Mathilde Cournil monte les échelons de l’arbitrage français. Aujourd’hui, elle officie sur les parquets de Ligue Butagaz Énergie et de Proligue, en parallèle de son métier de professeure d’EPS. Dans le cadre des journées de l’arbitrage La Poste, elle s’est confiée sur son parcours, son quotidien d’arbitre et sur l’évolution du handball féminin.
« Cette année, les journées de l’arbitrage ont une saveur particulière »
C’était important d’être présente à cette Journée de l’arbitrage pour représenter tous les arbitres : nationaux, régionaux et départementaux. Je pense que cette année, elles ont une saveur particulière, parce que l’année dernière, on a été beaucoup interrompu avec la Covid. On a eu la chance de continuer d’arbitrer, à certaines périodes de l’année… Je sais que ça n’a pas été le cas pour tous les arbitres donc je pense que ces Journées de l’arbitrage ont une place toute particulière et une vraie importance : celle de redonner l’envie à tous les arbitres de reprendre le sifflet.
Mathilde Cournil : « L’esprit collectif est ce qui me plaît dans le sport »
J’ai commencé le handball très jeune, vers l’âge de 6-7 ans. C’est un sport que j’ai découvert à l’école, avec des copains. On a décidé, avec ce petit groupe, de s’inscrire dans un club, et j’ai de suite accroché, notamment avec l’esprit collectif… Pour être passée par des sports individuels comme le judo ou le tennis juste avant, je me suis rendue compte que c’était ça qui me manquait : cet esprit collectif, c’est vraiment ce qui me plaisait dans le sport. Donc j’ai accroché et je n’ai plus jamais arrêté.
Avant tout, j’étais joueuse de handball… Et à certains moments, en tournoi, on nous demandait d’arbitrer des rencontres quand on ne jouait pas. C’est nos premières expériences d’arbitre, avec ma binôme Loriane, qui était déjà une bonne copine à moi.
De plus, à l’époque, le club devait répondre à des obligations concernant l’arbitrage… Alors, ils nous ont proposé de participer aux formations. Et c’est comme ça que ça a commencé vraiment : ça nous a plu, on s’est prise au jeu et on ne s’est jamais arrêté.
« Mon objectif est de pouvoir arbitrer de la Starligue ! »
J’ai débuté l’arbitrage il y a 8-9 ans. Pour atteindre le niveau professionnel, j’ai suivi les différentes formations, et je suis passée progressivement de groupes en groupes. J’ai participé à la formation T1, afin de passer dans le secteur national, c’est-à-dire arbitrer des matchs de N3.
Et années après années, on a arbitré de la N2, puis de la N1… Pour arriver sur la Proligue (2ème division masculin) et la LBE (1ère division féminine) aujourd’hui. Mon premier match de LBE a eu lieu l’année dernière et je viens de commencer à arbitrer en Proligue cette saison.
Mon objectif, c’est vraiment de progresser match après match, pour accéder au plus haut niveau, au groupe « élite », afin de pouvoir arbitrer de la Starligue (1ère division masculine). Et pourquoi pas, également, partir arbitrer des compétitions à l’étranger, sur des championnats européens.
Mathilde Cournil : « On a eu la chance de siffler à l’AccorHotels Arena »
Mon meilleur souvenir d’arbitre serait la finale de la Coupe de France, à Bercy, en mai 2019. C’était dans une belle salle, on a eu la chance de siffler à l’AccorHotels Arena. Donc c’était vraiment une journée particulière, une journée un peu « récompense ». Avoir la chance de se retrouver parmi les arbitres désignés pour cette finale, c’était une émotion particulière et ça reste un très beau souvenir.
Après, ce qui nous marque aussi, en général, ce sont nos tout premiers matchs, à chaque niveau. On les vit de façon très particulière, et ce sont toujours de très bons souvenirs.
« On fait énormément d’analyse vidéo, avec nos formateurs »
En tant qu’arbitre, je m’entraîne d’un point de vue physique, déjà. C’est primordial que l’arbitre soit en excellente condition physique, autant que les joueurs et les joueuses, pour rester lucide tout au long des 60 minutes. On suit un programme physique chaque semaine, qui nous est envoyé par la fédération.
On fait également de la préparation mentale. Donc on travaille avec un préparateur mental, qui nous suit depuis 1 an, maintenant. Et on prépare également nos matchs dans l’analyse vidéo. On en fait énormément, en amont, pour connaître les 2 équipes que l’on va arbitrer… Mais on fait également de la vidéo après le match : on a des retours vidéos de nos formateurs sur notre prestation, via la plateforme Dartfish.
Mais évidemment, c’est aussi l’expérience qui va nous faire progresser, et le fait d’accumuler les matchs en se remettant en question à chaque fois.
Mathilde Cournil : « Le plus dur, c’est de faire ses preuves… »
Pour moi, un bon arbitre se place au service du jeu. C’est celui qui met tout en œuvre pour que la rencontre se déroule dans les meilleures conditions et pour que les joueurs et joueuses puissent s’exprimer au mieux, en toute sécurité. C’est aussi un arbitre qui est capable de communiquer pour faire accepter ses décisions… Qui fait preuve de pédagogie et qui est dans le partage. Par ailleurs, c’est quelqu’un qui fait preuve d’autorité et qui sait s’affirmer et assumer ses choix.
