Stéphane Pillaud : Photos et passionnément handball

Stéphane Pillaud est photographe sportif depuis plus de 20 ans. Découvrez la vie de cet immense passionné, racontée à la première personne.
Stéphane Pillaud, passionné de sport et de photo
Stéphane Pillaud, passionné de sport et de photo

Stéphane Pillaud est un photographe sportif. Il a démarré sa carrière en s’exerçant sur Montpellier, sur le handball, football et aussi le volley-ball. Après avoir travaillé de 1998 à 2004 pour l’agence Stadium, il monte sa propre agence “Sportissimo“. Il est désormais exclusivement tourné vers le handball, en tant que prestataire de services. La fédération française de handball, mais aussi la fédération internationale de handball, font appel à lui pour couvrir leurs évènements. Rencontre avec cet immense passionné de sport, au vécu enrichissant.

Crédit photos : Stéphane Pillaud

Stéphane Pillaud : “J’AI TRAVAILLE A PARTIR DE BOUQUINS”

Quand j’étais jeune, pendant l’été je travaillais comme moniteur de colonies de vacances. J’ai passé le BAFA, mais on pouvait faire une deuxième formation bonus, pour apprendre quelque chose aux enfants. Il fallait prendre une spécialisation. Je n’avais pas beaucoup d’argent, c’est pour ça que je travaillais l’été. Parmi les spécialisations les moins chères, il y avait la photo. J’en avais fait un peu en étant gamin. Des petits montages avec des fleurs, des masquages réalisés en labo, où on voyait apparaître les choses. Cela m’amusait. Du coup j’ai fait cette spécialisation photo. J’ai appris les bases. Cela m’a bien plu. En parallèle de la fac, j’ai acheté des bouquins de photos. J’ai commencé à travailler à partir de ces livres.

Je passais mes après-midi dehors à prendre des photos. Il fallait noter tous les réglages pour voir ce que cela donnait. Je suis un autodidacte. Mais à cette époque, c’était un loisir pour moi et je n’avais pas pour optique d’en faire mon métier. Comme un mec qui va jouer au foot le dimanche. Je ne m’étais pas renseigné sur le côté métier. C’est après la fac que j’ai commencé à voir les choses différemment. J’avais un deug en économie mais cela ne me branchait pas des masses. Je me suis demandé ce qui pouvait m’intéresser. Mes deux passions sont le sport et la photo. Malheureusement en sport, je n’ai jamais dépassé le niveau régional. J’ai fais beaucoup de sport étant jeune. Judo, kayak, athlétisme, hand ou encore volley-ball.

JE N’AI JAMAIS VU DE COMPETITION DE HAUT NIVEAU QUAND J’ETAIS ENFANT

L’idée de marier mes deux passions a commencé à germer dans mon esprit. Je savais que je ne serais jamais sportif de haut niveau. Par le biais de la photo, j’ai commencé à me dire que je pourrais côtoyer les sportifs, assister à de belles compétitions. J’avais une grosse frustration, quand j’étais plus jeune, on n’avais pas trop de moyens et on habitait à la campagne. Je n’ai jamais vu de compétition de très haut niveau “en vrai”. Tout ce que je regardais, c’était à la télé. Il a fallu que j’attende d’être à la fac à Poitiers. Il y a un super club de volley (NDLR : Le Stade Poitevin). J’ai pu commencer à aller voir des matchs.

J’ai regardé pas mal de documents. Je me suis dis qu’il fallait que je fasse un book pour l’envoyer à des agences parisiennes. En parallèle, avec ma compagne on habitait à Montpellier. J’ai commencé à aller voir tous les clubs de sport, pour leur demander un accès photo pour pouvoir me faire la main. A cette époque, je faisais des photos générales, mais pas de sport, car il faut des accréditations pour le haut niveau, sinon tu dois te contenter du match du coin. Je suis allé voir le hand, avec Patrice Canayer. J’ai présenté mon projet et ils m’ont dit qu’il n’y avait pas de problème et qu’en échange je leur donnais quelques photos. J’ai accepté avec grand plaisir, car cela représentait une porte d’entrée.

