Difficile de s’y retrouver, aujourd’hui, parmi tous les champions, jeunes ou moins jeunes, que le cyclisme danois nous fait découvrir, de Jakob Fuglsang, lauréat de Liège-Bastogne-Liège 2019, à Kasper Asgreen, vainqueur cette année du Tour des Flandres, en passant par Mads Pedersen, champion du monde il y a un an et demi. Tout aussi prestigieuses furent les deux victoires d’étape de leur compatriote Soren Kragh Andersen sur les routes du Tour de France 2020, où son caractère offensif fut récompensé. Cette saison, il fut un des acteurs principaux du final de Milan-San Remo, qu’il a terminé 9e après avoir été en tête jusqu’aux 150 derniers mètres. Joint par téléphone il y a deux petites semaines, le coureur du team DSM revient sur son début d’année, ses souvenirs du Tour de France qu’il est loin d’avoir oublié mais aussi sur la jeune génération danoise qui marque le cyclisme actuel.
Crédit : Team DSM
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Soren Kragh Andersen (sur Milan-San Remo) : “C’est clair, j’ai senti la victoire”
« Où vous trouvez-vous et que faites-vous à ce moment de la saison ?
Actuellement, je suis dans un camp d’entraînement en altitude, en compagnie de mon partenaire Tiesj Benoot. Nous sommes en Espagne, de manière à nous préparer en altitude pour les courses de l’été prochain.
Quel bilan tirez-vous de votre première partie de saison ?
Je pense qu’on peut dire qu’il y a eu des hauts et des bas. Je me sentais très bien, avec une bonne forme et mon Milan-San Remo est allé en ce sens, j’étais d’ailleurs très heureux de ma performance là-bas. Mais, dans la foulée, je suis tombé malade et cela a pu m’affecter au cours de la campagne de classiques en Belgique. Donc bien sûr, j’ai été très déçu de cette période parce que je ne pouvais pas réaliser ce que j’aurai espéré. Quand tu tombes malade, tu ne peux pas faire grand chose pour améliorer la situation.
Quel sentiment gardez-vous de votre final à Milan-San Remo ? Vous paraissiez très fort…
Oui c’est clair, j’ai senti la victoire, je l’ai manqué de peu. Mais après coup, je me dis que j’ai fait du mieux que j’ai pu. Au sujet des mouvements de course dans le final (il avait rejoint dans le dernier kilomètre le futur vainqueur, Jasper Stuyven, qui avait attaqué, et lui avait pris un gros relais, sans broncher), c’est pareil, je pense que si c’était à refaire, je referai sans doute les choses de la même manière. Bien sûr, à l’arrivée j’étais forcément déçu, je venais de passer tout près d’une grande victoire ou d’un grand résultat sur un Monument. Mais d’un autre côté, je me rassurais également en me disant que j’avais été présent dans le final. C’est donc un sentiment contrasté.
“J’avais le bon feeling sur ces deux étapes”
L’an dernier, vous avez réalisé l’exploit de gagner deux étapes du Tour de France (à Lyon, étape 14 et à Champagnole, étape 19). Qu’avez-vous ressenti et quels souvenirs en gardez-vous ?
L’année dernière, c’était en effet un peu un rêve qui devenait réalité en gagnant sur le Tour de France. C’était assez irréel. Et en réalité, je ne sais même pas si j’ai encore bien totalement réalisé. Bien sûr, je sais que j’ai gagné ces étapes, mais c’est toujours tellement spécial dès que j’y repense. Ca reste donc pour moi un moment extraordinaire que d’avoir pu gagner sur le Tour, mais je garde en tête ma saison en entier, qui est aussi quelque chose que je n’oublierai jamais.
Sur vos deux succès, ce qui est frappant, ce sont vos démarrages parfaits. Comment faites-vous pour avoir ce timing lors de vos attaques ?
C’est une bonne question ! Je pense qu’à Lyon, j’ai pu avoir un peu de chance mais j’ai tout fait pour résister. C’est en partie une question de feeling, et je pense que j’avais le bon sur ces deux étapes. C’est important de savoir rester calme, je pense l’avoir été, et de mettre en place un plan que l’on va tenter d’exécuter dans le final. Il s’agit d’une combinaison de plusieurs facteurs bien entendu. Ca n’est pas souvent que l’ouverture se créée, il faut savoir s’y jeter.
Cette année, repartez-vous pour un nouveau Tour de France ? Si oui, dans un rôle similaire à 2020 ? Avez-vous coché des étapes en particulier ?
Pour le moment, je n’ai pas encore été sélectionné pour le Tour. Bien sûr, j’espère pouvoir y participer. Si j’y participe, j’aurai à cœur de travailler pour les objectifs que l’équipe fixera. J’espère pouvoir être à mon meilleur niveau lorsque la course s’élancera, je dois de toute manière être prêt si l’on compte sur moi.
Soren Kragh Andersen : “Le vélo fait partie de notre culture”
L’année prochaine, le Tour s’élance de Copenhague. Quelle est la place du vélo au Danemark ?
Je dirai que le vélo, pour le peuple danois, c’est quelque chose d’assez important. En particulier en ce qui concerne Copenhague, puisqu’une bonne partie de la population y utilise son vélo comme moyen de locomotion. Globalement, beaucoup de gens ont un vélo au Danemark et disons que cela fait en quelque sorte partie de notre culture. Je pense que ce départ représente beaucoup pour nous.