Le plus dur dans ma fonction d’arbitre, c’est peut-être de faire ses preuves, au début. C’est comme les joueurs : au départ, il faut montrer tes compétences aux nouvelles équipes qui ne te connaissent pas, aux entraîneurs, etc. Et il faut savoir se faire accepter. Il faut se mettre au niveau du jeu, sur des niveaux qu’on découvre… Donc je dirais se faire accepter et savoir montrer ses compétences dès le premier match.
« La critique peut être un outil pour avancer »
On a un rôle qui amène la critique. Mais ça peut être de la critique constructive, aussi. Ça serait mentir de dire qu’on n’a jamais été critiqué car, le spectateur, dans les tribunes, n’est pas forcément objectif, et c’est tout à fait normal. Mais oui la critique existe et elle peut être un outil pour avancer.
Avec ma binôme, j’ai réussi à me créer une bulle, tout en restant ouverte à la communication. Pendant le match, les critiques ne vont pas nous atteindre. On est dans une remise en question à posteriori, bien sûr, mais pendant, non… On a beaucoup travaillé pour se concentrer uniquement sur le match et les faits de jeu, grâce à notre prépa mentale. Donc, on réussit à ne pas trop douter dans nos décisions, même face aux critiques.
Mathilde Cournil : « Comme les joueurs, on a aussi besoin d’un temps de récupération et de repos »
Bien sûr, ça m’arrive souvent de ressasser certaines actions en rentrant chez moi, mais c’est normal, je dirais. C’est une forme de remise en question, et c’est ce qui nous permet d’avancer, donc c’est plutôt positif. Après, je pense qu’il faut savoir couper un peu aussi !
Après le match, on sait que c’est terminé, on a besoin d’un temps de récupération et de repos, comme les joueurs et joueuses… Ensuite, passé ce temps de repos, on se replonge dans les matchs vidéos, et oui, on rumine… Mais comme on est à deux, c’est aussi une force, car on a l’autre pour nous aider, pour nous accompagner et pour discuter. Le fait de parler avec son binôme après le match, ça aide aussi à évacuer.
« Avant de parler de « travail », il faut que l’arbitrage reste une passion ! »
À côté de l’arbitrage, je suis professeur d’EPS agrégée. Je travaille dans un collège, et c’est ma 3ème rentrée. Être prof est un métier passionnant, qui me permet de cumuler ma vie professionnelle et l’arbitrage. C’est un métier qui est complémentaire, et qui, à différents points de vue, se rejoint avec l’arbitrage.
La question autour de la professionnalisation des arbitres est au cœur des discussions, je pense, depuis plusieurs années. C’est vrai que dans un sens, le jeu et les joueurs évoluent… Les joueurs sont tous professionnels, maintenant, à partir d’un certain niveau. Et l’accompagnement des arbitres doit suivre aussi : leurs compétences doivent suivre les compétences des joueurs. Si l’on veut des arbitres de plus en plus performants, je pense que la professionnalisation des arbitres de handball est un facteur qui aiderait fortement ce développement.
Est-ce que ce statut pourra être accessible dans les prochaines années… ? Honnêtement, je ne sais pas. Je n’ai pas les arguments pour savoir si c’est possible. Ça met tellement en jeu plein de choses : questions budgétaires, organisationnelles, etc.
Je pense que ce serait bien pour le jeu, pour les matchs et pour le niveau de nos ligues d’avoir des arbitres professionnels, comme au foot, par exemple. C’est quelque chose qui pourrait être intéressant… Mais avant de parler de « travail », je pense qu’il faut que l’arbitrage reste, pour nous, une vraie passion.
Mathilde Cournil : « La féminisation des arbitres… Je constate une progression, mais elle doit encore évoluer »
On ressent vraiment un engouement pour le handball et pour le handball féminin, qui se développe de plus en plus. Les performances de nos équipes de France masculines comme féminines poussent les jeunes à aller vers cette pratique, je pense. C’est vraiment quelque chose de bénéfique pour notre sport d’avoir ces titres internationaux, pour donner envie à nos jeunes et à nos jeunes filles de pratiquer le handball.
Si je compare avec le moment où j’ai commencé à arbitrer, où on était les seules filles dans notre groupe… Je constate une progression. On le voit, on n’est plus les seules filles ! On a la chance d’avoir plusieurs binômes féminins qui nous entourent, aussi.
Après, cette progression doit encore évoluer, à mon sens… Mais avec les plans de féminisation qui sont mis en place, la formation des arbitres féminines va se développer. Donc, on va dans le bon sens ! Tout en parlant évidemment des compétences, car le développement de la féminisation de l’arbitrage ne pourra se faire qu’avec un réel développement des compétences des arbitres elles-mêmes.
MATHILDE COURNIL
Avec Nicolas PARANT
La suite du programme “Journées de l’arbitrage” ici :