“Wimbledon c’est le temple du tennis, le graal et faire partie de ce dispositif est un véritable honneur”. Vous avez sans doute l’habitude de voir Thomas Ferro Villechaize s’enflammer au micro de BeIN SPORTS, sur des kung-fu, roucoulette et autres gestes qui font la beauté du handball ! Mais, depuis cet hiver, le journaliste et commentateur fait également partie du dispositif tennis. Et commente actuellement le prestigieux tournoi de Wimbledon, dont BeIN SPORTS est le diffuseur exclusif en France. Il nous raconte ses débuts dans un sport totalement différent du handball. Thomas Ferro Villechaize évoque également son amour du tennis, et du prestige du tournoi du Grand Chelem londonien. Retrouvez les quarts de finale messieurs aujourd’hui !
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THOMAS FERRO VILLECHAIZE – PASSER DU HANDBALL AU TENNIS, C’EST LE CHOC DES CULTURES
J’ai toujours adoré le tennis, cela a toujours fait partie de mes sports phares et qui m’ont construit dans ma culture sportive. J’ai toujours lu plein de choses, regardé plein de matchs, bref j’ai mangé du tennis. Cette opportunité de commenter pour BeIN SPORTS, c’est vraiment grâce à Fred Viard, le chef de la rubrique tennis. Je lui ai parlé de ma volonté de me diversifier et d’apporter mon aide s’il y avait besoin de faire souffler les équipes, voire en fonction du planning.
La question s’était posée lors d’une trêve internationale de l’équipe de France de handball. J’avais deux semaines light et Fred Viard a eu la gentillesse de m’intégrer sur des commentaires du circuit WTA. Je suis énormément le tennis féminin et j’ai pris énormément de plaisir, dans une approche différente de ce que je peux faire au handball. Je n’oublie pas non plus Florent Houzot, qui m’a fait confiance.
Passer du handball au tennis, c’est un peu le choc des cultures. C’est le côté un peu schizophrène de notre boulot et de ma personnalité, car je met beaucoup d’entrain et d’enthousiasme sur le commentaire du hand, car j’aime vivre les choses passionnément. Cependant, je me suis toujours nourri des commentaires de tennis, je me souviens de Jean-Paul Loth, Fred Verdier, Fred Viard. J’ai toujours aimé leur distance, leur silence et la précision des commentaires, tout en étant dans la discrétion. Je compare souvent cela au théâtre. Quand on est au théâtre, on réagit. Quand la pièce est drôle, on réagit avec des rires, quand on est ému, par des larmes et à la fin il y a des applaudissements.
LE TENNIS PEUT SE COMPARER AU THÉÂTRE
Mais entre les planches, on se tait et on apprécie le spectacle. Le tennis peut se comparer au théâtre et c’est ce que j’essaie de faire, en m’inspirant de ceux que j’ai cités. Des gens qui m’ont fait vibrer de cette manière. Finalement, c’est presque naturel, on laisse les joueurs s’exprimer sur le court. On a moins besoin de commenter précisément tout ce qu’il se passe. Et on laisse la place au spectacle.
J’ai toujours eu cet aspect patriote au niveau du sport, que je transmet sans me cacher, dans les commentaires de handball. J’ai vibré sur les exploits en Coupe Davis, car je suis d’une génération qui a vibré avec la victoire de Noah à Roland-Garros, de la victoire de la France en Coupe Davis à Lyon. Cela a marqué ma culture sportive et mon amour du sport en général. J’étais un fan absolu de Pete Sampras, mais aussi André Agassi, même si je sais que ce n’est pas compatible pour certains adorateurs du tennis. Les Américains m’inspirent, du côté des rêves d’ailleurs, de grands espaces. Mais aussi d’une certaine mentalité de gagnant. Chez les femmes, j’ai toujours voué un culte à Steffi Graf, que je trouvais tellement élégante. Mais aussi à Chris Evert.
THOMAS FERRO VILLECHAIZE – WIMBLEDON EST L’ANTRE DU TENNIS
Quand on pense à des temples du sport, on évoque le Madison Square Garden, le Maracana au Brésil pour le foot, mais pour le tennis, Wimbledon c’est l’antre du tennis, l’essence même, il y a quelque chose qui transpire ici. Dans l’histoire et dans la tradition, il y a vraiment Wimbledon. C’est le tournoi qui me fait rêver. Ma grand-mère était Anglaise et quand j’étais petit, elle me rapportait des serviettes et tenues de Wimbledon, avec lesquelles je dormais, où j’allais à la plage. C’est vraiment le panthéon qui a forgé mon imaginaire.
