n’avait aucune aide financière. C’était à nous de payer les inscriptions, de payer nos hébergements…alors on essayait de réduire au maximum les frais. On dormait dans des abris nucléaires, dans la tente malgré la neige ou dans le camping-car d’un ami. C’était l’aventure !

De même, pour s’entraîner on prenait un forfait pour deux et on se le prêtait…ou alors on allait en station comme à Val d’Isère et on disait qu’on devait participer à une compétition de ski alpin pour pouvoir passer le portique du bas et éviter de payer 50 euros un forfait.

Finalement, grâce à une amie néozélandaise Maria Kuzma et mes sponsors, je réussis à obtenir une wild card pour intégrer le Freeride World Tour en 2012. Puis je suis devenue championne du monde de snowboard freeride et j’ai remporté l’XTREM de Verbier l’année suivante en 2013.

Ma progression en Freeride a été très rapide notamment grâce à mon mental, mon passé athlétique et surtout grâce à ma sœur jumelle qui a joué un rôle essentiel pour le repérage et l’entraînement.




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Le fait de rider avec elle m’a fait énormément progresser, car on voulait toujours rider mieux que l’autre et aller plus vite ! On se faisait souvent des pseudo courses entre nous…comme des « people cross » ; il s’agissait de descendre une piste le plus vite possible en évitant les bosses et les touristes 🙂

DES DÉFIS PLEIN LA TÊTE

D’ailleurs même si ma sœur a arrêté les compétitions et s’est lancée dans de nouveaux défis, nous continuons encore à rider ensemble et j’envisage de la suivre dans ces nouveaux exploits en pente raide (c’est jusqu’à présent la seule femme à avoir descendu l’Aiguille Verte à Chamonix en snowboard).

Outre le snowboard, nous avons d’autres défis en tête, comme le rallyraid des gazelles en 2018 et d’autres raids aventure.

Avec ma sœur nous ne sommes jamais consacrées pleinement au sport, car on a toujours voulu avoir quelque chose à côté. J’ai poursuivi des études en droit et obtenu un doctorat et ma sœur à quant à elle obtenu un diplôme d’ostéopathe puis son permis de pilote d’avion de tourisme.

À part cette année où j’ai intégré l’école des avocats à Montpellier, il a été assez facile de concilier sport et études. Ayant des facilités je n’ai pas eu besoin d’assister aux cours magistraux pour valider mes examens… et durant mes trois années de doctorat, grâce à mon directeur de thèse qui est fan de ski, j’ai pu m’organiser comme je le voulais. Je m’entrainais en journée et rédigeais ma thèse le soir. D’ailleurs il n’était pas rare que les idées me viennent lorsque j’étais sur le télésiège.

Les études nous ont permis de relativiser les blessures et de pouvoir prendre du recul par rapport au milieu sportif. Sur le Freeride World Tour, je suis d’ailleurs l’une des seules à travailler ; la plupart des riders se consacrent pleinement au freeride et vivotent grâce aux sponsors.

À part quelques riders hommes comme Xavier Delerue il est quasiment impossible de vivre du freeride puisque nous n’avons aucune aide des collectivités. C’est ce qui fait sa beauté, puisqu’il faut vraiment être passionné et faire des sacrifices s’il l’on veut percer dans ce milieu.

Il faut aussi savoir rester humble et prudent, car la montagne est toujours plus forte.

ELODIE

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Elle peut être à Stuttgart le matin et à Lyon le soir, à Nice le lendemain et sur tous les terrains de Ligue 1. Un plaisir et une passion pour le ballon rond qui anime Margot Dumont depuis son plus jeune âge que ce soit sur les plateaux TV ou sur le terrain de son club d'Issy les Moulineaux. La  journaliste de beIN SPORTS qui s’apprête à fouler les pelouses russes, pour la Coupe du Monde 2018 en juin prochain se livre sans filtre sur ses souvenirs et son travail.