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On lit toujours quelque part, une fois la saison de championnat terminée, juillet approchant, que la tournée d’été du XV de France dans l’hémisphère sud n’a pas été que claques et calvaires. Pour certains, l’excursion a été un déclencheur, une rampe de lancement, le début d’une grande carrière internationale. Damian Penaud, Brice Dulin, Bernard Le Roux ou Maxime Mermoz ont vu leurs vacances écourtées, mais ils ne le regrettent sans doute pas, après coup. Melvyn Jaminet est probablement tombé sur un de ces papiers best-of des révélations des juillets bleus. En tout cas, c’est lui que le destin a choisi pour être le tube de l’été. Pour boucler avec le XV de France une saison déjà exceptionnelle en club, et rêver d’un avenir étoilé.
Enfance varoise, destin catalan
Il faut quand même souligner l’exception que comporte le cas Jaminet. L’arrière n’a que 22 ans depuis la fin juin et évoluait surtout, jusqu’à peu, en Pro D2. Titulaire indiscutable cette saison à l’USAP, il est un de ceux qui l’ont porté vers le titre. Et la montée en Top 14, forcément, alors qu’il n’était apparu qu’une fois lors de l’exercice 2019-20. Une ascension déjà fulgurante pour celui qui avait perdu la motivation à une quinzaine d’années. Dans son Var natal, il évolue à Solliès-Pont puis à Hyères-Carqueiranne plutôt qu’au RCT. Quelques années plus tard, le club de la Rade commence soudainement à lui faire de l’œil, pas un hasard.
C’est une coïncidence qui le fait s’approcher des Pyrénées-Orientales et de Perpignan. L’entraineur de Hyères-Carqueiranne n’est autre que Grégory Le Corvec, troisième ligne emblématique du grand USAP des années 2000. Forcément, ce dernier n’a pas rompu les contacts avec son équipe de cœur. Il parle rapidement des talents de son arrière à Patrick Arlettaz, entraineur du club catalan depuis 2016. Et Melvyn intègre le centre de formation, à pas encore vingt ans. Arlettaz lui fait confiance à une reprise l’an dernier en l’intégrant dans le groupe pro pour une réception de Rouen. Le monde va encore bien, le public d’Aimé-Giral acclame sa première ponctuée d’un essai. Il est alors comme grimé en Mathieu Acebes, son capitaine, résultante du bizutage qui l’a fait perdre ses cheveux.
Melvyn Jaminet : Une saison 2020-21 exceptionnelle
La saison 2019-20 est interrompue, le rugby reprend dans une parenthèse qu’il espère voir se refermer bien vite, faite de masques, de huis clos et d’essais à ne pas trop célébrer. Cette triste année aura néanmoins permis de découvrir au grand jour le talent de Melvyn Jaminet. Patrick Arlettaz lui fait confiance à un poste clé, il joue 26 matches sur 32 possibles. C’est tout simplement le joueur le plus jeune de l’équipe type, 21 ans, et il se révèle être dans la droite ligne des arrières de Pro D2, ou de Perpignan, c’est selon. Les sources d’inspiration sont nombreuses : Jérôme Porical a marqué l’histoire de l’USAP par sa botte, Thomas Ramos a explosé à Colomiers, en Pro D2, avant de rejoindre les rangs du Stade Toulousain.
Seulement arrêté depuis août par une lésion derrière le genou au mois d’avril, qui l’a écarté des terrains pendant plusieurs semaines, Jaminet semble combiner les qualités des deux arrières pré-cités. La précocité d’un Thomas Ramos, son grain de folie aussi (9 essais marqués cette saison), la qualité de jeu au pied d’un Porical (249 points inscrits, 4e meilleur réalisateur de Pro D2). Il s’affirme véritablement comme un pilier du quinze catalan, qui domine la saison régulière. Quand il faut donner le dernier coup de collier, fin mai, il est encore présent. Face à Oyonnax, en demie, il foudroie d’entrée le rideau avec une grosse percée, qui amène le premier essai de l’USAP. En finale, contre Biarritz, il est impeccable au pied, inscrivant 23 des 33 points catalans, dont l’essai de la victoire. Quelques semaines après avoir écrit la première grande ligne de sa carrière, il est donc appelé par Fabien Galthié pour la Tournée du XV de France en Australie.