Stéphane Pillaud : “JE PENSAIS QUE 1998 ETAIT LE BON MOMENT POUR SE LANCER”

Je suis également allé voir le club de volley. Ils ont également été adorables. Idem avec le basket. Pour le foot c’était beaucoup plus compliqué, mais le syndic de presse a été cool. Ils m’ont dit : “On peut t’avoir des accès sur des petits matchs”. J’ai pu faire trois matchs dans l’année. A partir du moment où j’ai considéré mes images comme convenables, j’ai commencé à aller voir les agences. On était 15 jours avant la coupe du monde 1998 en France.

Je me suis dit que c’était la bonne occasion pour aller les voir, car j’étais convaincu qu’ils allaient avoir besoin de monde. J’étais bien naïf, les agences étaient toutes au complet depuis un bout de temps et n’avaient plus le temps de recevoir les gens. Malgré tout, j’ai réussi à trouver trois agences qui ont accepté de me recevoir. Il y a étalement la Fédération Française de Handball qui m’a reçu, idem pour la Fédération Française de Volley.

Encore possible aujourd’hui de faire comme j’ai fait

J’ai commencé à bosser pour une agence qui s’appelait Stadium. Sur des sports comme le handball, le volley, qui sont moins régentés, il est encore possible aujourd’hui de faire ce que je fais. Au football, il y a un syndic dans chaque stade, tout est réglé. Mais il y a la passerelle des sites internet. Sur beaucoup de matchs, on voit les gens de Handnews, Handzone présents. Et c’est assez facile d’accéder à ces sports. Et de pouvoir faire des images. Sur le football, c’est plus compliqué, d’autant qu’avec le Covid_19, les places sont limitées. Même dans un club comme le PSG handball, il n’y a que six places attribuées aux photographes.

On était 15 jours avant la coupe du monde 1998 en France. Je me suis dis que c’était la bonne occasion pour aller voir les agences, car j’étais convaincu qu’ils allaient avoir besoin de monde. J’étais bien naïf, les agences étaient toutes au complet depuis un bout de temps et n’avaient plus le temps de recevoir les gens

Stéphane Pillaud
Stéphane Pillaud shoote le handball international depuis plus de 20 ans.
Stéphane Pillaud shoote le handball international depuis plus de 20 ans.

JE VOIS MICHAEL GUIGOU FAIRE UN SIGNE A DANIEL NARCISSE

Il faut avoir une bonne connaissance des joueurs. Plus on connaît une équipe, les automatismes et affinités des sportifs, mieux on pourra l’exploiter pour la photo. Le but du jeu, c’est d’anticiper avant que ça se passe. Car une fois que ça se passe, ça va trop vite et c’est dur de rattraper. Il faut sentir le mouvement. Je prends l’exemple d’une superbe photo que j’avais réussi à faire. C’était lors de la demi-finale des Jeux 2008 entre la France et la Croatie, en handball. Je vois Michaël Guigou au corner. Il a la balle et je le vois faire un signe du regard, vers le haut à Daniel Narcisse, qui était au bord de la surface, dans l’axe du terrain. Je sens qu’il va se passer un truc, même si je ne sais pas encore quoi.

Je surveille de très près Guigou. Dès que la balle part, je zappe tout de suite vers le milieu du terrain. Je vois Narcisse qui récupère le ballon sur un “kung-fu”. Il prend une impulsion de dingue. Et personne n’a la photo, car tout le monde a été surpris. Et moi j’ai cette image-là, juste parce que j’ai pu voir le regard de Guigou. Il faisait jamais ça. D’où l’importance de la connaissance des joueurs. Quand je travaille sur des championnats du monde, j’ai souvent des meilleures images de l’équipe de France, par rapport aux autres équipes. Car je connais mieux les Français et leur attitudes. Maintenant je m’oblige à faire toute les équipes pour assimiler leurs automatismes.

