LUFFY — MON HISTOIRE SUR STREET FIGHTER

Depuis presque 10 ans, Luffy domine la scène française et s’impose comme l’un des meilleurs joueurs sur la série mythique des Street Fighter. Il vous raconte avec ses mots son parcours, entre arrivée au plus haut-niveau rapide à sa volonté de rester sur le circuit pro encore quelques années.
Luffy Street Fighter
(c) Red Bull
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Les pro-gamer sont souvent imperméables à toute communication avant que la compétition ne soit terminée. La rubrique « Dans la peau » permet aux joueurs de partager avec vous ces moments secrets et déterminants qui forgent la réussite de leurs projets.

Depuis presque 10 ans, Luffy domine la scène française et s’impose comme l’un des meilleurs joueurs sur la série mythique des Street Fighter. Il vous raconte avec ses mots son parcours, entre arrivée au plus haut-niveau rapide à sa volonté de rester sur le circuit pro encore quelques années. (Crédit photo Une @Pr4nk )

Les jeux-vidéo et moi, c’est une longue histoire qui commence à l’âge 5 ans avec la sortie de la Super Nintendo qui était ma première console. Mes deux grands frères étaient déjà adolescents et nous prenions pas mal de plaisir avec Street Fighter 2. À cet âge-là, je tapais juste sur tous les boutons sans faire attention à ce que je faisais. Gagner ou pas tu t’en fiches un peu quand tu es enfant.

Puis l’arrivée de la PlayStation, première du nom, m’a fait arrêter les jeux de combat pour me consacrer à des RPG* japonais comme Final Fantasy 7.

*Rôle playing game.

LA CHANCE D’ÊTRE TOMBÉ SUR LA JAQUETTE DE STREET FIGHTER 4

Ce n’est qu’avec la PlayStation 3 que je me suis remis au versus-fighting. Street Fighter IV était le seul jeu qui me disait quelque chose dans le rayon du magasin et si je n’étais pas tombé sur cette jaquette, je n’aurais peut-être jamais fait cette carrière de pro-gamer.

La plupart des bons joueurs de SF ont du vécu sur les précédentes versions comme le 2x ou le 3.3. Pour comparer, mon expérience sur le jeu est d’une dizaine d’années tandis que des joueurs comme Daigo Umehara sont sur la série depuis plus de deux décennies.

J’ai donc commencé à jouer à SF4 tout d’abord chez moi, souvent contre des adversaires en ligne. À l’époque, je ne savais même pas qu’il y avait une communauté SF et que des tournois étaient organisés. J’ai alors rejoint des forums de discussion dans le but de m’améliorer et c’est là que j’ai découvert qu’un tournoi était organisé près de chez moi. Débuts parfaits, car pour mon premier tournoi live, je m’impose et je remporte une PS3 comme lot.

J’ai continué de me rendre sur cette section compétition du forum, et j’ai ainsi pu découvrir les tournois récurrents organisés chaque mois et la vraie communauté de joueurs qui se rejoignait régulièrement sur Paris pour jouer ensemble.

Pour ceux qui se le demandent, mon nickname « Luffy » en hommage au manga One Piece est encore plus ancien que ma pratique compétitive de Street Fighter. J’avais déjà ce pseudo lorsque que je jouais plus jeunes à des MMORPG*.

*jeu de rôle en ligne massivement multijoueur

Pour moi tout est ensuite allé très vite. Normalement un joueur qui va percer le haut-niveau va progresser petit à petit lors des tournois en perdant en poules, puis en top 64, 32… Mon parcours a été plus atypique avec cette première victoire en 2009 et des top 3 dans les autres premiers tournois auxquels j’ai participé. En l’espace de 2 ou 3 mois, j’ai été directement catapulté dans les meilleurs joueurs français.

J’ai rapidement participé à un event international à Londres que j’ai remporté face à des joueurs de renoms comme Daigo ou Ryan Hart. Toujours en 2010, je réussis à gagner la DreamHack en Suède.

ÊTRE L’UN DES MEILLEURS JOUEURS DE SF TOUT EN RESTANT AMATEUR

J’étais étudiant et je jouais pendant mon temps libre après mes cours à l’université. Et le week-end, j’étais disponible pour les compétitions. J’ai toujours eu beaucoup de passion pour le jeu, même sans argent, même en devant payer tous mes déplacements, j’avais cette envie de faire de nombreux tournois et de me mesurer aux meilleurs.

J’ai eu quelques offres de sponsoring, mais je les ai toutes refusées parce que je voulais toujours rester avec mon boulot à côté, tout d’abord comme manager des ventes chez Auchan puis comme responsable achat chez Havas. Je voulais aussi rester dans ce fonctionnement pour ne pas me mettre trop de pression, notamment vis-à-vis de la structure qui te soutient et qui attend forcément beaucoup de résultats. J’aimais ma routine quotidienne où j’allais bosser la semaine et je faisais un tournoi le week-end.

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Finalement en 2014, la team du Meltdown a commencé à m’aider, mais c’était différent. C’est une famille et le fonctionnement était vraiment cool. Ils savaient me faire confiance notamment sur mon approche pro des tournois. Ils n’avaient pas besoin d’être derrière moi pour que je performe le plus possible.