Je suis ici vraiment en soutien de l’équipe et encore une fois je remercie Fred Viard et aussi Mary Patrux ! Sans elle, je ne serais pas là ! Mary est une vraie copine et est d’une élégance rare. Elle m’a laissé les portes grandes ouvertes. Je lui en suis très reconnaissant ! Quand on est à Wimbledon, on a l’impression de goûter l’herbe, comme l’a fait Djokovic lors de son sacre en 2019 !
Les traditions, les tenues blanches, la solennité et le décorum sont des choses qui font partie de ce que j’aime profondément. C’est la dernière année où on ne joue pas le dimanche. La concession va prendre fin, mais il reste le côté traditionnel et silencieux. Le temps est un peu révolu. Les traditions se perdent un peu dans la société et heureusement que dans le sport, il y a encore des temples comme Wimbledon qui continuent à perpétuer cette image ancrée dans le temps.
ÉLARGIR SON ÉVENTAIL POUR NE PAS VOIR QUE PAR LE PETIT BOUT DE LA LORGNETTE
Tous mes confrères et consoeurs ne sont pas “vus” que par un seul sport. J’ai une passion absolue pour les sports américains, comme la NFL. C’est important d’avoir plusieurs cordes à son arc, quand on est journaliste sportif, car l’éventail de la culture sportive doit être grand pour éviter de ne voir que par le petit bout de la lorgnette. Cela permet d’étoffer ses compétences et ses connaissances, de mettre en perspective les choses et d’avoir un bagage culturel plus large. J’ai toujours aimé l’omnisports, j’adore le biathlon, j’adore le rugby à 13, je ne loupe aucun match de NRL. Avoir la chance de diversifier mes compétences et rejoindre l’équipe tennis de BeIN Sports, c’est quand même sensationnel.
J’ai eu la chance également de commenter mon premier match de foot cette année, lors de la dernière journée de la Liga. J’étais très angoissé, comme un rookie qui commence avec beaucoup d’humilité. Avant, j’étais allé demander des conseils à Benjamin Da Silva, sur la façon de commenter. C’est une vraie bible et il a été super gentil et patient avec moi. Et j’ai commenté un match qui m’a offert un spectacle de fou, dans un multiplex où j’intervenais tout le temps. Il y avait 3-0 au bout de dix minutes. Pour mon premier commentaire, j’ai été gâté, car j’avais peur du triste 0-0. Finalement, cela a été un festival et cela fait partie de mes plaisirs et de la chance de faire ce métier.
THOMAS FERRO VILLECHAIZE – J’AI ENFILÉ LA VESTE DE THIBAULT LE ROL
Il y a eu beaucoup de bienveillance sur les réseaux sociaux, à propos de mes débuts en tant que commentateur de tennis. Cela m’a beaucoup étonné, car Twitter est souvent impitoyable. Les gens ont été conciliants avec moi. Je ne prends la place à personne et je m’installe à la place qu’on me fait, sur un fauteuil qu’on me donne. Je fais les choses avec énormément d’humilité, car je n’ai pas la prétention d’avoir les mêmes connaissances que Fred Viard sur le tennis. J’enfile la veste de Thibault Le Rol, quelqu’un que j’aime beaucoup, un vrai camarade, qui est parti vers d’autres cieux, qui a laissé une trace énorme dans le tennis à BeIN SPORTS.
Il a une personnalité géniale et je l’ai vu pendant Roland-Garros et j’aurais le plaisir de le revoir rapidement. Sa manière de faire a amené beaucoup de fraîcheur dans le tennis, il est talentueux et a des connaissances énormes. Je n’ai pas la prétention de faire la moitié du quart de ce qu’il faisait. Mais je suis invité à la table du tennis à BeIN. Mais je ne veux pas manger dans l’assiette des autres et je me contente de l’entrée, qui me rassasie déjà au plus haut point.
C’EST UN PEU LA CATASTROPHE POUR LE TENNIS FRANCAIS
Personnellement, ce début de tournoi est passionnant. J’arrive très tôt le matin et je repars très tard le soir, avec des journées interminables et fantastiques. Il y a deux piliers, Christelle Noel, qui est très cadrée et rigoureuse, ce dont j’ai besoin. Elle fait un travail absolument titanesque. Mais aussi Mathieu Solier, qui est une vraie machine. C’est la quintessence des connaissances en tennis. Tu mets une pièce et tu peux l’écouter pendant des heures, il connaît les vainqueurs de tous les tournois depuis des lustres. Il connaît les tableaux juniors depuis les années 70. En chefs d’éditions, c’est un vrai bonheur de les avoir tous les deux. Cela fait partie des plaisirs, on échange beaucoup dans la journée, en suivant les matchs. Je n’oublie pas non plus Matthias Duchez, qui est un excellent camarade et avec qui c’est plaisant de bosser.