Stéphane Pillaud : “LE ROUGE DE ZAADI, JE NE LE VOIS PAS EN DIRECT”

Dans un match, il y a des choses que l’on ne voit pas du tout, car on est focalisé sur un détail précis. A contrario, on voit des choses que les autres ne voient pas, grâce à des gros plans par exemple. Avant la fin d’un match, je vais prendre cinq minutes pour me concentrer sur les attitudes sur le banc, pour avoir joies ou déceptions. A ce moment-là, je ne vois plus du tout le match. Tu entends le public réagir, alors que toi tu es en gros plan sur le visage du coach. Au handball, le terrain reste assez grand. Quand il se passe quelque chose à l’autre bout, tu ne le vois pas très bien.

Pendant un match, tu bouges, tu changes de place. Lors de la finale de l’Euro féminin, je ne vois pas le carton rouge de Grace Zaadi. On est à cinq minutes de la fin, les Françaises étaient toujours un peu derrière. Je me suis dit qu’il fallait que je change de côté pour faire les joies ou tristesse. Pour changer de place, il faut passer complètement derrière les tribunes. Tu perds le contact avec le terrain et pendant deux minutes tu ne vois rien de ce qui se passe.

Je n’entends plus le ballon et je me dis que c’est bizarre. Ce n’était pas un temps mort, mais j’entendais plus de coup de sifflet non plus. C’est le moment du mauvais changement et du rouge de Zaadi. Et moi je ne l’ai pas vu, bien que ce soit un moment important. Il faut savoir sacrifier des moments de match, pour faire le beau cliché.

SI J’ETAIS POSITIF AU COVID, JE NE POUVAIS PAS ALLER A L’EURO ET JE NE TOUCHAIS RIEN

Il n’y a que l’AFP et ses dix photographes qui peuvent se permettre de tout avoir. Quand tu es seul, il faut mettre des priorités. Même sur une image, il faut choisir entre un gros plan et un plan large. Il m’est arrivé d’être dégouté. Je me souviens d’un match. A un moment j’étais sur des gros plans et à un moment Michaël Guigou part sur son aile et il se fait retourner par un défenseur et se retrouve littéralement les pieds en l’air et la tête en bas. Avec mon gros plan, je n’ai que ses pieds, alors que si j’étais en plan large, on aurait pu tout voir et cela faisait une superbe photo. Tu n’as pas le temps de refaire ton cadrage à temps. Tu rates une image qui est encore meilleure. Parfois tu tombes bien, parfois moins.

L’Euro féminin a été très particulier, car il y a eu la crise sanitaire. C’est assez nouveau pour nous. Je n’avais qu’une angoisse, c’est d’être positif. Si c’était le cas, on était confiné dans notre hébergement et sans droit de réintégrer la compétition. Je ne voulais pas me faire “éliminer” avant mon équipe. Durant cette année 2020, je n’ai pas pu travailler pendant six mois. Je ne suis pas salarié, donc je n’ai pas été payé durant la période, si ce n’est les aides gouvernementales. Financièrement, cela a été compliqué. Sans les aides, cela aurait été catastrophique.

Avant la fin d’un match, je vais prendre cinq minutes pour me concentrer sur les attitudes sur le banc, pour avoir joies où déceptions. A ce moment-là, je ne vois plus du tout le match. Tu entends le public réagir, alors que toi tu es en gros plan sur le visage du coach

Stéphane Pillaud
Stéphane Pillaud parcourt le monde et couvre 400 matchs par an.
Stéphane Pillaud parcourt le monde et couvre 400 matchs par an.

