CHRISTOPHE LEMAITRE : LE SPRINT A FAÇONNÉ L’HOMME QUE JE SUIS

Pour beaucoup le sprint n’est qu’une affaire de secondes. Mais pour Christophe Lemaitre, cette discipline si particulière est ce qui l’a forgé en tant qu’homme. Il nous explique son histoire personnelle et sa passion pour le sprint.
Christophe Lemaitre
@Teddy Morellec – La Clef ASICS
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Les athlètes sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet à un sportif de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Pour beaucoup le sprint n’est qu’une affaire de secondes. Mais pour Christophe Lemaitre, cette discipline si particulière est ce qui l’a forgé en tant qu’homme. Il nous explique son histoire personnelle et sa passion pour le sprint. (Crédit photo Une : Teddy Morellec – La Clef).

Prouver qui est l’Homme le plus rapide sur terre. Voilà ma vision du sprint.

Pour être tout à fait honnête, je ne connaissais rien de l’athlé, du sprint, avant de m’inscrire dans le club d’à côté de chez moi, à Belley.

Je n’ai pas de souvenirs d’avoir regardé des sportifs à la télé ou d’être allé à des compétitions avant d’avoir commencé mes premiers entraînements. Ce n’était donc pas une passion dès le départ.

Tout est parti du simple fait que je courrais plus vite que mes camarades à l’école. Mes professeurs d’EPS me le faisaient souvent remarquer sans que cela n’éveille en moi ce besoin d’en faire de façon compétitive.

À l’âge de 15 ans, ma mère m’a parlé d’un club à côté de chez moi où il était possible d’aller faire des tests. À la fin de ces tests, l’entraîneur m’avait dit qu’effectivement je courais vite, il y avait un potentiel, mais encore très loin de penser à autre chose qu’une activité de loisir.

Je me suis finalement inscrit sans autre idée que de m’amuser.

LE SPRINT, UN ÉPANOUISSEMENT SPORTIF ET PERSONNEL

Ce que j’ai aimé et que j’aime toujours dans cette discipline, c’est cette sensation de vitesse, une sorte de bolide humain sur 100 mètres, une distance au final très courte, mais qui rend la chose très intense ; il n’y a aucun calcul, on va à fond, on se donne au maximum, pendant 10 secondes ou moins.

La deuxième chose qui m’a plu, comparée aux autres sports collectifs que j’avais pu pratiquer dans mon enfance, c’est que nous sommes tributaires que de nous-mêmes. Chacun pour soi, si on fait une erreur, elle n’impacte que notre course, si les autres font une erreur, ça ne nous touche pas.

Aujourd’hui tout cela m’attire encore et la notion d’aller chercher des titres, des médailles, voir des records s’est ajoutée. Ce sont des moteurs supplémentaires qui me poussent à continuer à avancer.

Le sprint est la discipline phare de l’athlé. C’est vrai que cela couronne l’homme et la femme les plus rapides du monde. C’est symbolique, depuis des milliers d’années. C’est une discipline où il n’y a pas d’accessoires, en d’autres termes on peut considérer cela comme pur. On se met sur une ligne droite, et on court, pas de ballons, pas d’obstacles, de la course pure et dure.

C’est beau.

C’est aussi explosif, dynamique, intense, et dans ce court laps de temps il peut quand même y avoir des rebondissements inattendus.

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On compare parfois un athlète à un guépard, avec cette accélération exceptionnelle dès le départ qui permet à certains hommes d’être plus véloces qu’une voiture lors des premiers mètres.

D’ailleurs j’étais à Berlin lorsque Usain Bolt a fait son record du monde, en 9″ 58, j’étais en tribune et j’ai pu observer cette course en spectateur, en vrai passionné et c’était tout simplement un moment magique. Je me doutais qu’il allait aller vite, faire un bon chrono, mais de là à réaliser une telle performance, c’était hors du temps.

PAS LE PREMIER BLANC SOUS LES 10 S, MAIS SIMPLEMENT UN SPRINTEUR

Je cours sur 100 et 200 mètres et les sensations sont complètement différentes. Je n’ai pas le même feeling avant la course par exemple.

Sur 100 m, je suis calme, détendu, je réfléchis moins, car il faut juste aller à fond sur 10 secondes. Alors que sur le 200 je vais être plus anxieux, plus préoccupé, avoir les jambes un peu tétanisées.

