Cyclisme – Paul Brousse – Les Françaises prouvent leur valeur

Sélectionneur de l’équipe de France, Paul Brousse voit avec bonheur l’émergence d’une magnifique génération française.
Paul Brousse

Sélectionneur de l’équipe de France, Paul Brousse voit avec bonheur l’émergence d’une magnifique génération française. Portée par Juliette Labous, Evita Muzic ou encore Clara Copponi. Boostée le retour du Tour de France femmes, dont il était au sein de la réalisation pour France TV. Il parle dans cette interview de la progression des Françaises, de ses objectifs pour les championnats du monde qui débutent ce week-end en Australie. Paul Brousse aborde la course en ligne avec la volonté que les Françaises pèsent sur la course.

(Interview réalisée avant qu’il ne dévoile la liste des filles sélectionnées)

Crédit : Paul Brousse

Son compte Twitter : ICI

PAUL BROUSSE – UN REGARD SUR LES FRANÇAISES

Il y avait quelques interrogations quant au Tour de France femmes. Pour savoir si cela allait plaire au grand public et aux passionnés de cyclisme. Je pense que cela a coché les deux cases. On m’a interpellé en me disant que c’était super bien. Le spectacle donné par les filles a plu à tout le monde. C’est corroboré par des spectateurs toujours plus nombreux sur la route au fil des jours. Et les audiences TV ont été exceptionnelles. Mon rôle était d’aider le réalisateur à choisir les images. J’avais H24 les caméras et je me rendais compte du monde au bord de la route.

Je pense qu’il y aura un avant et un après. Jusqu’à il y a très peu de temps, si on demandait à quelqu’un dans la rue de citer une cycliste, on allait sur du Jeannie Longo, voire Pauline Ferrand-Prevot. Mais surtout Jeannie Longo. Mais quand on voit une Juliette Labois terminer 4e du Tour, on a du dire son nom une centaine de fois à l’antenne. Médiatiquement, nos filles sont rentrées dans le cœur des Français.

J’avais le temps d’observer les tricolores. Il y a le signal international qui se doit d’être neutre et pas franchouillard. Mais il y a un signal plus France TV où on peut changer des choses. Et on avait l’appétence pour les Françaises comme Audrey Cordon-Ragot, Marie Le Net, Victoire Berteau, des filles qui se sont mises en avant. J’ai pu avoir un regard particulier pour elles.

DES FILLES QUI FONT LE TOUR DE FRANCE SONT PAYÉES 500€/MOIS

Pour continuer à se développer, on est en train de bien légiférer le World Tour, avec salaire minimum. Au niveau des équipes nationales, on légifère sur l’encadrement et sa rémunération pour encadrer les jeunes et faire de la formation. Il manque encore la légifération au niveau des équipes continentales. Qui ne sont pas encore professionnelles. On se retrouve avec des filles qui font le Tour de France et qui sont payées 500€/mois. Les annonceurs vont pouvoir venir avec beaucoup moins d’argent que sur les hommes, mais avec une couverture télé vraiment bonne. Après c’est du business. Et ils vont au moins cher. Le vélo féminin a fait ses preuves, c’est à l’UCI de se dire qu’il faut un salaire minimum et de bonnes conditions de travail. Car elles font du très haut-niveau. On ne peut pas imaginer un coureur sur le Tour hommes, gagner 500 €/mois.

L’émergence des Françaises va de pair avec la structuration de nos équipes. La FDJ Suez Futuroscope grandit et fait un super boulot, avec la moitié de filles françaises et à qui c’est le métier exclusif. Quand j’étais le directeur sportif de Vienne Futuroscope (NDLR : L’ancienne appellation de l’équipe), on avait des filles qui couraient au fin fond de la Hollande le dimanche et qui avaient cours le lundi matin ou qui bossaient.

PAUL BROUSSE – LES FRANÇAISES ONT MONTRÉ QU’ELLES ÉTAIENT DANS LES MEILLEURES MONDIALES

Le cyclisme féminin jusqu’à 5-6 ans avait les problématiques du cyclisme amateur masculin tout en ayant les problématiques du cyclisme pro masculin. Des filles peu payées et qui avaient un calendrier international. Forcément ça coince, avec des filles en vadrouilles. Les Française ont désormais un vrai statut et montrent qu’elles ont deux bras deux jambes comme les autres et que, quand elles font bien leur métier, elles progressent et sont parmi les meilleures mondiales.