À l’époque, le milieu n’était pas suffisamment développé pour pouvoir vivre facilement de l’eSport. Il fallait sans cesse performer pour réussir à gagner des cash-prize et des dotations de tournoi. Désormais c’est différent, tu peux avoir un salaire pour pouvoir en vivre.

Cette année-là n’avait pas forcément bien commencé avec des défaites assez tôt notamment lors de la DreamHack quelques semaines avant la compétition la plus importante sur Street Fighter, l’EVO, que je gagne finalement. Ce fût assez surprenant pour certaines personnes de me voir vainqueur de cet événement si prestigieux, mais ça m’a mis dans une situation idéale et j’ai quasiment remporté tous les tournois qui ont suivis entre juillet et décembre en Europe.

Quand tu gagnes l’EVO, tu es forcément plus relâché et tu as moins de pression lors des events suivants. Mes choix étaient moins altérés par ces sentiments négatifs et j’osais forcément plus en match ce qui a été payant pendant cette période dorée pour moi. J’ai aussi gagné en médiatisation grâce à cette victoire, notamment dans les médias plus traditionnels même si je donnais déjà régulièrement des interviews grâce à mon statut de meilleur joueur européen.

Je tiens d’ailleurs à insister sur le fait que le niveau en Europe s’est considérablement amélioré et que désormais nous tenons vraiment en respect les meilleurs joueurs asiatiques. Il y a aussi une certaine émulation grâce à la présence des meilleurs joueurs du monde à chaque compétition alors qu’avant c’était très compliqué de faire venir les joueurs asiatiques ou nord-américains sur les étapes européennes.

STREET FIGHTER 5 ET LE PROFESSIONNALISME, DE NOUVEAUX DÉFIS

En 2016, la sortie de Street Fighter V va venir bousculer beaucoup de choses avec un nouveau gameplay et la suppression de mon personnage sur SF4, Rose. À la base, je l’avais choisi uniquement pour son design. Finalement son style de gameplay axé sur la défense a influencé mon style de jeu.

C’était un gros challenge pour moi, car j’étais attendu au tournant et que j’ai du vraiment m’adapter. Les débuts ont été assez difficiles et je restais quand même dans les meilleurs joueurs, mais j’étais plus dans le top 5 ou top 8 européens alors qu’avant j’étais premier.

J’ai mis 6 bons mois pour gagner ma première compétition, ce qui était assez inhabituel par rapport à ce que je vivais sous SF4. D’autres changements sont intervenus cette année qui ont impacté mon personnage, devenu plus faible qu’au démarrage du jeu. Désormais je joue avec R.Mika qui est plus offensif. Ça m’apprend à jouer un nouveau style et je pense que ce sera forcément bénéfique pour l’arrivée dans quelque temps de Street Fighter 6.

LUFFY CONTRE LA LÉGENDE DAIGO

Lors de cette même année 2016, je suis enfin passé complètement passé pro en intégrant l’équipe Red Bull. Aujourd’hui si vous n’êtes pas à temps plein sur le jeu c’est très compliqué, car nous sommes en déplacement tous les week-ends pour des tournois et le niveau général s’est énormément amélioré.

Red Bull m’apporte énormément en échange de l’utilisation de mon image et le fait que je véhicule la marque un peu partout dans le monde. Ils me permettent de pratiquer ma passion pour Street Fighter de façon professionnelle sans à avoir de travail complémentaire à côté. Même si je dois faire le maximum en tournoi, je ne suis pas soumis à la pression de la rémunération par les cashprize, car j’ai un salaire qui tombe tous les mois. Ça me permet d’évacuer toute cette pression qui pourrait être négative en tournoi.

Je m’entraîne 3 à 4 heures par jour lors que je ne suis pas sur un événement. En général, je joue contre d’autres joueurs pro européens, mais je vais aussi analyser les combats de mes adversaires sur YouTube. Sur SF5, il faut passer beaucoup de temps sur cette phase stratégique afin de comprendre les tendances d’attaques et de défenses de chaque joueur. C’est peut-être plus important que la pratique du jeu en lui-même.

À 32 ans, je pense que je vais pouvoir continuer à pratiquer Street Fighter à très haut-niveau jusqu’à l’épisode 6. Nous avons l’une des scènes eSport les plus âgées, quand je vois que certains pros sur League Of Legends prennent leurs retraites à 23 ans, je trouve ça marrant alors que la plupart des joueurs de SF ont entre 30 et 40 ans. La légende du jeu, Daigo, a 37 ans et il est peut-être aujourd’hui le meilleur joueur de la planète.

Sur le court terme, j’aimerais tout simplement rester au top malgré la concurrence féroce des plus jeunes. Beaucoup de joueurs français commencent à avoir un sacré niveau, ils leur manquent simplement une expérience à l’étranger contre des joueurs asiatiques notamment. Les asiatiques à Street Fighter c’est un peu comme le tennis de table où ils pourraient truster les 20 premières places, c’est tellement dans leur culture que de nombreuses personnes lambdas ont une vraie expertise des jeux de combat.

L’objectif principal de ma fin de saison reste la Capcom Cup qui est le tournoi le plus compliqué à remporter.

LUFFY

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