Stéphane Pillaud “SI TU N’AS AUCUNE EMOTION, C’EST DUR DE FAIRE RESSENTIR QUELQUE CHOSE AUX AUTRES”

Un groupe comme la Fédération Française de Handball va acheter un évènement auprès d’un prestataire comme moi. Elle achète des journées de travail et sur un Euro, il y a tant de journées. Si ça se passe bien j’ai toutes mes journées. Si elles sont éliminées avant, j’ai moins de journées. La menace d’être positif et de devoir être enfermé était réelle, car je n’aurais pas pu travailler et donc être payé. Je suis le premier supporter de l’équipe de France pendant un tournoi (rires). Attention ! C’est aussi pour pouvoir photographier des joies et de ne pas les voir pleurer. On passe une partie de l’année avec eux, quand tu les vois tristes, tu es malheureux avec eux. Physiquement tu n’as pas perdu, mais mentalement tu as perdu.

“Il s’est fait submerger par les émotions”

On est là pour faire partager des émotions. Si toi, tu n’as aucune émotion, c’est dur de faire ressentir quelque chose aux autres. Après il faut savoir doser. Tu es content quand il y a victoire, mais tu te dois de rester calme et faire ton travail. Les gens s’en foutent de ta joie, ils veulent voir celle des sportifs. Donc il faut prendre des photos. J’ai le souvenir d’un mondial d’escrime à Nîmes. Le photographe de la fédération qui, au moment d’une victoire, saut de joie et se jette dans les bras des athlètes.

C’est bizarre de faire ça. Il fait la fête avec les athlètes au lieu de faire des photos de leur joie. Ca m’avait marqué. Pourtant le mec avait de la bouteille. Il s’est fait submerger par les émotions. Il faut se forcer à calmer ses émotions. Une fois que les photos sont faites, on peut célébrer.

ON S’ARRANGE ENTRE PHOTOGRAPHES

Notre placement sur un terrain et notre liberté de mouvement autour de celui-ci dépend vraiment des évènements. Sur un championnat du monde, il y a des places préférentielles pour les grosses agences et les pays concernés par le match. Tu ne choisis pas forcément ta place. Sur de plus petites compétitions, il y a des zones définies et tu te places où tu veux sur celle-ci. Pour éviter la guerre entre photographes, pour la meilleure place, ils mettent des numéros sur les bancs, qui sont distribués en salle de presse. Tu choisissais ta place en fonction d’un ordre établi. D’abord les grosses agences, puis les gros journaux et les Fédés. Il y a une hiérarchie. Actuellement, je suis aussi photographe officiel de la Fédération internationale de handball.

Une place réservée lors des championnats du monde

Sur tous les championnats du monde, j’ai le droit à la place réservée à cette fédération. A une époque, j’étais photographe pour la fédération européenne. Sur les Euro et coupe d’Europe, j’avais ma place réservée. Sur des compétitions féminines, il y a moins de monde que pour les garçons. Après ça dépend aussi des pays. Certains n’envoie aucun photographe et d’autres en envoient plein. Les Scandinaves et Allemands étaient légion lors de cet Euro. Quand on joue contre le Danemark, je sais que c’est compliqué. Après, je travaille depuis plus de 20 ans et je connais les autres photographes. On s’arrange toujours. Si l’un veut la Norvège et moi la France, on se place de sorte d’avoir les meilleurs clichés chacun.

Stéphane Pillaud : “ET LA D’UN COUP 15000 PERSONNES LANCENT UN “OHHHHHH”

Être sur le bord du terrain c’est un privilège. Tout le son redescend vers le terrain. Tu le ressens autant que les joueuses, même si tu es moins concerné qu’ils ou elles. Tu n’as pas les poils qui se dresse comme quelqu’un qui vient de réussir une action fantastique. La clameur n’est pas pour toi mais tu la ressens. Je me souviens de l’Euro en Suède en 2002. Daniel Narcisse était tout jeune à l’époque. La Suède est un pays de connaisseurs du handball. Daniel prend une impulsion. Il monte très haut et tout le public lance un “OHHHH”. 15000 personnes qui font ça en même temps, ça fait vraiment une clameur.