Du rêve au cauchemar…au rêve
C’est un fait quasiment jamais vu, dont seul Demba Bamba a du s’approcher (quand il était à Brive), Jaminet n’a jamais joué en Top 14, compte moins de trente matches professionnels en Pro D2, et porte donc le maillot bleu dès sa première convocation, à Brisbane. Il y passe du rêve au cauchemar. Après une première période neutre, il marque à l’heure de jeu ses tout premiers points internationaux. Mais, dans les ultimes secondes, il cède sous la pression défensive des Australiens, leur rendant le ballon après une passe hasardeuse. Quelques temps après, la rencontre que tenaient les tricolores bascule en faveur des Wallabies (21-23). Sans le vouloir, Jaminet rentre dans la lignée des grands arrières aussi par sa boulette : on se souvient de Brice Dulin contre l’Ecosse en mars dernier, ou la fameuse « poitrenade » de Clément Poitrenaud contre les Wasps en 2004.
On reconnaît ces grands à leur manière de rebondir. Melvyn Jaminet connaît visiblement le refrain, car il a sorti dans la foulée une prestation hallucinante de maturité. Probablement reconnaissant que Fabien Galthié l’ait reconduit malgré sa bévue, il saisit sa chance. Le sélectionneur lui offre même une responsabilité supplémentaire, car c’est le perpignanais qui prendra les tirs au but. Après le deuxième test, il revenait en conférence de presse sur les émotions qui l’ont traversé avant sa seconde titularisation de rang. « J’ai vu les commentaires sur mon match, c’est normal car on perd sur la dernière action. Ca a été difficile à accepter, j’avais à cœur de répondre. J’étais frustré de moi et sur cette dernière passe, j’avais fait perdre l’équipe. Je remercie les coaches de m’avoir refait confiance ».
Melvyn Jaminet : Melbourne donne des ailes
A Melbourne, Jaminet est étincelant, comme le XV de France. Pour la première fois depuis 1990, les Bleus ramènent un succès d’Australie. Et ils le doivent en grande partie à leur jeune pépite de l’arrière. Impeccable face aux perches, avec un huit sur huit face aux sifflets descendant les tribunes. Il fait preuve d’une froideur accablante, dégage admirablement bien son camp en première mi-temps quand il fallait écarter la grosse pression australienne. En défense, il est présent, avec notamment un face à face bien négocié sur l’aile face à Wright. Après le retour des vestiaires, il se fait moins discret en attaque. Admirable dans les airs à la réception des chandelles adverses, Jaminet n’hésite plus à tenter des coups. Bien retombé, ballon en mains, il part pour une superbe chevauchée, passe les bras pour Woki qui a du champ. L’action se terminera à dix mètres de l’en-but australien.
A deux minutes du terme, derrière au tableau d’affichage, le XV de France décroche une ultime pénalité, après un incroyable effort en mêlée fermée. Forcément, c’est Melvyn Jaminet qui se charge de la convertir et de faire rentrer cette équipe dans la légende du rugby français. Elle retiendra que l’un des héros de cette soirée n’avait encore jamais joué la moindre minute en Top 14. Et qu’il sera à nouveau sur le terrain, samedi, pour la troisième fois de suite, maillot bleu sur les épaules. Trois titularisations en dix jours, devançant dans la hiérarchie Anthony Bouthier et Romain Buros. Thomas Ramos et Brice Dulin, les deux valeurs sûres du poste à l’heure actuelle, doivent-ils avoir peur de la menace du titi Jaminet ? Rien n’est moins sûr, Melbourne donne des ailes…
Mathéo RONDEAU
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