JEAN-BAPTISTE GOBELET – 2ÈME PARTIE : ÉTATS-UNIS, VII, ÎLE MAURICE

Passé par les États-Unis après sa carrière avec l’équipe de France à VII, Jean-Baptiste Gobelet est aujourd’hui DTN du rugby mauricien.

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Originaire du Limousin, d’ailleurs licencié dans un premier temps à Limoges puis Isle, Jean-Baptiste Gobelet est bien entendu connu dans le monde du rugby pour avoir occupé le poste indéboulonnable d’ailier du Biarritz Olympique durant la fastueuse période du club basque. Arrivé en provenance de Clermont en 2002, il décrochera en rouge et blanc deux titres de champion de France, dont le premier de l’histoire du Top 14, et atteindra par deux fois la finale de Coupe d’Europe. Avec nous, Jean-Baptiste Gobelet revient sur le phénomène Biarritz de l’époque, sur ses zéro sélection en équipe de France, et les joueurs qui ont marqué sa carrière.   

– A quoi ressemble le rugby de club aux États-Unis ? 

J’y suis parti en 2016, après ma carrière de VII. Je suis arrivé un peu par hasard, je voulais terminer par quelque chose d’un peu exotique. J’ai joué avec une franchise amateur, à San Diego, car le rugby pro n’était pas encore activé. On partait sillonner la Californie, le Colorado, … C’était très amateur, très sympa. Et ensuite on s’est préparé pour la saison pro. On s’entraînait avec des joueurs de NFL et je vous assure que c’était très costaud, à la limite du supportable parfois. C’était assez complexe pour un joueur de fin de carrière.

Défensivement, c’était un peu la fête du slip, il y avait des scores assez élevés. Je me rappelle d’une fois où s’est pris trois groupés pénétrant, et je demande aux joueurs pourquoi ils ne plongent pas dans les jambes, et ils me disent « on n’a pas le droit, c’est la règle ». Ils acceptent beaucoup le fait que l’adversaire soit plus fort qu’eux. Le niveau s’est resserré je pense depuis, il y a eu beaucoup d’entraîneurs et joueurs étrangers qui sont arrivés. Je pense que le rugby américain va passer un cap.

– Que pensez-vous du dépôt de bilan de la Fédération Américaine, du sursis pour les championnats et équipes ?

C’est typique américain. Les USA, ça va tout en haut et ça va tout en bas. Je ne m’inquiète pas du tout pour eux, ça va rebondir sans soucis. Ce sera même plus fort qu’avant. Quand on voit la progression du VII en quelques années (numéro 1 mondial depuis quelques temps), je pense qu’à XV, avec l’apport de compétences étrangères, ils vont acquérir une énorme expérience. Ca ne m’étonnerait pas de voir les USA dans le Top 10 voire le Top 6 mondial dans dix ans. Contre le XV de France à la Coupe du monde, ils s’accrochent jusqu’à la 70e minute.

Il y a beaucoup d’Islanders, des joueurs d’origine samoane, tongienne, fidjienne qui sont basés aux USA. Il faut savoir que les jeunes de ces communautés briguent les places en NFL, mais seulement 1,6% des joueurs universitaires vont en NFL. Donc si la plupart peut avoir des contrats pros avec le rugby, vous allez voir de sacrés bébés. Pour mon premier match là-bas, le pack adverse faisait plus de 1000 kilos, je n’avais jamais vu des joueurs aussi costauds. Il faudra leur donner rendez-vous pour les années à venir, peut-être pas 2023, mais pour 2027 ça risque de piquer.

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– Que retenez-vous de vos années avec France VII ?

C’était la fenêtre enchantée. Un World Tour de sport collectif, dans des endroits incroyables, c’est quelque chose d’unique à vivre. Jouer pour son pays, dans des ambiances aussi fortes, c’est génial. C’est une expérience à vivre. J’aurais voulu en faire avant le World Tour, mais il faut savoir que je suis venu au rugby très tard, à 15 ans, par mes qualités physiques. J’avais été approché, vers 18 ans, par France VII pour faire des tournées, mais je n’étais pas libre avec mes contrats de club. Donc je n’ai pu débuter qu’en 2010, après la défaite en HCup. Faire du rugby à VII en préparation du XV, ça aurait été un super complément pour moi et je pense que j’aurai fait une carrière différente, j’aurai pu être un peu plus complet. On voit que beaucoup de fédérations s’en servent comme laboratoire pour le XV, c’est un super outil.