On a senti la surprise : “Qui c’est ce mec-là et pourquoi il va aussi haut”. Tu arrêtes presque de faire des photos car tu te demandes ce qui se passe. Non non, c’est juste qu’ils ne connaissaient pas encore Daniel (rires). Je vais le voir après le match et je lui dis : “T’as fait un bon jump”. Il me dit : “Ouais le terrain rend très bien, j’ai une grosse poussée dessus, ça renvoie l’énergie”. Tu m’étonnes, il avait le bassin plus haut que la tête des joueurs adverses. Ca les a scotchés les Suédois. De mon poste de photographe ca m’avait fait bizarre. Je n’imagine même pas que ce que tu dois ressentir quand c’est toi qui as fait l’action qui a déclenché la clameur. Tu dois te sentir vraiment fort.

Les gens s’en foutent de ta joie, ils veulent voir celle des sportifs. Donc il faut prendre des photos

Stéphane Pillaud
Tout au long de sa carrière, Stéphane Pillaud a reçu de belles distinctions.
Tout au long de sa carrière, Stéphane Pillaud a reçu de belles distinctions.

LES GENS ME FELICITENT ALORS QUE JE N’Y SUIS POUR RIEN DANS UNE VICTOIRE

Je suis un privilégié. Souvent, à la fin d’un match, les gens me félicitent. Mais je n’y suis pour rien dans la victoire de l’équipe, je ne suis pas sur le terrain à mettre les buts. Ce sont les joueurs et les joueuses qui marquent. Je suis juste un témoin. Etre au contact, c’est ce dont j’avais rêvé étant jeune. J’ai cherché à être au contact des sportifs de haut niveau déjà pour voir pourquoi moi je n’ai pas pu aller plus loin que le niveau régional. Quand j’ai commencé à assister à des entraînements, j’ai vite compris pourquoi. Ce sont des gens qui bossent d’arrache-pied. Un vrai truc de fou ! Ca m’a scotché les séances qu’ils pouvaient faire. Tu as l’impression de voir Hulk à l’entraînement. On ne peut pas imaginer à quel point ils travaillent.

Si Nikola Karabatic est aussi fort, ce n’est pas uniquement parce qu’il est doué. Il bosse plus que tout le monde. Tous les ans, tu as des nouveaux qui débarquent pour te faire tomber de ton piédestal. Il a entraîné tout le monde derrière lui. Si on a eu une grosse génération, c’est que les mecs ont vu ce qu’il faisait. Ils ont dû se dire : “Si je fais pareil, on va voir ce que ça peut donner”. On est tombé sur des Narcisse, des Omeyer, des Guigou. Des joueurs de fou ! De vraies locomotives.

Stéphane Pillaud : “FAIRE UNE COUV N’EST PAS MON MOTEUR PRINCIPAL

J’aime vivre l’évènement. J’ai vu des photographes débarquer de l’avion, regarder les kiosques à journaux et dire : “C’est ma photo qui est dans l’Equipe”. Je ne suis pas trop d’accord avec Bernard (lire le portrait de Bernard Papon). Quand tu bosses à l’Equipe, tu as énormément de chance que ta photo soit prise. Surtout maintenant. Quand j’ai commencé, tu pouvais placer tes photos. Maintenant c’est compliqué. Ils n’ont plus beaucoup de budget. Ils ne vont pas mettre de l’argent sur une photo, quand ils ont un photographe sur place, voire des abonnements AFP. Ca te limite les possibilités de placer ta photo. Surtout les grosses photos. Après tu es toujours content de faire une couv, comme quand j’avais fait celle de France Football. Mais ce n’est pas mon moteur principal.