Qu’est-ce que cela représente pour vous, ce Grand Départ de Copenhague ?
C’est quelque chose d’extra que le Tour de France puisse venir au Danemark. C’est clairement un rêve pour moi de pouvoir être de la partie en 2022. Je pense que, pour un coureur danois, on peut difficilement faire mieux comme grand évènement !
Prendre le maillot jaune sur le contre-la-montre inaugural devant votre public, ça serait sympa, non ?
(Rires) Oui c’est sûr ! Ca serait vraiment extraordinaire si cela arrivait, mais c’est encore très loin. Bien entendu, je travaillerai très dur pour être un prétendant au départ de ce contre-la-montre si je suis sélectionné l’année prochaine. Mais sur le Tour de France, le niveau est tellement élevé, la victoire est si dure à atteindre. En tout cas, je ferai tout pour être au départ.
“Cette situation spéciale, d’être ensemble, on en profite vraiment”
Comment êtes-vous venu au cyclisme ? Aviez-vous des idoles ?
J’ai commencé le cyclisme parce que mon frère avait lui-même débuté, inspiré par notre père qui était cycliste quand il était plus jeune. Donc c’est quelque chose qui tient de l’héritage familial. Quand j’étais enfant, mes idoles étaient principalement Lance Armstrong et Fabian Cancellara, j’étais un grand fan de ces deux-là.
Qu’est-ce que cela fait de vivre son rêve de cycliste professionnel aux côtés de son frère (Asbjorn, également chez DSM). De quoi parlez-vous ensemble ?
Ca aussi, c’est quelque chose de fou. On en a tellement rêvé, d’être ensemble, dans la même équipe, au plus haut niveau. C’est génial. Quand on court sur une même course tous les deux, ce qui n’arrive pas très souvent, on en profite vraiment. En réalité, on parle un peu de cette situation si spéciale, d’être ensemble, mais surtout on en profite.
Le Danemark dans le cyclisme, c’est Bjarne Riis ou Michael Rasmussen, une page sombre de l’histoire du vélo. Votre génération, avec Mads Pedersen, Kasper Asgreen, Mikkel Honoré, Jonas Vingegaard et bien d’autres a-t-elle pour mission de faire oublier cette période ?
Je ne sais pas vraiment si nous avons une mission de les faire oublier. Bien entendu, Bjarne Riis et Michael Rasmussen sont des coureurs qui n’ont pas fait de bonnes choses pour notre sport. Mais je pense que, si mission il devait y avoir, elle est d’ores et déjà accomplie, dans le sens où notre génération est déjà en mesure de gagner des choses et les gens ne parlent plus vraiment de dopage quand on dit « cyclisme danois ». Maintenant, on a tellement de bons coureurs, Kasper Asgreen, Mads Pedersen, … Je pense qu’on n’a plus forcément besoin de parler du passé, le futur est déjà là.
“Pas un sprinteur, encore moins grimpeur, mais entre les deux !”
Côtoyez-vous les autres membres de cette génération de nouveaux coureurs danois ?
Il y en a certains que je connais un peu mieux que d’autres. Je n’ai pas réellement d’ami proche parmi eux ce qui n’empêche pas que nous nous côtoyons, que l’on discute ensemble pendant les courses. Nous avons tous une bonne relation, parfois pour aider quand quelqu’un en éprouve le besoin.
Vous avez de très nombreuses qualités : en contre-la-montre, sur les pavés, sur des efforts courts (même des sprints) mais également plus longs. Comment vous qualifieriez-vous en tant que coureur ?
Oui, c’est en effet assez compliqué, je dirai pour résumer que je suis polyvalent. Je ne suis pas un vrai sprinteur et encore moins un réel grimpeur, mais je suis quelque part entre les deux !
En 2015, sur le Tour de l’Avenir, vous avez battu Mathieu Van der Poel au sprint. Cette année, Kasper Asgreen en a fait de même sur le Tour des Flandres. Y a-t-il une recette danoise pour le battre ?
(Rires) Oui, c’est une bonne question, à priori jusqu’à maintenant on peut dire que oui ! Asgreen l’a en effet battu, avec une sacrée démonstration de force. Oui, peut-être que Van der Poel ne peut pas nous battre quand nous coureurs danois arrivons avec lui près de la ligne. Du coup, j’espère pouvoir y parvenir à nouveau (rires).
Soren Kragh Andersen : “J’aime beaucoup Milan-San Remo”
Question traditionnelle, quelle est la journée de course la plus difficile à laquelle vous ayez pris part ?
Je repense à mon premier Grand Tour, la Vuelta a Espana 2017, où je suis tombé malade en cours de route. J’avais décidé de continuer parce que je voulais le boucler et réussir les objectifs. Mais j’ai eu deux ou trois jours de réelle souffrance sur le vélo, c’était extrêmement dur.
Quel serait votre vœu de victoire le plus cher pour la suite de votre carrière ?
Je pense que ce serait de remporter un Monument, un grand rêve.
Avez-vous une préférence parmi ces cinq Monuments ?
Oui, j’aime beaucoup Milan-San Remo. Bien sûr, il y en a d’autres, mais je trouve qu’elle me convient bien et je pense que j’aurai à nouveau l’occasion de tenter ma chance pour l’emporter d’ici la fin de ma carrière ».
Mathéo RONDEAU
retrouvez ici l’interview de Soren Kragh Andersen par Vélo Futé