C’est mon épreuve de prédilection donc c’est là que j’ai mes meilleures chances de médailles. Mais c’est une épreuve plus difficile que le 100 m, je pense au fait que sur 200 à un moment j’aurais les jambes un peu lactiques, le souffle un peu court à la fin, donc c’est pour cela que j’appréhende plus cette distance. Et en même temps c’est ce que j’aime aussi, il faut vraiment aller au bout de nos limites. C’est un stress positif, car si je le ressens cela veut dire que je suis dans la compétition et que je vais pouvoir me donner à fond. C’est paradoxal.

Comme je vous le disais, je ne connaissais pas grand-chose au sprint lorsque j’étais plus jeune, donc loin de moi était l’idée d’en faire à haut niveau.

Quand j’ai commencé l’athlé d’ailleurs je ne connaissais pas cette barrière des 10 s. Je n’y ai pas pensé avant très longtemps, vers fin 2009, quand j’ai vu que je m’en approchais petit à petit.

Lorsque j’ai passé cette barre, c’était incroyable. Aux championnats de France à Valence, en 2010, devant le public français, c’était un tel accomplissement.

D’ailleurs il y a quelque chose qui me tient à cœur et dont j’aimerais parler. Quand j’entends que je suis le « 1er blanc à passer sous les 10 s », non, je suis simplement un sprinteur, le 2 — ème français, à passer sous cette barre mythique. Il faut s’arrêter à l’aspect sportif, se concentrer sur la performance en elle-même et pas sur un détail qui ne devrait avoir aucune importance. Dans le sport on représente un club, un pays, mais jamais une couleur de peau ou une religion.

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LES RECORDS SONT BATTUS, LES MÉDAILLES RESTENT POUR LA VIE

Passer sous la barre des 20 s au 200 m était aussi un souvenir inoubliable pour moi. Je devenais le premier français à cette vitesse sur le demi-tour de piste, mais surtout cela me permettait de remporter la médaille de bronze lors des Championnats du Monde 2011 à Daegu.

Il y a eu beaucoup de joie avec cette médaille et ce nouveau record de France, ce sont des moments pour lesquels on sacrifie beaucoup de choses tout au long de notre carrière, donc il faut bien évidemment en profiter au maximum, mais l’intensité de cette joie justifie tous les efforts fournis.

Il y a aussi mes médailles aux JO, une médaille m’attire plus qu’un record, car je la garde toute ma vie.

Celle en bronze sur 200 à Rio est une fierté, il y avait Bolt qui gagne, qui était intouchable, et ensuite de très bons sprinteurs, mais j’arrive à aller chercher cette 3ème place, c’était merveilleux.

Une médaille aux JO est sans aucun doute la plus belle chose qu’il puisse arriver à un athlète. Les stades sont pleins à craquer du matin au soir, il y a cette atmosphère sur le village Olympique, le partage avec le Club France. L’émotion est indescriptible.

Le retour à la réalité à la fin des Jeux est toujours un peu compliqué.

UN SPORT INDIVIDUEL SUR LA PISTE, MAIS COLLECTIF DANS TOUS SES AUTRES ASPECTS

Le sprint est donc un sport individuel, mais nous sommes accompagnés tout le temps par le coach, le staff, les athlètes du club avec qui l’on s’entraîne. Donc on court seul sur la piste, mais derrière il y a du monde, un soutien, et c’est peut-être ce que les gens ne voient pas toujours, mais c’est une partie très importante pour un athlète.

Cette satisfaction de ne dépendre que de soi-même qui était l’une des raisons de mon coup de foudre pour le sprint, avait besoin d’un contrepoids. Partager cette pression et les joies d’une victoire est quelque chose qui me fait du bien.

Le relais est donc aussi un élément que j’apprécie beaucoup, tu joins tes forces pour un but commun que le groupe s’est fixé. Et donc tu mets tes qualités individuelles au service du relais donc c’est quelque chose qui fait du bien de temps en temps, je pense, pour nous les athlètes de sport « individuel ».

Pour finir le sport est quelque chose qui m’a beaucoup aidé tout au long de ma vie. Le sprint particulièrement, car être bon dans une discipline donne de la confiance. Cela m’a permis également de devenir plus autonome, de m’extravertir davantage, car il y a quand même ces relations avec les médias, avec les athlètes de pays différents. Au niveau humain cela m’a grandement apporté.

C’est pour cela que je pense que je coacherais à l’avenir, plutôt les jeunes, pour transmettre d’une part ce que j’ai appris au niveau technique, mais d’autre part au niveau humain, leur inculquer des valeurs et les aider à grandir en tant qu’Homme comme mes coachs l’ont fait avec moi. Je pourrais avoir un travail et coacher à côté, rien n’est défini encore, mais oui je resterai proche de l’athlé.

Et si j’ai des jeunes talents pourquoi pas les suivre jusqu’aux JO un jour !

CHRISTOPHE

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