J’ai même davantage une frustration, car je trouve que mes photos ne sont pas assez utilisées. Sur un match, je peux donner 200 images à la Fédération. Au final ils vont en utiliser 8. Lors de la finale de l’Euro, je leur en donne 500. C’est pour cela que j’ai monté mon compte Instagram. Cela me permet de montrer aux passionnés de handball, d’autres mouvements et d’autres joueurs/joueuses

PAULETTA FOPPA EST UNE FUTURE SUPERSTAR

Avec les salles vides, on a perdu l’ambiance et certaines joies. Des joueuses vont manifester pour haranguer les supporters. Souvent, dans les articles, on retrouve toujours les mêmes têtes, les têtes d’affiche. Karabatic, Leynaud ou Dembélé. A côté de ça, il y a des joueuses comme Pauletta Foppa. Cette fille c’est un bulldozer. Je l’ai vu sur les premières compets jeunes. Personne n’arrive à l’arrêter. Elles se mettent à deux ou à trois, mais en vain. Je ne suis pas coach attention, mais au début Olivier ne la prenait pas, il devait avoir ses raisons. Aujourd’hui, elle est plus au point sur les phases défensives et elle est chez les A.

Ceux qui ne connaissent pas le handball en parlent pas. Dans 5-6 ans, ce sera la nouvelle Allison Pineau en terme médiatique. Il n’y a pas mieux au monde selon moi. Si elle garde la tête sur les épaules et je pense que c’est le cas, franchement ce sera une superstar et tous les clubs vont se battre pour l’avoir ! Et un média comme l’Equipe, n’en a encore quasiment pas parlé. Ca fait trois ans qu’elle est énorme et on commence tout juste à en parler. Mais le Handball a gagné davantage de place dans le quotidien ! Le Handball est un sport un peu moins mondial que d’autres.

Les sportifs pros sont des gens qui bossent d’arrache pied. Un vrai truc de fou ! Ca m’a scotché les séances qu’ils pouvaient faire. Tu as l’impression de voir Hulk à l’entraînement

Stéphane Pillaud
Stéphane Pillaud en plein échange avec Michaël Guigou. Les Handballeurs sont très accessibles d'après le photographe.
Stéphane Pillaud en plein échange avec Michaël Guigou. Les Handballeurs sont très accessibles d’après le photographe.

LES FOOTBALLEURS M’ONT DECU

De 1998 à 2004 j’ai pu faire pas mal de photos de football et assouvir une certaine frustration de jeunesse. Je suis allé à Madrid, à Chelsea, au Stade de France. J’avais soif de découvrir ces lieux-là. Mais les footballeurs m’ont déçu. C’est un peu ambigu car ils sont super sollicités et ils se protègent. A tel point qu’ils n’en sont pas sympathiques. Je me souviens qu’une fois, l’OM était en stage à Périgueux. Les gamins étaient devant la cour où les joueurs passaient pour manger. Là quelqu’un me dit : “Ils sont incroyables ces gars”, ce n’était pas sympathique. Il pleuvait des cordes, les gamins étaient restés une bonne partie de la journée à attendre. On parle de gamins de 10 ans, pas des supporters qui peuvent agresser les joueurs. Il n’y a pas un joueur qui s’est arrêté pour signer un autographe…

Ca m’a scotché. Dans les autres sports, ça ne se passe pas comme ça. Au handball, tu demandes à un joueur, très souvent il vient. Ils ne restent pas une heure à signer, car c’est contraignant. Mais ils font le geste, même s’il y a forcément des frustrés. Ayant connu tous les sports, sur le handball, si tu fais deux fois la même équipe dans la semaine, les mecs te reconnaissent. Ils te disent : “Tu étais là la semaine dernière ?”. Tu te retrouves avec un international qui venait à me parler, moi jeune photographe, qui ne suis rien et qui fait mes classes. Ces mecs-là sont cools. Idem pour le volley-ball. Jamais un joueur de foot te dira ça. Pour eux tu ne seras qu’une ombre. Je comprends qu’ils se protègent.

