DU SOLEIL SUR LE DAUPHINE LIBERE
Chronique d’une descente aux enfers ! Ce n’est pas le titre d’un polar, mais bien le Tour de France qu’à vécu Christophe Moreau en 2007. Pourtant, le soleil est radieux à Londres, ville départ de la 94e édition de la Grande Boucle, pour le leader de l’équipe AG2R Prévoyance. Le grimpeur français vient de faire une grosse impression, un mois plus tôt, sur le Critérium du Dauphiné Libéré. Une épreuve qu’il remporte pour la deuxième fois après l’édition 2000. Avec deux victoires d’étapes à la clé. Mais surtout une impression d’aisance dès qu’il attaque en montagne, laissant ses adversaires sur place, que ce soit au Mont Ventoux et à Valloire.
Les Denis Menchov, Cadel Evans, Alexandre Vinokourov et même le jeune Alberto Contador sont réduits au rang de simple faire-valoir. Incapable d’enrayer la domination de Christophe Moreau, dès que la route s’élève. Le rêve du Français de 36 ans se poursuit à Aurillac, théâtre des championnats de France sur route. Longtemps considéré comme le maudit de cette épreuve, le Picard concrétise enfin son rêve en Bleu-Blanc-Rouge. En reléguant, s’il-vous-plaît, son dauphin Pierrick Fédrigo à 2’19. Preuve de l’étendue de la démonstration du coureur d’AG2R.
CHRISTOPPHE MOREAU PASSE ENTRE LES GOUTTES SUR LE DEBUT DE TOUR
Alors oui, public médias et même sans doute le principal intéressé lui même, la France entière se met à rêver à l’exploit. Vingt-deux ans après la dernière victoire tricolore de Bernard Hinault, un Français est dans les grands favoris. Christophe Moreau peut gagner le Tour de France ! Il faut dire aussi que ce Tour de France 2007 est particulier. Il n’y a aucun cador pour verrouiller l’épreuve. Lance Armstrong est retraité depuis deux saisons. Floyd Landis, un temps vainqueur du Tour précédent, a été convaincu de dopage et Oscar Pereiro, le vainqueur officiel, ne semble pas en grande forme. Jan Ullrich a pris sa retraite et Ivan Basso purge une suspension suite à l’affaire Puerto. Cadel Evans ou encore Alberto Contador ne sont pas les cadors qu’ils deviendront plus tard.
Le focus était sur la lutte fratricide au sein de la jeune équipe d’Astana ! Qui d’Alexandre Vinokourov où d’Andréas Kloden pour prendre le leadership. Le Kazakh, vainqueur de la Vuelta 2006 et l’Allemand, 2e de la Grande Boucle la même année. Antagonistes mais dont le sort va brutalement s’acharner sur eux, lors de la 5e étape qui mène vers Autin. Kloden tombe à 75 km de l’arrivée – fissure au coccyx. Vinokourov tombe à 25 km de l’arrivée – 15 points de suture à chaque genou et 1’20 de perdus. Christophe Moreau ? Tout va bien pour notre champion de France, qui passe à travers toutes les gouttes.
LE FESTIVAL DE TIGNES
Christophe Moreau, comme les autres favoris, passera la première étape de montagne tranquillement. Cette arrivée au Grand-Bornand voit le jeune allemand Linus Gerdemann donner un peu de joie à son pays, dont les médias sont très crispés depuis les différentes affaires de dopages. Ce sera d’ailleurs la dernière année de l’emblématique T-Mobile, au sein du peloton. Victoire d’étape et prise de pouvoir du coureur de 24 ans. L’échauffement est terminé, les choses sérieuses peuvent commencer !
L’étape vers Tignes va montrer les premières tendances. On voit surtout voir un maillot Bleu-Blanc-Rouge déchaîné. Sur cette montée roulante, Christophe Moreau attaque dès le pied, sans même que son équipe ne durcisse la course. A l’ancienne et bien décidé à dynamiter cette étape. Un groupe de costaud se forme. On y retrouve Contador, Valverde, Kashechkin, Evans, le revenant Iban Mayo et bien entendu le coureur d’AG2R Prévoyance. Qui multiplie les attaques.