Quand je vois les progrès de la FDJ je me dis que les dirigeants peuvent être fiers. L’équipe a été crée en 2006. Emmanuelle et Gatien Merlot peuvent être fiers d’eux. L’équipe est au départ du Tour et s’installe comme l’une des meilleures mondiales. En tant que Français on est forcément fier de voir cette équipe tirer vers le haut le cyclisme français. Et on n’oublie pas des équipes comme le Stade Rochelais, Cofidis, Saint-Michel Auber, qui ont un rôle de formation. Cela va dans le bon sens.

JULIETTE LABOUS PEUT GAGNER LE TOUR DE FRANCE

Une Française qui gagne le Tour, c’est possible. Juliette a 24 ans, elle est très complète. Avec un chrono de 25 kilomètres sur le Tour, la 3e place était largement jouable. Elle roule mieux qu’une Kasia Niewiadoma. C’est une fille qui a les qualités pour gagner le Tour ! C’est un bonheur de voir cette génération, je suis super content. Les années fin 2010, c’était compliqué, quand je suis arrivé en poste. Il y avait déjà des filles comme Audrey Cordon-Ragot (NDLR : Qui a dû renoncer au mondial). Mais cela s’étoffe avec un vivier plus fort et une saine concurrence. Je sais que c’est plus difficile de composer une sélection désormais et j’en suis très heureux.

De très bonnes équipière également, ce qui veut dire que le cyclisme féminin français va dans le bon sens. Ce sont des compétitrices. Quand on est sportif, on a un égo et on veut des résultats. Mon travail est d’expliquer les choses et que les filles soient d’accord avec le projet que je propose. C’est un accord moral et si c’est pas respecté, j’aurais du mal à travailler dans le futur avec la fille. On veut élaborer une stratégie en fonction de nos armes, de nos adversaires. Et construire l’équipe la plus complémentaire possible.

PAUL BROUSSE – JE NE CROIS PAS DU TOUT AU SPRINT MASSIF EN AUSTRALIE

Le mondial sera différent des Europe. A Munich, on perd Clara Copponi notre sprinteuse à 48 h du départ et cela a été un gros coup de bambou. Je pense que vu sa forme sur la piste et ce qu’elle a prouvé, aurait pu jouer entre 3e et 5e surtout sur ce sprint. Lorena Wiebes était sans doute au-dessus du lot, mais on pouvait viser la médaille. On a dû trouver d’autres objectifs, celui de déjouer le sprint.

Malheureusement, on n’a pas été assez aidé par les autres nations. C’était écrit que Wiebes allait gagner. Mais les filles ont fait un sacré boulot, réussi à déstabiliser l’équipe de Hollande. A la fin, on voit que Wiebes était un peu seule et a failli se faire battre par les Italiennes. On n’avait rien à perdre et j’ai été très fier des filles et les filles ont pris beaucoup de plaisir à courir comme ça. Elles ont vu que, quand elles secouaient le cocotier, elles faisaient mal à tout le monde.

En Australie, on sera plus sur une formule défensive, on n’est pas les favoris numéro 1. Il y a des Van Vleuten, des Longo Borghini qui sont très fortes. Mais Juliette, Evita ont brillé. Mais on va être une nation forte, mais ce sera pas à nous de prendre la course en main, tout en tirant les marrons du feu et d’être intelligent. Je trouve le parcours très dur, au bout de 160 kilomètres, cela fera des différences. Je ne crois pas du tout au sprint massif. Quand on voit les sélections, on voit qu’il n’y a pas beaucoup de sprinteurs que ce soit chez les hommes ou chez les femmes. Le parcours est très dur. Une Lorena Wiebes, je n’y crois pas du tout.

UN BON CONSULTANT DOIT VULGARISER SON SPORT ET LE RENDRE ACCESSIBLE À TOUS

Un bon consultant, c’est quelqu’un qui arrive à vulgariser la partie technique et stratégique qu’on peut voir sur une course. On s’adresse au grand public quand on est sur France Télévisions. On s’adresse à 85 % de gens qui viennent pour regarder les images. Et on aurait tendance à aller vite sur du très technique, de la vitesse, du matériel. Il faut parler à tout le monde. Ce combo, tout en donnant à manger aux purs spécialistes. Un bon consultant se doit d’être impartial.

Il faut parler des Françaises mais avoir une vision globale de ce que réalisent les athlètes. Je ne m’imaginais pas ne pas évoquer Annemiek Van Vleuten. Et Nico Geay et Laurent Jalabert l’ont bien évoqué ! Il faut travailler en amont, chercher les infos auprès des filles et des directeurs sportifs. Pour avoir des infos sur ce qu’il se passe dans la course. Si on a l’info d’une fille malade le matin, si on la voit en difficulté à l’antenne, on sait pourquoi.

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