UN CREVE COEUR D’ABANDONNER LE VOLLEY

Après un match, souvent les sportifs cherchent à trouver des photos d’eux. J’ai tendance à leur donner. Même si avec la Fédé de hand, c’est réguler. Je considère que mes photos appartiennent à la Fédé. Je ne veux pas la court-circuiter. Mais avec mon compte Instagram, je publie des photos non utilisées et les joueurs/joueuses repartagent souvent sur leurs propres réseaux sociaux. Pour faire partager leur aventure, comment ils/elles vivent le truc. Les réseaux sociaux permettent de les découvrir un peu plus et voir le feeling. Je suis le premier heureux quand quelqu’un repartage une photo.

Je bosse exclusivement sur le handball désormais. Une année normale, je peux faire jusqu’à 400 matchs/an. Lors des Mondiaux ou des J.O, tu peux faire jusqu’à 6 matchs dans la journée. Il y a 300 jours de déplacement dans l’année. Je me régale, car j’adore ce sport et ces sportifs. Même si ça a été un crève-cœur d’abandonner le volley, mais il n’y a que 365 jours dans l’année (rires). Je ne peux pas tout faire. Mais c’est également un monde où tout le monde est adorable. Je suis parti d’un principe où il me semble plus intéressant de faire tous les évènements d’un sport, plutôt que de faire un petit peu de plein de sports. Tant que j’ai mes contrats avec la FIHB et la FFHB, je ne compte pas faire autre chose que du handball.

JE NE VEUX PAS PRENDRE LA PLACE DE QUELQU’UN POUR QUI C’EST SON GAGNE PAIN

Si je venais à perdre le contrat, je verrais peut-être les choses différemment. En revanche, quand je ne travaille pas, je pose l’appareil. Je passe déjà tellement de temps avec, que je n’ai pas trop envie de le prendre pour faire autre chose. Je ne suis pas du genre à re-regarder tout le temps les images. J’essaie de garder un souvenir visuel. Quand je cours dans la montagne, j’essaie d’enregistrer les paysages. A la limite, je fais une photo avec mon smartphone. Je m’arrête une minute et je repars, ensuite je mets sur les réseaux.

J’ai aussi réfléchi pendant le confinement, où j’ai passé 6 mois sans bosser. Et il ne faut pas être trop gourmand. S’il me prenait l’envie d’aller faire un match de foot, je prendrais la place de quelqu’un qui est habitué et pour qui c’est son gagne-pain. Je ne me sens pas trop le droit d’aller empiéter sur les autres. Donc j’ai attendu patiemment que mon sport reprenne. J’avais du boulot en retard sur mon ordinateur. Mais c’est vrai que j’aurais pu aller faire de la photo de nature. J’aimerais bien, mais pour le moment, tant que j’ai cette cadence, c’est impossible. J’ai aussi besoin de moments pour moi.

TENIR JUSQU’AU PRINTEMPS

Pour 2021, c’est un peu flou et tout va dépendre de la situation sanitaire. Le mondial en Egypte devrait se tenir. Ils ont changé la formule en Ligue Butagaz Energie, avec des play-offs. Cela devrait permettre de terminer le championnat. Mais c’est dur de faire les prévisions. Après ce qui prime c’est la surcharge des hôpitaux. Il faut tenir jusqu’au printemps. Même les J.O., on ne sait pas encore s’ils auront lieu. On ne maîtrise rien car cela ne vient pas d’un facteur sportif. Regardez un Guillaume Gille. Il a pris les Bleus depuis presque un an, il n’a toujours pas fait un match avec ! Il n’y a eu que des stages.

Quand on aura le vaccin, on pourra sans doute maîtriser. En attendant on est comme au flipper, en ayant peur que la boule passe tout droit au milieu.

STEPHANE PILLAUD

Stéphane Pillaud totalise 20 participations à des championnats du monde masculins et féminins au handball. A cela s’ajoute 20 championnats d’Europe, 4 Jeux Olympiques et 9 championnats du monde jeunes. Il a également remporté en 2009 et 2011, un concours photo organisé par la fédération internationale de handball, avant de se faire embaucher en 2012 par le même organisme. Il remporte également le second prix sports de Paris Images Sports en 2019.

Avec Etienne GOURSAUD

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