Je regarde tous les matchs de ce Wimbledon, au moment de l’interview (NDLR : entretien réalisé vendredi à 13h), je suis devant 7 écrans, devant les matchs. J’adore le circuit WTA dont je trouve qu’il a pris beaucoup de relief. Sur le plan sportif, une nouvelle fois, c’est un peu la catastrophe pour le tennis français. Cela fait depuis 1981, soit l’élection de François Mitterrand, qu’on n’avait plus vu, dans deux tournois du Grand Chelem consécutifs, aucun Français au 3e tour. C’est terrible, mais cela illustre le travail qui reste à faire et le gouffre générationnel qui n’arrive pas à être comblé. C’est ce que je retiens de la première semaine ! Mais il y a aussi le plaisir de voir autant de match, du jeu… Et le soleil parfois à Wimbledon.
Thomas Ferro Villechaize – Quand il nous livrait son analyse avant le mondial de hand
THOMAS FERRO VILLECHAIZE – IL Y A UN VRAI GAP PAR RAPPORT À D’AUTRES NATIONALITÉS
On a des jeunes qui n’arrivent pas forcément à franchir le cap. Les explications sont nombreuses. On peut prendre l’exemple de Geoffrey Blancaneaux, vainqueur de Roland-Garros juniors en 2016, il disparaît ensuite et a beaucoup de difficulté, sans parvenir à entrer dans les 300 mondiaux. Clara Burel est devenue numero 1 mondial juniors, on en attend beaucoup. Parfois la mue ne n’est pas faite. Est-ce un problème de formation ? De structures fédérales ou de guerre entre structures privées et fédération. Je suis trop béotien pour me permettre de m’exprimer là-dessus et je n’ai pas la prétention de trouver des solutions, alors que les observateurs et instances n’en trouvent pas.
Il y a aussi sans doute un problème de mentalité. L’accompagnement est intense dans les années juniors, avant que les jeunes ne soient lâchés dans la nature. C’est comme un enfant qu’on a surprotégé, au moment d’arriver dans le monde réel, il est désemparé et démuni. Mentalement, il y a un vrai gap par rapport à d’autres nationalités. On voit les Italiens arriver, une génération ultra forte mais qui semble habitée d’un état d’esprit dont certains Français semblent dépourvus.
TSONGA, MONFILS, GASQUET ET SIMON ONT SUBI DES CRITIQUES INCONSIDÉRÉES
Quelqu’un comme Nick Kyrgios n’a pas la prétention de gagner un Grand Chelem, mais il dit qu’il a des figures de proue. Je suis d’accord pour dire qu’il suffit d’un Français qui émerge, une génération spontanée, pour entraîner la suite. On l’a vu durant les années de gloire de la natation française, qui essuie elle aussi une traversée du désert, des figures comme Laure Manaudou, Camille Lacourt et Alain Bernard, vrais moteurs pour leur sport. C’est ce qui semble manquer au tennis, avec le déclin des quatre fabuleux, Monfils, Tsonga, Simon et Gasquet. Un vide s’est créé et on aurait besoin de retrouver de la grandeur, et pourquoi pas au travers d’un ou d’une joueuse.
Je n’ai jamais fait partie des critiques faciles sur nos 4 tricolores. Qu’est-ce que cela veut dire d’être joueur professionnel et marquer l’histoire de son sport. Ils sont trois à avoir remporté une multitude de Grand Chelems. Ils ont tout capté, mais les Français ont été des moteurs, des joueurs qui ont fait partie du top 10, qui ont remporté des tournois, qui ont fait de grands parcours dans les grands tournois. La nouvelle génération serait bien inspirée de les prendre en modèle. Les 4 ont subi tout un lot de critiques sur le fait qu’ils n’étaient pas capables de remporter un Tournoi du Grand Chelem. On est focalisé sur le prochain français qui gagnera un Grand Chelem. Il y a eu des finales réalisées par Tsonga à l’Australian Open.
THOMAS FERRO VILLECHAIZE – DANIIL MEDVEDEV ME PARAIT TRES FORT
Il faut leur rendre hommage, car on a vécu des années fantastiques grâce à eux. La marque laissée est immense et le trou est béant et on a du mal à voir qui va le combler. On ne peut pas aborder la carrière d’un joueur uniquement sur un Grand Chelem, mais aussi sur l’ensemble de sa carrière. Gasquet, Monfils, Tsonga et Simon n’ont pas grand chose à envier à la plupart des joueurs encore en activité, exception faite des trois monstres.