On sent qu’il est le plus fort, mais il ne provoque pas davantage la décision, la montée n’est pas assez dure. Le groupe se désorganise. Ce qui les sauvent de la jonction, c’est la défaillance soudaine de Vinokourov qui sera attendu par Andréas Kloden (pourquoi ?). Loin de cette bagarre, Michaël Rasmussen vole vers sa troisième victoire d’étape sur le Tour. Il prend le maillot jaune ! Personne ne le sait encore, mais le coureur de la Rabobank va devenir LE grand favori de ce Tour. Malgré ses jambes digne du Dauphiné, le gain ne sera pas si conséquent pour Christophe Moreau !
LE RETOUR A LA REALITE POUR CHRISTOPHE MOREAU
Surtout, le rêve enchanté prend fin. Tignes sera le chant du cygne pour le Français. La longue décrépitude peut commencer. Elle se traduit dès le lendemain, dans l’étape qui amène le peloton à Briançon. Longtemps en queue de peloton dans le Télégraphe, il ne peut répondre à l’attaque de Contador dans le Galibier. Seul, totalement isolé, il parvient à raccrocher le groupe des favoris avant le sommet. Un groupe qui avalera ensuite Contador, mais pas Juan Mauricio Soler. Christophe Moreau perdra une quinzaine de secondes dans la rampe finale dans Briançon. Mais il est alors encore 6e du général, à 3’16 de Michaël Rasmussen.
Deux étapes plus tard, c’est le drame pour Christophe Moreau. Il chute au bout de 35 km, sans gravité, si ce n’est une chaussure endommagée. Détail qui va avoir son importance. Le Français glisse en queue de peloton pour réparer la dite chaussure. C’est le moment que choisissent les Astana pour initier un coup de bordure. Alexandre Vinokourov a décidé de prendre sa revanche et de montrer qu’il est encore en vie sur ce Tour. Malgré les efforts d’AG2R Prévoyance, aidé par des équipes de sprinters piégés, rien n’y fait. Le champion de France perd 3’20 et rétrograde à la 14e place du général. Et la déroute n’est pas finie.
PUIS LA DESCENTE AUX ENFERS DE CHRISTOPHE MOREAU
Car il va concéder près de 10′ sur le contre-la-montre autour d’Albi. Lui l’excellent rouleur, n’y est plus sur ce Tour de France. Vainqueur du prologue du Tour 2001, souvent dans les top 10 des chronos, Christophe Moreau sombre, tandis qu’Alexandre Vinokourov poursuit sa (brève) résurrection. Désormais hors du top 20, c’en est fini. Le lendemain il termine dans le grupetto, dans l’étape menant vers le plateau de beille. Il concèdera avoir vécu la pire journée de sa vie sur le vélo.
Le fin de Tour est anecdotique pour Christophe Moreau, effacé des radars, dans une éditions où les scandales éclatent les uns après les autres. D’abord Michaël Rasmussen, accusé d’avoir menti sur sa localisation. Il sera exclu le soir de sa victoire au col d’Aubisque, alors qu’il avait le Tour dans la poche. Les Astana ? Vinokourov positif lors de sa seconde victoire à Bagnères-de-Luchon, l’équipe se retire le soir même. Cofidis fera de même suite à l’affaire Christian Moreni. Un climat de défiance règne sur une Grande Boucle gangrénée par le dopage. Gangrénée aussi pour être un sport qui ose lutter contre les tricheurs.
Christophe Moreau terminera 37e, loin de ses rêves de gloire. Mais il aura eu le mérite de s’accrocher là ou beaucoup auraient abandonné. Il ne fera jamais podium sur le Tour, mais on garde l’image d’un coureur régulier, pas le plus spectaculaire du peloton, mais souvent bien placé. Un coureur qui aurait sans doute mérité un podium sur un grand tour. Mais les places sont chères.
Etienne GOURSAUD