Crédits Photos : Peace and Sport
Le sport a changé ma vie. Il l’a transformée en profondeur, pour toujours. Aujourd’hui, je me sens très différente de mes amis d’enfance, mes camarades d’école et mes collègues de travail. Avec le sport, je me suis éloignée de la norme. Il occupe encore la plus grande partie de mon existence.
Quand je me penche sur mon parcours d’athlète, en pentathlon moderne jusqu’en 2013, puis en escrime, je réalise à quel point rien n’a été facile. Mes parents ont joué un rôle déterminant, à mes débuts. Ils m’ont montré la voie. Ils ont tout organisé pour que mes frères et moi puissions nous exprimer pleinement sur le terrain sportif. Mais en Égypte, il n’est pas facile de tracer son chemin dans le sport, surtout pour une fille. Je suis issue d’une région rurale, où l’accès au sport est moins facile que dans les grandes villes d’Égypte. Les mentalités sont différentes, plus conservatrices. Aujourd’hui, les choses changent un peu. Je dirais que 70% des filles peuvent pratiquer une activité sportive, mais elles doivent arrêter jeunes, à la différence des garçons.
Pour atteindre mon but, l’accès au plus haut niveau, une participation à trois éditions des Jeux Olympiques, entre Athènes 2004 où j’avais seulement 14 ans et Londres 2012, les obstacles ont été nombreux. Les blessures, notamment. Le dos, la cheville, le nez… Je les ai collectionnées ! Les règlements, également. En 2008, j’ai décidé de porter le voile en compétition, pour obéir à ma religion. Mais deux ans plus tard, la Fédération Internationale de Natation a interdit les combinaisons. J’ai combattu cette interdiction. En vain. La politique, enfin.
Après la révolution égyptienne, les subventions pour le sport ont été coupées. Mon entraîneur était un étranger, il a dû quitter le pays. Ces obstacles, je les ai surmontés. Je n’ai jamais renoncé. Ils m’ont rendue plus forte. Mon expérience démontre, je crois, la façon dont le sport peut faire tomber les barrières.
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Aujourd’hui, je veux rendre au sport tout ce qu’il m’a apporté. Je veux contribuer à lui donner une meilleure place. En Égypte, je ne me vois pas comme un modèle ou une source d’inspiration. Je ne raisonne pas ainsi. Je mène une vie normale, entre mon rôle de mère, mes entraînements et mon travail d’enseignante à l’université. Mais je me sens la responsabilité d’aider les jeunes égyptiens, les filles surtout, à pouvoir tracer à leur tour leur voie dans le sport. Pour cela, j’ai choisi de m’impliquer dans les institutions sportives.
En 2012, au moment des Jeux de Londres, je me suis tournée vers l’administration du sport, le CIO notamment, dans l’espoir d’être entendue dans mon combat contre l’interdiction du voile. Je n’ai trouvé personne. Alors, j’ai décidé qu’il fallait que j’agisse de l’intérieur. Aujourd’hui, je préside la commission des athlètes de la Fédération internationale de pentathlon moderne. Je siège également au CIO, à la commission des athlètes. J’ai été choisie par le président, Thomas Bach. Il a été sensible à mon combat.
Mais les institutions ne suffisent pas. Je veux aussi agir localement. Mon engagement aux côtés de Peace and Sport, au titre de Championne de la Paix, s’inscrit dans cette démarche. À son initiative, je me suis rendue dans le camp de réfugiés syriens de Zaatari, en Jordanie, dans le cadre du programme « Live Together ». J’ai animé un atelier d’escrime pour des jeunes filles du camp. L’accès au sport leur est interdit. Elles peuvent rarement sortir. L’expérience a été incroyable. Nous avons utilisé du matériel fabriqué à partir d’objets recyclés. Je leur ai proposé quelque chose de simple et facile, pour les aider à se défendre. Je voulais qu’elles prennent du plaisir. Je les ai vues rire. Je veux absolument y retourner…