Ce fut en tout cas une expérience humaine et sportive monstrueuse, avec des titres de champion d’Europe, des finales mondiales.

– Vous êtes DTN de la Fédération Mauricienne de rugby, quels y sont vos objectifs ?

L’objectif est de créer une histoire, une aventure folle avec cette petite île de l’océan Indien. Je suis arrivé là-bas en 2017 suite à des rencontres avec différents dirigeants et j’ai surtout rencontré des gens qui sont passionnés de rugby. L’océan Indien est baigné de rugby aussi, Madagascar, la Réunion, Mayotte. On a monté un projet olympique puisqu’il fallait un projet à long terme. On part sur un cycle olympique des moins de douze ans jusqu’aux seniors, et le but est de pouvoir multiplier les clubs partout sur l’île. La vitrine serait de qualifier les filles et les garçons pour Paris 2024, mais le cœur du projet est d’amener le rugby mauricien à un idéal pour 2024, sur la gouvernance, le développement, la haute performance et le sport féminin. On a démocratisé le rugby dans les quartiers sensibles, le nombre de licenciés à augmenté de 20%, il y a beaucoup de réussite mais ça reste fragile. On essaie aussi de diversifier la discipline, en amenant le touch rugby, le beach rugby, le VII bien sûr. Pour moi une Fédération de rugby, ce n’est pas que le XV. Même si c’est sur le XV et le VII que l’on est obligé de performer par rapport à Rugby Afrique. Sachant que l’on a un vivier très faible sur l’île, avec 80 seniors pour le XV. Mais le réservoir s’agrandit.

– Quelle est la place du rugby culturellement là-bas ?

Ce n’est pas le sport n°1. Il y a une grosse communauté indienne, environ 800 000 personnes sur 1,3 millions. C’est un sport surtout pratiqué par les blancs mauriciens et les expatriés au départ. Il y avait 700 licenciés pour trois clubs, on est déjà passé à neuf clubs, un peu partout géographiquement sur l’île. On est très présent sur les médias, ça prend de l’ampleur. On est passé de 60 à 200 filles en quelques mois. L’expansion est assez incroyable, avec une génération beaucoup plus rigoureuse, qui a faim d’olympisme.

– On connaît la morphologie des îliens du Pacifique, à la fois rapides, techniques et puissants. Quel est le profil de vos joueurs ?

Ils ne font pas 2 mètres et 120 kg. Ce sont des joueurs très talentueux, aux capacités techniques qui pour certains les ont fait venir en France pour des stages de haute performance. Ils ont une bonne lecture du jeu, ils pallient leur déficit physique par-là, l’intelligence, le mental. On fait beaucoup de recrutement dans les sports à côté, on va chercher des joueurs de foot, on va en milieu scolaire. Certains viennent au rugby naturellement, pour être avec les copains.

– L’évolution de vos équipes depuis votre arrivée vous satisfait-elle ?

On a réussi à avoir une médaille de bronze en Algérie pour les Jeux Africains de la Jeunesse donc le talent est là. Troisième équipe africaine après l’Afrique du Sud et la Namibie. Le gap est de plus en plus faible, il y a un déficit physique mais on est sur le bon chemin.

On a arrêté le formatage avec les tactiques préétablies. On met maintenant en place un jeu intuitif, on créé le véritable ADN du rugby mauricien, pas calqué sur d’autres systèmes. Ils ne pourront jamais rivaliser physiquement avec les autres équipes africaines, donc il faut mettre en place un jeu avec la capacité à pouvoir lire des actions. A XV on a une très bonne mêlée, maintenant c’est la capacité à encaisser les coups qu’il faut travailler. Le niveau reste environ de la Fédérale 3, voire Fédérale 2. Le niveau est très hétérogène, certains pourraient jouer en Pro D2, et d’autres en Promotion d’Honneur. Il faut donc travailler sur la base, plus la base sera élevée plus les joueurs qui rentrent des études pourront aider à tirer le jeu vers le haut.

 

Propos recueillis par Mathéo RONDEAU

 

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