Il y a également des motifs d’espoirs. Quand on voit les résultats des juniors à Roland, avec 4 Français en demi-finale. Il faudra énormément de travail. Pour les filles, peut-être Clara Burel. Mais cela semble compliqué. Je suis un éternel optimiste et le patriote que je suis, espère que le tennis français retrouvera la lumière.
Depuis le début du tournoi (NDLR : Interview réalisée vendredi dernier à 13h) et j’espère ne pas citer quelqu’un qui va disparaître, mais j’ai trouvé Daniil Medvedev très fort (NDLR : Il a été éliminé par le surprenant et solide Hubert Hurcakz en cinq sets, hier soir) . Il est parfait dans son attitude, dans ses déplacements et dans la manière d’aborder le gazon. J’ai trouvé Alexander Zverev très fort et clairement, ils peuvent embêter Djokovic.
JE SUIS UN FAN ABSOLU DE ONS JABEUR
Chez les femmes, il y a plusieurs joueuses que j’aime beaucoup. Je pense sincèrement qu’Iga Swiatek peut faire un truc comme elle l’a réalisé à Roland Garros sur le gazon, car elle a toutes les armes pour. Je ne vais pas me cacher, mais je suis un fan absolu d’Ons Jabeur. Elle a un vrai talent, un vrai coup de poignet, un vrai génie dans la raquette. Surtout, elle a consenti énormément d’efforts, avec son entraîneur et un physio. Elle est ultra affûtée et a conservé ce génie. Et va passer un gros test face à Garbine Muguruza, vainqueur ici (NDLR : La Tunisienne a passé le test avec succès en écartant l’ancienne lauréate de Wimbledon, en trois sets, mais s’est ensuite inclinée en quart de finale contre Sabalenka). Elle est d’une gentillesse absolue et coche toutes les cases qui font que je suis ultra fan.
Je ne commente pas les Jeux aux handball. Je le sais, comme tous les quatre ans, depuis que j’ai le plaisir de bosser pour BeIN SPORTS, exception faite des JO 2012, pour la première année de la chaîne. Il faut ronger le pain noir. Mais je serais le supporter numéro 1 des équipes de France féminine et masculine, je vais regarder tous les matchs, que ce soit en pleine nuit ou au petit matin. J’ai déjà prévenu ma femme (rires). Nous allons entendre d’autres personnes très compétentes, dont Pierre Classen, qui travaille avec nous sur le tennis et qui va faire ce que je fais d’habitude. Mais c’est génial de voir d’autres profils, d’autres voix et enthousiasme. On ne sait pas de quoi demain sera fait et peut-être qu’un jour j’aurais la chance de commenter le handball aux JO.
THOMAS FERRO VILLCHAIZE – JE NE SUIS PAS OPTIMISTE POUR LES HANDBALLEURS AUX JO
Mon côté optimiste me dit qu’une médaille serait formidable pour ces équipes de France, on ne peut pas parler d’un échec s’il y a une médaille même de bronze, car c’est formidable et je l’espère fort. Mais mon côté pragmatique me dit que ce sera compliqué pour les Bleus. Depuis l’organisation du mondial en 2017, il y a des difficultés. On parlait de déclin pour le tennis, mais il y a un vrai déclin en handball, avec un arrêt générationnel. Les dernières compétitions ne sont pas très réjouissantes, avec des choses qui masquent un peu la réalité. Le sélectionneur parle toujours de reconstruction et je ne suis pas d’accord avec ça. J’attends de voir. Mais le retour de Nikola Karabatic peut faire la différence. Ce n’est pas un homme qui fait une équipe, mais quand on l’a, ce n’est pas la même chose.
On a parlé de leçon de handball après la demie du mondial contre la Suède. Il y avait un vrai monde d’écart. On n’avait pas de solutions dans l’approche et ce n’est pas que de la faute des joueurs. J’ai parfois eu des accrochages avec le sélectionneur, car je ne suis ni procureur ni avocat et j’essaie de faire les choses avec honnêteté et objectivité et cela peut déplaire. J’espère que les Bleus me donneront tort et si c’est le cas, je serais le plus heureux. Mon état d’esprit n’a pas changé d’un iota, par rapport à l’amorce du mondial cet hiver.
Pour les filles aussi cela va être très dur, car il y a eu énormément de blessures, avant la fin de la saison, des joueuses cadres. Mais j’espère, mais sans avoir du mal à me dire que cela va arriver.
THOMAS FERRO VILLECHAIZE
Avec Etienne GOURSAUD